Le temps de recharge des batteries, un problème qui peut en cacher un autre.
15 Août 2024
La substitution du moteur électrique au moteur thermique dans la voiture de monsieur tout le monde se heurte à un problème inattendu qui est l'optimisation de la capacité de batterie en fonction de l'autonomie recherchée du véhicule et du temps de rechargement des batteries.
Les données du problème sont relativement simples :
Toutes les voitures à moteur thermique offrent une autonomie largement suffisante pour traverser le pays sans problème, et le cas échéant les nombreuses station-services existantes permettent de s'approvisionner en cinq minutes, et même avec un choix de carburants.
Chaque modèle de voiture thermique, petite ou grosse, est équipée d'un réservoir en tôle d'une contenance suffisante ( 35 à 70L ) pour assurer une autonomie d'au moins 600 km, même sur autoroute où la consommation est plus élevée.
Pour ces voitures, il n'y a tout simplement pas de problème d'autonomie...
Il en va tout autrement avec une voiture électrique.
Reconnaissons d'abord que c'est une technologie merveilleuse, qui offre de nombreux avantages par rapport aux modèles thermiques : Pas d'émission de CO2, pas de fumées d'échappement, pas de bruit, entretien réduit au strict minimum, silence de fonctionnement, performances d'accélérations, consommation d'énergie remarquablement faible, coût du carburant électrique dérisoire, voire quasiment nul dans certaines conditions, accès aux zones à faibles émissions, etc.
L'intérêt de cette technologie ne peut pas être mis en doute.
Il n'y a qu'un seul petit inconvénient : il existe un ( gros ) problème d'autonomie.
Non seulement cette autonomie est très inférieure à celle de son homologue thermique, mais en plus elle est très variable en fonction des conditions d'utilisation.
S'il s'agissait d'un problème de jeunesse appelé à être rapidement corrigé sur les prochains modèles, il n'y aurait pas lieu de s'attarder.
Mais ce nouveau concept de motorisation électrique a été relancé il y a plus de dix ans, et le problème d'autonomie n'est toujours pas résolu.
Et aujourd'hui on patauge toujours...
Certes, d'importants moyens informatiques ont été implémentés dans la voiture afin d'aider le conducteur à gérer sa réserve électrique en fonction du trajet prévu, du temps qu'il fait, de la charge du véhicule, de l'allure prévue, du profil de l'itinéraire, des bornes de recharge disponibles à tel endroit, de la capacité de ces bornes à fournir la puissance requise, du moyen de paiement accepté, des tarif de la recharge, du temps de recharge à prévoir, etc, etc.
(Cette assistance lourde confirme l'importance du problème s'il en était besoin).
Mais, si l'informatique facilite la gestion de ce problème, elle ne le supprime pas.
En particulier l'informatique ne compensera jamais le temps perdu aux différentes stations de rechargement, et ne créera jamais des bornes de recharge là où il n'y en a pas...
Ce problème constitue un frein à l'achat pour une partie non négligeable de la clientèle. Après l'avoir nié, les constructeurs en sont maintenant parfaitement conscients puisque toutes les publicités sont centrées sur l'autonomie des modèles en vente.
Quelle est la genèse de ce problème ?
Une voiture électrique consomme donc de l'électricité ( Les mêmes kWh qu'à la maison ) qui sont fournis par la batterie.
Comme sur une voiture thermique, la consommation d'une électrique dépend du type de voiture et des conditions d'utilisation.
Par exemple, là où une thermique consommera entre 6 à 8L de carburant pétrolier aux 100 km, une électrique consommera de 10 à 20 kWh selon les conditions d'utilisation.
Aujourd'hui, pour des raisons de poids et de coût, la capacité d'une batterie de VEB est limitée à 50 kWh environ pour un véhicule de milieu de gamme, dans la technologie actuelle.
( Au-delà de 50 kW le poids et le prix seraient dissuasifs pour le milieu de gamme ).
Dans les meilleures conditions ( Charge à 100% et décharge à 5% ), conduite « raisonnable » avec récupération d'énergie au freinage, l'autonomie des meilleurs modèles « peut » atteindre 450 km.
On trouve ce genre de valeurs dans les résultats des tests WLTP.
Mais dans la réalité, il en va tout autrement.
( Non pas en raison d'une duperie quelconque dans le procédé de mesure, mais simplement que les conditions du test WLTP ne sont pas les conditions d'utilisation « normales » du véhicule ...)
Selon la vitesse, la charge, la température, le profil de la route, la façon de conduire, l'utilisation ou pas de la climatisation, etc, la consommation d'une électrique peut atteindre 20 kWh/100 km ( et parfois beaucoup plus ).
Sur un trajet autoroutier, la batterie est rechargée non pas entre 5% et 100%, mais entre 10% et 80% pour des raisons de sécurité.
( C'est la borne elle-même qui limite la charge à 80% ).
La capacité d'une batterie de 50 kWh voit ainsi sa capacité réelle disponible entre deux recharges autoroutières réduite à 35 kWh.
Jusqu'à nouvel ordre, et compte tenu du coût des péages, « on » utilise l'autoroute pour gagner du temps et on roule à 130 km/h .
La consommation est alors proche de 20 kWh/100 km, l'autonomie entre deux recharges est alors limitée à 170 km, ce qui est évidemment inacceptable pour un trajet autoroutier.
Mais ce n'est pas tout.
Le temps de recharge d'une batterie dépend de sa capacité nominale bien sûr, mais aussi du courant maximum de charge qu'elle peut supporter ( Puissance de charge ), et/ou que la borne disponible peut lui délivrer, et bien sûr de son état de charge au moment du branchement.
Le régime de charge tolérable ( spécifié par le constructeur ) s'exprime par rapport à sa capacité nominale C.
( Le régime 1C correspond au courant qui charge la batterie de 0 à 100% en un heure. Un régime 2C la chargera en une demi-heure, etc...).
Le courant max de charge d'une batterie, au-delà duquel elle se détériore avec des risques de vieillissement prématuré et/ou d'incendie, dépend bien sûr de sa technologie, de la manière dont les éléments sont assemblés, et donc de son coût final.
Aujourd'hui la technologie de moyen de gamme permet d'accepter des régimes de charge d'environ 2C. Certains modèles de haute de gamme montent des batteries tolérant le régime 4C, voire 5C, mais le prix n'est pas le même.
Le régime 2C pour une batterie de 50 kWh correspond à une puissance de charge de 100 kW .
Cette puissance max, également à respecter à la décharge, permet d'alimenter un moteur de 135 CV, ce qui correspond à un modèle de milieu de gamme.
Une telle batterie, qui équipe de nombreux modèles de milieu de gamme, pourra être rechargée sur des bornes de 100 kW, et passer de 10% à 80% en 20 minutes environ*.
C'est, en gros, ce que permet la technologie d'aujourd'hui pour les gammes moyennes.
*( Il faut donc oublier les promesses de recharge en 5 minutes, ces batteries-là ne sont pas faites pour cela et de toutes façons les bornes de recharge qui le permettraient n'existent pas...
D'une façon générale il y a deux sortes de batteries : celles qui illustrent les articles des revues, et celles qui sont dans les voitures...)
Devoir se contenter d'une autonomie autoroutière de seulement 170 km, et passer 20 minutes à la borne pour reprendre 170 km d'autonomie ( à condition de trouver une borne de 100 kW ), cela n'est pas accepté par les automobilistes qui souhaitent retrouver avec l'électrique l'autonomie qu'ils avaient avec leur pétrolette.
( Bien sûr il existe une catégorie d'usagers prêts à accepter de réduire leur vitesse à 110 km/h sur autoroute, voire moins, mais ils ne constituent pas encore une majorité significative, d'autant plus que ce « sacrifice » ne permet toujours pas de retrouver l'autonomie d'une thermique.).
Dans cet état des choses, la voiture électrique de moyenne gamme demeure une seconde voiture, puisqu'il en faut une autre pour s'évader dans les grands espaces...
Et les moyens financiers pour l'acquérir.
Il y a donc une très forte pression sur le marché en faveur d'une augmentation significative de la capacité des batteries, et d'une réduction significative du temps de recharge, même sur le moyen de gamme.
Cette augmentation passe par un changement radical de technologie.
(Les gazettes sont pleines d'annonces catégoriques concernant la mise prochaine sur le marché d'un modèle de batterie qui remplira le cahier des charges. Mais justement ce cahier des charges est tellement sévère que l'objectif n'est toujours pas atteint, et ne sera peut-être jamais atteint).
En effet, derrière ce problème de capacité des batteries se cache un autre problème tout aussi épineux : il s'agit des temps de recharge de ces batteries survitaminées.
Car il ne suffit pas d'avoir une grosse batterie qui permette d'améliorer l'autonomie, il faut également limiter le temps « perdu » à la recharge de ces monstres.
Le challenge actuel est de recharger une batterie de 10% à 80% en moins de dix minutes.
Pour réaliser ce cycle de charge avec une batterie de 100 kWh, il faut remplir deux conditions :
- Trouver une borne de charge capable de délivrer une puissance de 500 kW.
- Avoir une technologie de batterie capable de supporter le régime de charge 6 C sans exploser.
Et de plus cette batterie devra avoir un coût compatible avec le milieu de gamme, et bien sûr un poids acceptable pour les modèles considérés..
On peut dire, sans crainte de beaucoup se tromper, que ce n'est pas demain la veille que ces trois conditions seront remplies pour le moyen de gamme...
( Par contre les gazettes nous les annoncent pour demain matin...sans préciser l'année )
Pour obtenir une autonomie comparable à celle d'une thermique équivalente de gamme moyenne, il faudrait une capacité de batterie « exploitable » de l'ordre de 120 kWh, soit une capacité nominale de 170 kWh puisque les bornes de charge rapide s'arrêtent à 80% de charge.
Pour obtenir un temps de recharge de 5 minutes avec une telle batterie, afin d'égaler les thermiques, il faudrait une puissance de charge de 1,5 Mégawatt, ce qui est parfaitement absurde*.
( Ces puissances sont réservées à l'alimentation des réseaux de chemin de fer et à la grosse Industrie ).
* (Le parc français de VPL et VUL est d'environ 45 Millions de véhicules.
Dans l'hypothèse d'une électrification complète de ce parc , si seulement 1% de ces véhicules se branchaient simultanément sur des bornes de 1,5 MW, la puissance nécessaire soutirée au réseau serait de 675 GW, soit plus de cinq fois la puissance installée du parc électrique français....
Et il ne s'agit que de 1% du parc de véhicules ).
Cette limite physique de la puissance soutirée pour la recharge des batteries de voitures interdit de facto la généralisation de la charge ultra-rapide, qui ne serait autorisée que dans des cas particuliers.
Il est donc probable que la puissance max soutirée pour la recharge des véhicules légers soit limitée dans l'avenir, un peu comme sont limitées les puissances des installations domestiques ( 36 kW aujourd'hui ).
Cette régulation sera incluse dans le réseau intelligent avec les applications V2G ( Vehicle to Grid) , batterie domestique, et gestion programmée incluant la recharge des batteries.
On peu dès lors penser que les stations de recharge super-rapides devront être équipées de leurs propres moyens de production et de stockage électrique pour fournir des mégawatts aux véhicules équipés pour les recevoir ( Les camions, les Bus, ? ).
( Il en existe déjà quelques-unes, équipées de panneaux solaires, et/ou d'éoliennes, et d'un système de stockage électrique suffisant pour avoir une certaine autonomie. Mais la généralité des bornes ne dépassera pas 150 kW...Ce qui est déjà respectable ).
Donc le problème des batteries de VEB n'est pas seulement technologique et financier, il est également présent dans les infrastructures réseau et les installations de rechargement pour la gestion des charges rapides. Ces installations devront être couplées à des moyens locaux de production et de stockage d'énergie électrique afin de ne pas surcharger le réseau RTE, ce qui en fera des petites unités industrielles, avec les coûts de fonctionnement qui se répercuteront sur les coûts du service au client.
Ceci nous conduit très loin de la petite voiture utilisée en trajet-travail et rechargée le soir à la maison, et pour laquelle une petite batterie de 30 kWh suffit amplement.
L'inconvénient réside dans l'écart entre la batterie de 30 kWh rechargée le soir à la maison pour les petits trajets journaliers et montée dans une voiture de petite et moyenne gamme qui coûte 15 000 euros, et la batterie de 170 kWh rechargée sur les bornes de charge rapide 300 kW pour sillonner les autoroutes, mais avec des voitures qui coûteront plus de 50 000 euros.
Il ne s'agit pas du même objet...
L'introduction du VEB crée ainsi une scission à l'intérieur d'un marché jusqu'alors très démocratique dans lequel une « petite » voiture thermique à 15 000 euros pouvait pratiquer l'autoroute à 130 km/h sans coup férir.
Ce n'est plus possible aujourd'hui avec l'électrique de moyenne gamme sans devoir accepter des contraintes d'un autre âge.
Si ces problèmes ne sont pas résolus avant 2035, le maintien du passage obligé à l'électrique sera sportif socialement parlant...