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15 février 2018 4 15 /02 /février /2018 18:08

La STEP de Redenat, vers un remake de Sivens ?

15 Février 2018

Les énergies éolienne et solaire ne pourront participer efficacement au mix électrique qu’à la condition d’être adossées à d’importantes capacités de stockage d’électricité de faible constante de temps et de rendement élevé.
Ceci n’est évidemment pas une opinion, mais un impératif technologique non sujet à polémique, il n’est pas inutile de rappeler.
( Le vent, l’ensoleillement, et l’alternance jour/nuit,  ne sont toujours pas aux ordres du Gouvernement quel qu’il soit).

Le seul procédé répondant aujourd’hui au triple impératif de grande capacité potentielle de stockage, faible constante de temps et haut rendement (90%) est le stockage hydraulique réversible, ou STEP, Station de Transfert d’Energie par Pompage.

( Il existe bien sûr d’autres méthodes de stockage, soit d’électricité directement comme le stockage électrochimique, soit indirectement comme la filière « Power to gas » P2P , ou le gaz comprimé, le stockage inertiel, etc.
Mais aucune ne possède à la fois les trois qualités requises: Grosse capacité potentielle, faible constante de temps, et haut rendement).

EDF exploite un parc de STEP dont les six principales totalisent une puissance de 5 GW, utilisées aujourd’hui, conjointement avec les centrales thermiques et les centrales hydrauliques de barrages, éclusées ou au fil de l’eau,  pour répondre aux pointes de la demande des consommateurs en complément de la production nucléaire « de base ».
Il s’agit ici de compenser les fluctuations de la consommation, alors que dans le futur il faudra, en plus, compenser l’intermittence des renouvelables.
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Aujourd’hui, l’ensemble des installations éoliennes et solaires en France représentent une puissance installée de 20 GW environ.
La puissance réelle disponible est beaucoup plus faible à cause du mauvais facteur de charge, inhérent aux technologies éolienne et photovoltaïque.

En 2016 l’énergie produite par cet ensemble, et injectée dans le réseau a été de 30 TWh, ce qui correspond à une puissance moyenne de 3,4 GW, pour un facteur de charge de 17%.
Ce qui représente 5,7 % de la production totale d’électricité.
(Source RTE, « Panorama de l’Electricité renouvelable au 30 Juin 2017).

Ce « faible » niveau d’activité permet encore de gérer l’intermittence éolienne et solaire PV  avec les moyens existants Thermiques et Hydrauliques (Centrales de barrage, STEP pures et STEP mixtes).

Mais, du moins on l’espère, cette production éolienne et solaire ne va pas demeurer à ce niveau; elle est appelée à croître considérablement jusqu’à occuper une part de l’ordre de 50% dans le futur mix électrique, ce qui pourrait représenter près de 250 TWh à niveau constant de la demande intérieure.
(Les autres 50% étant censés être fournis par l’Hydraulique et le thermique à Biomasse puisque les fossiles et le nucléaire auront disparu, si nous avons bien suivi le film de la transition énergétique).
Tout ceci évidemment dans l’hypothèse où 100% de notre électricité serait produite par nous-mêmes, ce à quoi aucun Gouvernement ne s’est encore engagé.
(Ce sujet de l’indépendance énergétique, pourtant essentiel, n’est jamais sérieusement évoqué dans les débats).
Passer de 30 TWh à 250 TWh sera évidemment une performance, qui représente une croissance de 7% sur trente années, soit d’ici 2050.
Faisable, mais il serait temps de s’y mettre…

( titre de comparaison, l’éolien et le solaire PV en Allemagne ont fourni en 2016 une quantité d’énergie électrique de 120 TWh pour une puissance installée de 90 GW).
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A partir d’une part de 10 à 15% de la production électrique par l’éolien et le solaire,  les « moyens du bord » ne suffiront plus à compenser l’intermittence inhérente à ces nouvelles technologies.
D’autant plus que la production « de base » nucléaire sera en baisse selon les prévisions.

Il faudra alors impérativement construire des installations supplémentaires de stockage d’électricité.
Le stockage hydraulique est donc appelé à jouer un rôle très important.

Chez EDF on estime qu’il faudrait augmenter la puissance du parc de STEP de 1 à 2 GW pour gérer convenablement l’intermittence des renouvelables au niveau prévu pour 2030 dans le programme de la Loi de transition énergétique.
Cela correspond à deux  ou trois STEP importantes dont l’une au moins serait dans le massif central.
(Pour 2050 on préfère ne pas y penser, à chaque jour suffit sa peine…).
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EDF possède dans ses cartons des études préliminaires concernant de possibles implantations de STEP, y compris marines.
En fait l’ensemble des réseaux hydrologiques du territoire ont été analysés en fonction de leur possible participation au stockage électrique par l’hydraulique.

Parmi ces projets, il en est un qui  pourrait refaire surface prochainement à la faveur des nouvelles actions engagées par le Ministre de la transition écologique et solidaire.

Il s’agit de la STEP de Redenat, dont l’implantation avait été prévue en Corrèze, au Nord de Saint Privat, sur un versant dominant la Dordogne.
L’étude date déjà d’une quarantaine d’années .
Le bassin inférieur serait constitué par la retenue existante de Chastang, 187 Millions de m3, avec 706 Hectares sur 31 km.
Le bassin supérieur est prévu sur la rive gauche de la Dordogne, très escarpée à cet endroit, et procurant une hauteur de chute de 340 m sur une courte distance, donc favorable à une forte puissance.
( 1 100 MW dans le projet initial).

Cet emplacement bénéficierait d’avantages certains:
- Le bassin inférieur de la future STEP existe déjà, c’est la retenue de Chastang, de 187 Millions de m3.
- L’emplacement prévu pour le bassin supérieur est situé à proximité immédiate, avec une grande hauteur de chute, 340 m.
- L’ensemble est situé à proximité d’une ligne EDF de 400 KV, qui dessert la centrale hydroélectrique de Chastang.
- Les travaux préliminaires d’analyse géologique ont déjà été effectués.

Difficile de trouver plus propice à ce type de projet, du moins au plan technique.

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Cet ouvrage, demeuré dans les cartons pendant quarante ans, et repris en 2010, refait surface à l’occasion du changement du contexte lié à la transition énergétique.
(Et au besoin de STEPs qui se fait plus pressant).

Le Ministre de la Transition Ecologique et solidaire a chargé Le Secrétaire d’Etat Sébastien Le Cornu de mettre en place, avec les territoires les CTE, Contrats de Transition Ecologique, destinés à réaliser des programmes en rapport avec la transition.
La Corrèze a été désignée comme Territoire d’Expérimentation pour les CTE.

Le succès de la transition énergétique étant conditionné, entre autres, par le développement des STEP, et la Dordogne passant en Corrèze, il paraît logique de ressortir le projet de Redenat.
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Mais l’expérience désastreuse du barrage de Sivens laisse penser que la construction de la STEP de Redenat rencontrera une opposition farouche.
Le réservoir supérieur doit être aménagé sur le thalweg du ruisseau de la cascade, ce qui entraînera évidemment des nuisances de toutes sortes et donc des réactions violentes des associations qui sont déjà l’arme au pied depuis longtemps (Ce projet est déjà ancien).
Tout projet d’aménagement, quel qu’il soit, entraîne son cortège de nuisances, dont l’étude fait partie du dossier technique, avec l’étude d’impact.
Dans la décision finale, ces nuisances sont mises en balance avec les avantages apportés, appréciés à la mesure de l’intérêt général.

La DCE (Directive Cadre sur l’Eau) établit le principe de non dégradation de l’état de la masse d’eau.
Mais il existe une possibilité de passer outre, lorsque le projet est classé PIG (Projet d’Intérêt Général), classement demandé pour Redenat.
On peut lire le descriptif initial ici:

http://www.occitanie.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Annexe_arrete-Descriptif_projet_Redenat_cle08bce1.pdf

Voir en particulier l’impact sur l’environnement et le site lui-même.

On peut donc s’attendre à des affrontements sévères, dont l’issue pourrait être l’abandon du projet, et de tous les autres projets similaires par voie de conséquence.
(Voir notamment risr.fr).
Avec, en toile de fond, la mise en péril du programme de développement des énergies renouvelables, qui ne sauraient se passer de ces installations de stockage.

RTE a déjà tiré le signal d’alarme: « Le programme fixé par la Loi de transition énergétique ne pourra     être respecté que si les capacités de stockage d’énergie électrique nécessaires sont disponibles ».

Les Allemands, déjà confrontés avec ce problème de fluctuation des énergies renouvelables, et n’ayant pas suffisamment de ressources géographiques propices à la construction de STEP, ont signé un accord avec la Norvège pour la construction d’un câble sous-marin permettant d’utiliser les ressources hydrauliques norvégiennes de stockage réversible d’électricité.

La France n’échappera pas à cette nécessité, si nos ressources hydrauliques demeurent totalement sanctuarisées, donc inexploitables pour le stockage électrique.

A la limite, si les associations d’usagers s’opposaient à la construction des installations de production ou de gestion des énergies renouvelables  (Eoliennes offshore, STEP, compteur Linky, …) On peut se demander si le projet de transition énergétique aurait encore un sens…

Tout ceci permet de mieux comprendre la réticence des énergéticiens du nucléaire à acheter chat en poche un programme d’énergies renouvelables si mal barré…
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