Les énergies renouvelables, où en sommes-nous ?
30 Juillet 2024
Les énergies renouvelables occupent le devant de la scène depuis deux décennies.
Il est bon aujourd'hui de faire un état d'avancement de ce projet planétaire dont le succès, ou l'échec, conditionnera la pérennité de nos modes de vie actuels fondés sur le machinisme au sens large, lui-même dépendant au premier chef de la disposition d'énormes quantités d'énergie.
Le graphique suivant décrit l'évolution de la part des différentes sources dans la consommation mondiale d'énergie primaire sur les deux décennies écoulées.
Les données complètes sont ici :
Plusieurs remarques :
A quelques pourcents près, la répartition entre fossiles et renouvelables n'a pratiquement pas évolué, ce qui est pour le moins alarmant eu égard à l'urgence de la crise climatique annoncée, et dont les premières atteintes sont déjà perceptibles.
Après deux décennies de mobilisation aux niveaux les plus élevés contre le risque climatique lié aux émissions de CO2 fossile, la part des énergies renouvelables n'a que très peu augmenté, et peine à dépasser la part des « anciennes » énergies décarbonées ( Hydroélectrique et Nucléaire ) qui ont elles-mêmes tendance à baisser.
( Ces dernières baisses étant liées mathématiquement à une production stable confrontée à une demande énergétique en augmentation...).
Les sources d'énergie fossile, qui n'ont perdu que 3% de part sur deux décennies, demeurent ainsi encore largement dominatrices.
Ce bilan chiffré indique que le Monde n'est clairement pas encore entré dans l'ère des énergies renouvelables ; il demeure sous l'empire des fossiles, avec même un petit avantage au charbon, malgré son effet plus nocif sur les émissions de CO2.
La cause mécanique de cette situation peu glorieuse tient à l'évolution croissante de la demande qui demeure supérieure à la production des renouvelables.
( Encore une course à l'échalote...)
Le cumul de la production énergétique des « vedettes » que sont l'Eolien et le Solaire n'atteint en 2023 que 2,4 % de la consommation mondiale d'énergie primaire.
( 4 000 TWh sur 166 000 TWh ).
C'est une part très faible par rapport à l'ambition du projet de convertir à l'électrique une grande partie des applications de la Planète.
Notons que la part du Nucléaire est encore plus faible, 1,6% seulement, avec 2 650 TWh.
Heureusement il nous reste l'hydroélectrique, qui fait 4 300 TWh ( 2,6% ), et la biomasse qui fait environ 10%, avec la Géothermie.
( Cette Biomasse bien discrète possède un potentiel de croissance considérable ).
Au vu de ces résultats peu flatteurs malgré deux décennies de promotion à tous les niveaux, on peut conclure à un échec de l'approche « soft » qui consiste à chercher à atteindre un résultat concluant sans accepter de profonds bouleversements de nos modèles d'économies financiarisées fondées sur la consommation et le profit.
Quels sont les moyens d'inverser cette tendance ?
Jusqu'à présent il n'est pas question de chercher à changer de modèle d'économie mondiale financiarisée. Les sociétés occidentales ne sont pas prêtes à modifier spontanément leurs modes de vie, lesquels sont fondés sur toujours plus de consommation, d'accumulation de biens, de mobilité, de loisirs, et d'exotisme générateur d'échanges planétaires frénétiques.
Et les sociétés en voie d'occidentalisation sont avides de partager les mêmes « idéaux ».
Les « gestes » écologiques consentis ici et là ne sont pas suffisants pour infléchir significativement la marche du Monde.
Reste alors à essayer la solution de s'attaquer à l'Energie elle-même pour tenter d'en réduire le flux.
Freiner la croissance de la demande énergétique mondiale constitue une partie essentielle du challenge.
Mais cette croissance étant proportionnelle à la croissance du PIB, c'est donc aux structures mêmes de l'économie financiarisée qu'il faudrait s'attaquer. Or il n'existe aucun projet global dans ce sens.
Bien au contraire :
Entre 2012 et 2022, La consommation mondiale d'énergie primaire est passée de 528 à 604 Exajoules, soit une augmentation de 14,4 %.
( On pourrait s'en féliciter dans la mesure où l'augmentation de la consommation d'énergie correspond à une augmentation de niveau de vie des populations, mais ce n'est pas forcément le cas partout...).
Compte tenu d'une part, de la croissance démographique prévue ( + 37% d'ici la fin du siècle ), et d'autre part de la forte demande ( Justifiée) d'amélioration des niveaux de vie des pays en voie de développement, il ne faut pas trop espérer une baisse spontanée de la demande énergétique mondiale.
Pour tenter de contenir malgré tout ce débordement de demande d'énergie, deux actions sont engagées ( du moins planifiées sur le papier ) :
La première action consiste à réduire drastiquement le « gap » qui subsiste entre l'énergie « primaire » et l'énergie « finale ».
Sans entrer dans les détails, cela conduit à électrifier les applications qui fonctionnent aujourd'hui avec des fossiles à travers des procédés peu efficaces énergétiquement, essentiellement les moteurs thermiques ; et d'autre part à récupérer la chaleur perdue en pratiquant la cogénération.
La deuxième action consiste en une gigantesque « chasse au gaspi » à tous les niveaux et dans tous les secteurs énergivores.
On pourrait ajouter une troisième action qui consisterait à analyser toutes les applications énergétiques du point de vue de leur utilité réelle, et de la pertinence des procédés mis en œuvre.
Quant à réformer les usages de l'énergie eux-mêmes, il ne faut pas trop y compter avant longtemps...Et pourtant c'est bien là qu'il y aurait matière à économiser l'énergie...
( Limiter les déplacements, construire ( ou reconstruire) des bâtiments à énergie positive, modérer les externalisations, développer les usages des chemins de fer de préférence à la route, etc, seraient très efficaces mais exigeraient d'énormes capitaux ).
La deuxième action consiste à remplacer les fossiles par des renouvelables.
C'était le but au départ, mais qui paraît de plus en plus lointain au regard des piètres résultats obtenus jusqu'à présent...
En tout cas, pour remplacer les fossiles par des renouvelables, il faut d'abord les produire.
S'agissant d'un projet long terme au bénéfice des générations futures, les investisseurs habituels ne se précipitent pas sans d'importantes participations des Etats. Et malgré ces subventions, il subsiste d'importants problèmes d'acceptabilité, de coordination entre les régions du Globe, d'approvisionnement des matériaux nécessaires, de réorganisation des réseaux de distribution de l'énergie, toutes choses qui ne sont pas facilitées par le délabrement actuel des relations internationales, et par la gestion purement financière de l'économie mondiale plus orientée vers le profit immédiat que vers le bien-être des générations futures.
Par ailleurs, le remplacement des fossiles par des sources renouvelables décarbonées se révèle beaucoup plus difficile technologiquement que prévu au premier abord :
Les sources produisant de l'électricité, supposent l'électrification des applications fonctionnant auparavant avec des fossiles. Des secteurs entiers seront directement impactés, avec des investissement colossaux, et parfois des incompatibilités obligeant à trouver d'autres sources d'énergie non électriques mais décarbonées quand même...Biomasse, e-fuels ?
( Contrairement aux apparences, il n'existe pas encore de consensus au sujet du ou des types d'énergies renouvelables qui auraient « droit de cité » pour la transition :
L'énergie Nucléaire est encore contestée par une partie de l'opinion, ce qui plombe tout projet de développement susceptible d'être interrompu par décision d'un nouveau gouvernement...
L'énergie de la biomasse est suspectée d'entrer en conflit avec les usages tels que les cultures vivrières, l'agroforesterie, qui seraient détournées au profit de la production d'énergie.
L'implantation des parcs éoliens se heurte à des conflits d'usages dans les zones fortement peuplées, ce qui en limite drastiquement le potentiel dans certaines régions.
L'usage des biocarburants, et/ou des e-fuels,est contesté en raison d'une part du très mauvais rendement des moteurs thermiques, et d'autre part des émissions de gaz toxiques et de nanoparticules associées.
Toutes ces oppositions larvées, déjà sensibles au niveau actuel de faible production, laissent prévoir de grandes difficultés lorsqu'il s'agira de produire au régime de croisière requis pour remplacer les fossiles ).
Par ailleurs, le solaire PV et l'éolien fournissent une énergie intermittente qui ne pourra être gérée par le réseau que si elle est soutenue en « back-up » par des moyens de production électrique stables et pilotables ; ces moyens doivent être eux-mêmes alimentés par des sources non intermittentes, qui ne peuvent être que des centrales thermiques ( Alimentées par de la Biomasse ou du combustible nucléaire ), ce qui accroît considérablement les investissements.
Et l'électrification globale suppose la généralisation des réseaux électriques modernes et puissants dans toutes les régions du Monde élligibles à la transition énergétique.
Encore des investissements colossaux...
Les deux décennies écoulées ont surtout servi à développer des technologies efficaces, identifier les problèmes que seule l'expérience permet de découvrir, mesurer l'ampleur financière d'une transition énergétique, et prendre la mesure de ce qu'il faudrait faire pour concrétiser les belles courbes de croissance qui ornent les planifications papier.
Cet état des lieux confirme, s'il en était besoin, que les réunions internationales, les comités scientifiques de ceci et de cela, les rapports de 900 pages sur ce qu'il aurait fallu faire, ou ce qu'il faudrait faire si...les courbes des variations prévisionnelles de la température de l'Atmosphère en fonction de telle ou telle stratégie, demeurent impuissants à faire bouger significativement les lignes.
Les deux prochaines décennies seront cruciales pour juger de notre capacité à réaliser la transition énergétique planétaire sans plonger la civilisation actuelle dans un désordre socio-économique où il nous faudrait gérer à la fois les dégâts du changement climatique, le déclin naturel des énergies fossiles, et la crise énergétique due à une production chaotique de sources renouvelables diverses mal maîtrisées.
Les péripéties actuelles de la voiture électrique ne sont qu'un épiphénomène par rapport aux problèmes de fond qui nous attendent lorsque le pétrole et le gaz fossiles viendront effectivement à manquer...