La batterie de voiture électrique et son BMS, une usine à gaz.
13 Mai 2025
Les batteries au Lithium actuelles de nos voitures électriques ( NMC et LFP par exemple ) sont réalisées en assemblant des éléments au Lithium dont la tension nominale est d'environ 3,2V.
Le marché des voitures électriques de grande série a été initialisé à partir de prétentions relativement modestes, compatibles avec les technologies de batteries disponibles à l'époque, pour des moteurs d'environ 100 CV, ( # 70 kW ) et une capacité d'environ 30 kWh pour une autonomie de 150 à 200 km.
( Les 100 CV pouvaient être obtenus avec un régime de charge/décharge de 2,5 C, maximum possible avec la technologie disponible et le prix de marché praticable ).
Le compromis courant/tension choisi pour la batterie devait tenir compte des possibilités technologiques des moteurs électriques, de la nécessité d'économiser le cuivre ( plus le courant est fort et plus les conducteurs en cuivre doivent être gros...) et des possibilités des semiconducteurs de l'époque, qui devaient équiper l'onduleur alimentant le moteur, et donc supporter la tension de batterie.
Le choix s'arrêta sur 400 V environ pour la tension.
(Aujourd'hui on peut aller jusqu'à 1 500 V avec les nouvelles technologies de semiconducteurs.
Ces tensions seront nécessaires pour l'électrification des camions qui seront équipés de grosses batteries nécessitant des bornes de recharge à plus de 800 V pour des puissances supérieures à 1000 kW ).
Les batteries actuelles sont aujourd'hui encore en 400 V très majoritairement.
Pour avoir ces 400V il faut donc placer 125 Cellules de 3,2 V en série.
En fonctionnement, ces cellules s'échauffent comme toute batterie parcourue par du courant, et donc dégagent de l'énergie thermique.
( Cette énergie, perdue pour la propulsion de la voiture, pénalise le rendement global de 5 à 10% et s'ajoute à l'énergie perdue dans la phase de recharge de la batterie ).
Pour facilité la dissipation de la chaleur dégagée pendant la recharge et/ou la décharge, il est nécessaire de fractionner les cellules en sous-cellules afin de permettre au fluide refroidisseur d'accéder à chaque élément, et à la chaleur interne des éléments de s'évacuer rapidement afin d'éviter les points chauds.
Pour cela, on dispose en parallèle plusieurs « chapelets » de 125 cellules de 3,2 V.
Il y a ainsi n fois 125 éléments de 3,2 V dans une batterie de 400 V, avec n= 2, 3 ou 4, voire plus.
Une batterie de 400 V au Lithium contient ainsi plusieurs milliers d'éléments de 3,2 V.
( Certains modèles de Tesla contiennent plus de 8 000 cellules élémentaires!!!).
Chacune de ces cellules vit sa vie propre et, malgré la précision des procédés industriels mis en œuvre, les cellules élémentaires présentent des dispersions de caractéristiques, certes très faibles, mais suffisantes pour entraîner des petites dispersions qui évoluent avec le temps.
Ces dispersions affectent le comportement de chaque cellule pendant la charge, la décharge, les dégagements de chaleur, le vieillissement, la courbe de charge, de décharge, les points chauds, qui peuvent parfois rapidement compromettre les performances et la fiabilité.
Ces nombreux éléments interconnectés doivent être individuellement gérés afin de répartir la charge et la décharge de manière homogène, de tenir à jour l'état de charge ou de décharge des éléments, de procéder à des équilibrages entre éléments, de mesurer la température de chaque élément, détecter les zones de surchauffe et prendre les contre-mesures adéquates, éventuellement neutraliser certains éléments défectueux, tenir toutes ces données en mémoire, établir l'état de santé de chaque élément ( SOH ), l'état de charge ( SOC), tenir le journal des éléments de la vie de la batterie, gérer les conditions de recharge en conséquence, communiquer avec les bornes de recharge, gérer le système de refroidissement de la batterie, et bien d'autres indicateurs notamment pour le calcul de l'autonomie en fonction du soutirage de courant, de la température extérieure, les accessoires en service, etc...
Toutes ces tâches sont accomplies par le BMS ( Batterie Management System ) dont le rôle est absolument essentiel, ce qui en fait le cœur de la voiture.
Le BMS est ainsi chargé, entre autres tâches, de surveiller tout cela et de mettre en œuvre les mesures correctrices pour préserver le bon fonctionnement de la batterie.
Il est également chargé de tenir à jour les données de chaque élément afin de gérer les conditions d'utilisation et d'éviter les situations potentiellement dangereuses.
Pour cela il faut ( il faudrait) que le BMS ait un accès à chaque éléments de la batterie pour faire les mesures nécessaires afin de déclencher les contre-mesures.
( Détection des points chauds, déconnexion si nécessaire, mesure de la tension, de la température, égalisation des charges, etc.).
On imagine sans peine l'ampleur du problème quand il s'agit de surveiller individuellement un ensemble de plusieurs milliers de cellules.
Parmi les multiples paramètres que le BMS doit surveiller dans chacune des cellules élémentaires et ramener à la bonne valeur, il y a la détection de points chauds qui peuvent conduire au pire s'ils ne sont pas réduits rapidement.
La température est donc un paramètre clé qu'il faut maîtriser pour d'une part maintenir la température moyenne dans les meilleures limites ( Entre +15 °C et +35 °C ) et d'autre part pour détecter le risque d'un point chaud susceptible de déclencher un incendie, et prendre les mesures adéquate pour l'éviter..
Le BMS est ainsi une véritable centrale de régulation qui prend le contrôle des quelques milliers de petits éléments de 3,2 Volts grâce à des sondes disposées à l'intérieur de chaque cellule.
Grâce à ces sondes, le BMS connaît à chaque instant le courant, la tension, la température, de chaque élément, qui sont enregistrés dans une mémoire ad-hoc et tenus à la disposition d'un contrôleur ( microprocesseur ).
Ce microprocesseur confronte ces valeurs dynamiques aux données références et en déduit les corrections nécessaires qui sont envoyées en retour vers les éléments concernés.
Les valeurs recueillies par les sondes, et gardées en mémoire, permettent ainsi au BMS de contrôler les phases de charge et de décharge de la batterie, d'équilibrer les courants dans les éléments, de contrôler la climatisation de la batterie ( Sondes de température et système de refroidissement), de détecter un éventuel point chaud, et de contrôler les phases de charge et de décharge en fonction de l'état de santé des éléments et de la température. Les éléments de base de chaque élément sont mémorisés : Etat de charge ( SOC ), état de santé ( SOH ), nombre et nature des recharges, et bien d'autres paramètres selon la sophistication du système.
Par ailleurs, le BMS communique avec les autres modules de gestion du véhicule pour connaître les conditions d'utilisation du véhicule, et avec le module de gestion de la recharge de la batterie.
La fonction BMS est partagée en deux blocs :
Un bloc haute tension, qui réunit les sondes au contact direct des cellules, met en forme les signaux et les code pour les envoyer vers le microcontroleur.
Un bloc basse tension qui réunit le ou les microcontrôleurs, et assure l'interface avec les autres fonctions électroniques de la voiture.
Les deux blocs du BMS communiquent par des liaisons numériques non galvaniques évidemment.
La durée de vie de la batterie dépend directement de la qualité et du bon paramétrage du BMS.
La fiabilité du BMS est particulièrement importante dans la mesure où une défaillance du système peut entraîner, entre autres, une perte de contrôle de la température de batterie avec les conséquences que l'on connaît.
La gamme de température de fonctionnement à l'intérieur de laquelle le composant est spécifié est très importante .
L'AFNOR définit plusieurs gammes pour les composants électroniques :
- Gamme dite « commerciale » : 0°C à + 70 °C (interdite dans l'automobile, sauf pour les gadgets inutiles).
- Gamme dite industrielle : - 40 °C à + 85 °C
- Gamme Militaire : - 55 °C à + 125 °C
Pour les composants destinés à l'automobile, les industriels « sérieux » exigent souvent la gamme industrielle étendue à + 100°C .
( Température atteinte sous le capot d'une voiture stationnée dehors en été dans certaines régions.)
D'autre part, compte tenu du grand nombre de connexions dans le système (BMS + Batterie) dans la voiture, et du rôle important du BMS dans la chaîne de sécurité, il est essentiel de pouvoir garantir un lambda ( taux de défaut par unité de temps ) particulièrement faible.
( A rapprocher des systèmes de conduite autonome en cours d'expérimentation...qui ne souffrent pas l'à peu près )
Le BMS est programmable en fonction du type de batterie associée, des spécifications du fabricant de la batterie et des besoins propres du constructeur de la voiture.
Cette programmation doit être remise à jour périodiquement en fonction du vieillissement de la batterie, et des remises à jour du logiciel de ce BMS par le constructeur ( un peu comme le logiciel d'exploitation d'un PC ).
( Certaines mises à jour peuvent être réalisées par télétransmission si la voiture est connectée, ce qui est de plus en plus le cas...).
La mémoire du BMS enregistre l'historique de la batterie, le type des recharges utilisées, leur nombre, et les incidents éventuels.
Ces informations sont ( en principe ) disponibles à disposition du personnel spécialisé chargé de la maintenance, et certaines d'entre elles doivent ( devraient ) être certifiées et jointes au dossier de vente d'un véhicule de seconde main.
Tout bricolage est évidemment fortement déconseillé, le résultat peut coûter très cher...à commencer par l'annulation de l'assurance batterie, et au pire par l'incendie de la voiture ...
Le Contrôle Technique obligatoire ne prend pas en compte la gestion de la batterie d'une voiture électrique, il n'inclut que les éléments extérieurs en rapport avec la sécurité, comme les fixations, les traces de chocs ou d'enfoncements, les fuites, l'oxydation, l'état des câbles, etc.
Le bloc (batterie + BMS) constitue le cœur de la voiture électrique ; il est donc essentiel de pouvoir suivre l'évolution de son état de santé, qui reste encore aujourd'hui « terra incognita » pour ce qui concerne l'accès aux données essentielles, sauf sur certains modèles de haut de gamme.
Un des objectifs du groupe de travail de la Commission européenne est de :
« rendre possible la mise à disposition non-discriminatoire de données
dynamiques relatives aux batteries »
voir :