Du bon usage de la pompe à chaleur.
2 Octobre 2013
Nous avons évoqué dans l’article précédent les déconvenues énergétiques qui peuvent résulter d’un mauvais usage de la technologie, et en particulier des pompes à chaleur ( PAC).
Si certains mauvais usages (désormais plus rares, on peut l’espérer) ont pu donner une mauvaise image de la PAC, le concept en lui-même conserve tout son intérêt, à condition d’être mis en application dans les règles de l’art.
L’objectif de la PAC est d’utiliser l’énergie solaire stockée dans l’air, le sol et le sous-sol proche, l’eau, et disponible gratuitement en quantité illimitée.
Ce stockage naturel met à notre disposition un réservoir d’énergie calorifique à une température moyenne de dix à douze degrés Celsius sous nos latitudes.
Ces appareils peuvent fonctionner dans les deux sens et donc procurer du chauffage, mais aussi de la réfrigération.
En cette période de crise énergétique nous nous intéressons surtout au chauffage des bâtiments, la réfrigération étant un luxe qui ne s’impose pas dans notre climat tempéré ( ou qui peut être résolu par des méthodes moins énergivores).
Le rôle d’une PAC consiste donc à prélever l’énergie calorifique contenue dans un fluide à la température du milieu naturel, et à élever cette température à la valeur requise pour les applications domestiques ou industrielles.
Le fluide naturel en question peut être de l’air ou de l’eau.
Pour l’air, la température du milieu naturel peut varier considérablement, de - 15 °C en hiver jusqu’à + 40 °C en été sous nos climats, et avec un taux d’humidité très variable.
Pour l’eau, et moyennant certaines précautions, la température est beaucoup plus stable, entre + 10 et + 20 °C si l’on évite de prélever les eaux de surface exposées au gel.
Le rendement théorique d’une PAC est donné par la formule de Carnot:
R = Tc / ( Tc - Tf )
Tc est la température de sortie recherchée.
Tf est la température de la source froide.
La meilleure efficacité sera donc obtenue pour l’écart le plus faible possible entre Tc et Tf.
Par exemple, pour Tc = + 30 °C ( chauffage par plancher chauffant), et PAC à prélèvement d’eau à + 10 °C, nous aurons
(Tc - Tf) = + 20 °C.
Si l’eau est remplacée par de l’air à - 10 °C, alors (Tc - Tf) = 40 °C.
Le rendement théorique est divisé par deux .
De plus, le pompage de l’air à basse température entraîne le phénomène de givrage qui doit être combattu par un dispositif chauffant (!) gros consommateur d’énergie, ce qui abaisse encore le rendement.
La chaleur massique de l’air étant faible, le débit d’air doit être très élevé pour obtenir les calories recherchées, ce qui entraîne un fort bruit de turbine et une nuisance sonore importante.
La PAC à air est inadaptée aux températures hivernales sévères, elle perd son efficacité au moment où l’on en a le plus besoin.
La PAC à prélèvement d’eau est donc le dispositif qui sera préféré lorsque l’on recherche l’efficacité énergétique et la continuité du service même aux températures extrêmes.
Le problème est alors de trouver une source d’eau disponible et accessible.
Le débit nécessaire dépend évidemment de la puissance de l’installation, sachant qu’avec 1 m3/heure on peut obtenir 5,8 kWh d’énergie calorifique pour une chute de température de l’eau de 5 °C.
Pour une installation individuelle de faible puissance ( inférieure à 10 kW) il est possible d’obtenir ces calories à partir d’un serpentin enfoui dans le sol à quelques dizaines de cm de profondeur, ou d’un bassin artificiel souterrain de dix à vingt m3 recouvert d’une isolation convenable.
Mais la meilleure solution, surtout pour les installations supérieures à 10 kW, reste le prélèvement dans la nappe phréatique, lorsque les conditions locales et la règlementation le permettent.
Lorsque ces conditions sont favorables il est possible d’obtenir des débits d’eau élevés et ainsi de réaliser des installations collectives.
Pour informations on pourra consulter la documentation du Bureau de Recherches géologiques et Minières:
« Utilisation des eaux souterraines comme source froide des pompes à chaleur » .
On peut bien entendu également utiliser les cours d’eau pour prélever les calories, selon la règlementation locale.
La Mer constitue une source inépuisable et gratuite de calories. Elle autorise des débits illimités, qui sont mis à profit dans les installations de refroidissement des réacteurs nucléaires ( Blaye, Flamanville,…).
Son exploitation dans l’autre sens pour les PAC ne présente aucune difficulté à condition de respecter certaines règles tenant compte de la corrosion des matériaux, des marées (en Atlantique), des vagues, des courants, du respect de la faune marine, et de la Loi Littoral.
Les PAC marines sont des installations collectives, qui ne sauraient être envisagées au plan individuel à cause de la Loi littoral et du coût prohibitif du système de pompage et de rejet .
A la fin du XIXè siècle les français d’Arsonval et plus tard Georges Claude ont déjà expérimenté des installations thermodynamiques de récupération des calories de l’eau de Mer.
Le principe est donc connu depuis fort longtemps, mais les réalisations industrielles fiables nécessitent des matériaux résistants à la corrosion, et qui ne sont disponibles que de nos jours à un coût compatible avec les besoins d’un marché de masse.
De telles installations commencent à se répandre pour les applications industrielles ou pour l’habitat collectif.
La dernière en date, mise en service en 2013, est celle du Quartier de la Divette, à Cherbourg. L’eau de mer est prélevée dans le port, et alimente deux PAC de 2,2 MW chacune, permettant de chauffer 1 300 logements.
Ces PAC fournissent 84% des besoins, les 16% restant sont fournis pendant les périodes les plus froides, par les installations classiques à gaz déjà existantes.
Il y a en France 1 121 communes littorales ou proches du domaine maritime, d’un estuaire ou d’un delta, d’un lac. A cela il faut ajouter les communes traversées par, ou a faible distance, d’un cours d’eau. Près de 20% de la population est présente en ces lieux, qui pourraient bénéficier du chauffage par PAC à eau de surface ( Mer, cours d’eau, lacs, retenues de barrages).
20% supplémentaires pourraient être concernés par les PAC connectées à des nappes phréatiques.
20% de plus pourraient être équipés de PAC à air convenant aux régions à climat favorisé.
Cette transition énergétique aurait l’avantage de réduire d’au moins 50% la consommation d’énergie utilisée pour le chauffage.
Et de plus avec une très faible emprise foncière, une absence totale de nuisance paysagère et/ou de risque d’atteinte à l’environnement ou à la biodiversité, et sans risque de pollution ou d’atteinte à la santé publique.
Malgré ces avantages indéniables, ce procédé n’a pas la considération qu’il devrait recevoir, ni la place qu’il devrait occuper dans le programme de transition énergétique.
Etonnant, non ?