Quels substituts au pétrole dans les transports ?
22 Mars 2017
La disparition de la sainte huile n’est par pour demain, mais les menaces qui pèsent sur elle se font plus précises d’année en année.
- Le danger lié aux émissions de CO2 fossile est de plus en plus pris au sérieux.
- L’accès aux sources nouvelles est de plus en plus difficile, donc de plus en plus onéreux.
- La dépendance à des fournisseurs douteux devient de plus en plus risquée politiquement.
- La taxe carbone, qu’il faudra bien appliquer un jour sérieusement, est une épée de Damoclès qui risque de faire très mal.
- Les projets de séquestration du CO2 n’aboutissent à rien de crédible.
- La dépollution des moteurs thermiques a atteint ses limites sans arriver à un résultat acceptable, et les véhicules polluants seront bientôt bannis des villes.
Tout cela constitue une charge qui justifie de considérer très sérieusement le problème des carburants de substitution.
________________
La Directive Européenne AFI (Alternative Fuels Infrastructures) d’Octobre 2014, recommande aux Etats-membres de mettre en place des stratégies concertées pour le développement d’infrastructures publiques permettant l’emploi des carburants alternatifs.
L’emploi généralisé des carburants pétroliers normalisés a permis dans le passé d’éviter la création de barrières artificielles qui auraient pu exister si chaque pays avait développé sa propre stratégie en matière de choix et de structures de distribution des carburants.
Il est essentiel d’éviter que l’arrivée des nouveaux carburants ne vienne installer un désordre préjudiciable à la libre circulation des véhicules sur le territoire Européen.
Les futurs carburants sont connus: L’électricité, les biocarburants liquides et le biogaz.
(En espérant ne pas devoir recourir au gazogène en cas de pénurie).
_______________
On aurait pu penser que les biocarburants liquides seraient les premiers à occuper le terrain. En effet, ils peuvent se substituer directement aux carburants pétroliers moyennant quelques modifications mineures des moteurs existants (Flex fuel), et ils peuvent utiliser les infrastructures de distribution existantes sans problème de câbles ni de prises de raccordement, puisqu'un simple tuyau de caoutchouc suffit.
Mais leur emploi à grande échelle, au moins en Europe, se heurte à plusieurs obstacles:
La première génération de biocarburants (G1), la seule disponible aujourd’hui, utilise de la biomasse agricole alimentaire, ce qui est une façon pour le moins curieuse de lutter contre la faim dans le monde.
Les instances européennes commencent à réaliser que le remède serait pire que le mal.
Par ailleurs de nombreuses études contestent l’intérêt écologique de cette solution, au motif que le gain en émissions de GES serait beaucoup moins important, voire même parfois négatif, si l’on tient compte de l’énergie dépensée pour la culture et la transformation, et des atteintes à l’environnement, notamment les déforestations et l’acidification des sols.
Les dégâts, déjà constatés aujourd’hui, permettent d’imaginer l’ampleur des ravages qu’entraînerait une généralisation de l’emploi de ces carburants.
Mais tout le monde n’ayant pas les mêmes scrupules, et l’argent n’ayant pas d’odeur, cet obstacle pourrait n’en être pas un.
Par contre, un obstacle plus difficile à franchir est constitué par les émissions polluantes de ces nouveaux carburants. Les études parues sur ce sujet font état de résultats assez contradictoires, mais avec une tendance à admettre que les biocarburants G1 émettent autant de NOx et de particules fines que les carburants conventionnels, sinon en masse du moins en nombre. Et l’on sait maintenant que les nanoparticules sont les pires.
Si ces résultats était confirmés, ces produits seraient soumis aux restrictions de circulation en agglomérations, ce qui n’enlève rien à leur intérêt dans les véhicules hybrides électriques ou à gaz.
(Les hybrides électriques rechargeables sont classés dans la première catégorie (vignette Verte) en France).
La seconde génération confirmera ou non le caractère écologique de ces carburants, qui pour le moment suscitent donc quelques réserves.
La troisième génération, les algocarburants, permet d’envisager une production hors sol donc plus respectueuse de l’environnement.
Mais elle est encore au stade du laboratoire.
Le grand intérêt de ces biocarburants du futur réside dans la possibilité, pour les Etats Européens, de saisir l’occasion de reconquérir une grande part d’indépendance énergétique, laquelle est indissociable de l’indépendance politique, comme on peut le constater tout les jours.
A condition bien entendu de les fabriquer chez nous, et de ne pas céder à la facilité offerte par les importations…
Le marché de ces carburants est très loin d’être clarifié.
Entre les engagements de la transition énergétique, les politiques fiscales, les recommandations de la CE, les implications de la PAC, les problèmes techniques d’adaptation des moteurs, les quotas d’importations, les prix des nouveaux carburants, leur caractère écologique ou pas, etc… il est difficile d’y voir clair et d’anticiper l’évolution.
__________________
Le futur de l’électricité dans les transports n’est guère plus évident:
Aujourd’hui en Europe, l’électricité de réseau est encore en très large majorité produite à partir de combustibles fossiles ou de nucléaire. Elle ne peut donc être considérée comme issue d’énergies vertes qu’avec réserve, et sous certaines conditions (Certificats verts ?).
Les batteries sont encore en recherche de maturité, mais l’évolution de la technologie est très encourageante pour l’amélioration de l’autonomie des VE, avec cependant une interrogation sur le coût.
Par contre les infrastructures de recharge de ces batteries sont encore en recherche d’un modèle, et plusieurs années seront encore nécessaires pour y voir clair dans l’ouverture possible des VE aux grands espaces, et bien sûr au niveau Européen.
Entre la charge au domicile sur une prise ordinaire 20A et la charge rapide sur une borne de 350 W, le choix est difficile à faire.
Mais le gros problème de l’électro mobilité demeure l’impossibilité de stocker l’électricité en quantités importantes.
Quant aux véhicules hybrides électriques, leur coût reste élevé de par leur conception même (Bi motorisation).
La pile à combustible n’a pas encore atteint le stade de l’industrialisation, et son combustible l’Hydrogène, n’existe encore que dans sa version dérivée du pétrole.
Il existe donc des freins réels au déploiement des véhicules électriques sur une grande échelle.
Ils constituent cependant dès maintenant une solution radicale au problème de la pollution automobile en agglomération, même avec l’électricité « actuelle ».
La France, forte de son parc électronucléaire qui fournit une électricité décarbonée, a choisi la mobilité électrique au détriment du Gaz.
Ce choix n’est pas approuvé unanimement.
Le parc électronucléaire est vieillissant et son remplacement rencontre une très forte opposition. En cas de retrait du nucléaire, ou de forte réduction de sa capacité de production, il serait difficile de trouver l’électricité nécessaire à un parc de véhicules électrifiés (Plus de 80 TWh uniquement pour les voitures particulières. Et autant en plus si l’on inclut les véhicules de transport).
L’électricité n’est pas stockable, il n’existe aucun « tampon » entre la production et les pointes de consommation. Le réseau ne supportera pas les pointes de chargement des batteries.
(Contrairement au GNV, qui peut être stocké sans problème sur les lieux de distribution pour les mobiles, ou d'emploi à poste fixe).
_________________
Face à des biocarburants prometteurs, mais pas encore disponibles dans leur version « écologique », et à une électricité impossible à stocker, le Gaz se rappelle à notre bon souvenir en alignant une liste de bons points dont le cumul ne manque pas d’intérêt:
1- Il peut être utilisé dans les moteurs thermiques actuels avec éventuellement des adaptations mineures. De nombreux véhicules utilisent déjà cette technologie, qui a largement fait ses preuves.
2- Il peut être stocké sans problème sous forme gazeuse, la France en possède un stock de 10 Milliards de mètres cubes !
Ce stock participe également à la constitution des réserves stratégiques obligatoires, ce que ne peut pas faire l'électricité.
3- Il est distribué à travers un réseau couvrant tout le territoire.
4- Dans sa version actuelle d’origine fossile (GNV, ou GNC) il apporte déjà dans les moteurs une réduction de 20% des émissions de CO2, et surtout une quasi absence d’émission de NOx et de particules fines.
(En France, les véhicules à gaz bénéficient d’une vignette Crit’air Verte, classe 1 , dans la même catégorie que les véhicules électriques et hybrides rechargeables).
5- Dans sa version renouvelable ( Bio GNV ou Bio GNC) , il est déjà en production à partir de la fermentation des déchets organiques, et depuis peu (2014) à partir des boues de stations d'épuration.
6- Le Bio GNV est déjà autorisé à l’injection dans le réseau de distribution GRDF.
7- Il se transporte aisément sous forme gazeuse, dans des bouteilles en acier sous une pression de 2 à 300 Bar, sont l’usage est courant dans de nombreuses applications.
8- Il est très énergétique.
Deux bouteilles de 100 L sous 200 Bar représentent une énergie de 360 KWh, permettant de parcourir 500 Km (Voiture moyenne).
9- Le plein peut être fait en quelques minutes à une station équipée de réserve tampon et d’un compresseur.
10- Il permet le mode hybride Gaz/ Essence sans modification, un simple robinet automatique suffit pour passer de l’un à l’autre.
11- L’ADEME a estimé le potentiel de production de Bio Gaz en France à 140 TWh, soit près de 40% de notre consommation actuelle de Gaz naturel.
[Il est important de ne pas confondre le GNV avec le GPL.
Le GNV est essentiellement du Méthane, remplacé progressivement plus tard par le Bio Méthane.
Le GPL est un mélange de Propane et de Butane, qui n’ont pas de correspondant en version renouvelable.
L’accès des parkings souterrains est interdit aux véhicules au GPL, alors que les véhicules au GNV sont autorisés].
Les véhicules au GNV sont déjà très répandus en Europe, 800 000 en Italie, 100 000 en Allemagne, 13 000 seulement en France.
20 Millions d’entre eux circulent dans le Monde.
Si la France a privilégié la mobilité électrique, elle n'a pas pour autant négligé le Bio Méthane.
En 2017, il ya 25 sites de production et d'injection de Bio Méthane dans le réseau GRDF, pour une énergie de 0,35 TWh.
400 autres sites sont en cours de construction, dont un bon nombre produiront à partir de boues d'épuration.
Dans le cadre du programme sur la transition énergétique, l'ADEME prévoit 1 400 sites à l'horizon 2030, pour une production annuelle de 30 TWh.
Le gros avantage du GNV est qu’il est compatible avec les combustibles liquides, moyennant l’ajout d’un équipement de faible coût.
On peut ainsi, pour un coût modéré, acquérir un véhicule hybride, ou adapter un véhicule thermique existant.
Il n’y a donc aucun problème d’autonomie.
De plus l’ajout des bouteilles de gaz n’apporte qu’un faible surcoût, dérisoire par rapport au coût d’une batterie au Lithium de 40 ou 50 KWh.
Tout ces avantages en font une solution très attractive qui apporte, à peu de frais, une réponse à la dépollution de l’air des villes, sans pour autant nuire à l’autonomie des véhicules.
Mais chaque médaille a son revers.
Le gaz s’utilise dans des moteurs thermiques classiques, dont le faible rendement énergétique est connu: 25% en moyenne.
A comparer au rendement d’un VE à batterie, qui peut atteindre 80% avec récupération d’énergie au freinage.
Du strict point de vue de l’efficacité énergétique, le gaz peut sembler condamné d’avance, même en version Bio.
___________________
Mais, si l’efficacité énergétique est un critère important, elle n’est pas le seul critère à prendre en considération.
Dans l’hypothèse (Et en France c’est plus qu’une simple hypothèse) d’une réduction de la production d’électricité nucléaire, et d'un abandon des fossiles, les énergies éolienne, solaire et hydroélectrique ne suffiront pas à alimenter à la fois les besoins de tout les secteurs de l’activité, y compris les transports, aujourd’hui gros consommateurs de pétrole.
Il est vraisemblable que l’électricité renouvelable suffira à peine à alimenter les applications spécifiques ne pouvant se passer d’électricité: Electroménager, éclairage, audio-visuel, communications, informatique, domotique, bureautique, pompes à chaleur, machines à froid, robotique, machines-outils, soudure, électrolyse, chemin de fer, etc, etc...
Il est possible que la part restante soit insuffisante, ou pas assez régulière, pour alimenter la recharge des batteries de VE, surtout dans les versions de forte capacité envisagées actuellement (On parle de 60 KWh et au-delà), et les pompes à chaleur dont on fait la promotion aujourd'hui.
Le GNV, suivi du Bio GNV, pourra alors constituer une solution plus que complémentaire, avec les biocarburants liquides, pour parvenir à alimenter tout le monde en énergie.
_______________
Le problème de la transition énergétique n’est plus dans les choix technologiques entre électricité, biocarburants ou biogaz, il faudra les utiliser tous les trois.
Il est relativement facile de produire un peu d'électricité éolienne, un peu d'électricité solaire, un peu de Biocarburant, un peu de Bio Méthane.
D'ailleurs on le fait déjà.
Le problème c'est d'en produire beaucoup, énormément, si l'on veut éviter de se retrouver dans une nouvelle dépendance énergétique vis-à-vis de fournisseurs exotiques pas forcément respectueux de l’environnement ni des conditions de travail.
Le vrai choix sera là:
Acceptons-nous de continuer à dépendre à 80% de fournisseurs d'énergie extérieurs incontrôlables, auxquels nous serons nécessairement asservis, ou bien profitons-nous de la transition énergétique pour redevenir un grand pays capable de se tenir debout sans avoir à nous compromettre auprès de "parrains" pourvoyeurs de notre indispensable drogue ?
________________