Voiture électrique ou à pétrole, la quadrature du cercle.
7 Janvier 2025
La troisième tentative de lancement de la voiture électrique se heurte à la malédiction qui a déjà triomphé des deux premières, au début du siècle dernier et lors de la « crise pétrolière » des années soixante-dix. Il s'agit bien sûr de la difficulté de stocker à bord la quantité d'énergie électrique capable de procurer une autonomie suffisante, au moins comparable à celle des voitures thermiques.
L'électrification des voitures s'inscrit dans le projet global planétaire de supprimer les émissions de CO2 fossile. Ce projet global inclut la totalité des « machines » utilisant des combustibles fossiles ( Hydrocarbures, Gaz naturel, Charbon ). Vaste sujet...
Selon l'AIE, la consommation de carburants pétroliers du parc mondial de VP+VUL ( entre 1,2 et 1,5 Milliards de véhicules ) représente aujourd'hui environ 12% de la consommation énergétique mondiale et environ 10% des émissions totales de CO2 de l'ensemble des combustibles fossiles.
L'électrification des voitures particulières et des véhicules utilitaires légers ne sauvera donc pas la Planète, puisqu'elle diminuera de seulement 10% les émissions de CO2, à condition que l'électricité utilisée soit elle-même décarbonée, ce qui est encore loin d'être le cas, il s'en faut de beaucoup...
Mais elle permettra d'échapper à la crise pétrolière liée à la raréfaction du pétrole bon marché, qui devrait intervenir dans la deuxième moitié de ce siècle, voire même avant.
Par ailleurs, l'énergie renouvelable décarbonée identifiée et déjà exploitée aujourd'hui, est disponible sous forme d'électricité ( Solaire, Eolien, Hydroélectrique, électronucléaire, centrales géothermiques ), ce qui justifie le remplacement du pétrole par l'électricité décarbonée dans de nombreux domaines et en particulier les transports, où le passage à l'électricité permet de multiplier par trois le rendement énergétique des moteurs.
( L'électricité ne pourra pas remplacer le pétrole dans toutes ses applications de transport. D'une part les besoins mondiaux sont énormes, et d'autre part les quantités d'énergie électrique embarquée sur batterie sont beaucoup plus faibles que les besoins d'un véhicule de transport lourd, même lorsque l'énergie est stockée sous forme gazeuse et restituée par une pile à combustible.
Des essais sont cependant en cours, pour évaluer l'intérêt économique de ces solutions à PAC.
C'est pourquoi l'électrification des transports ne peut pas être une solution universelle.
Certains itinéraires routiers peuvent être électrifiés mais dans des limites assez étroites ; la très grande majorité des transports lourds, maritimes et aériens, devra utiliser un combustible à haute valeur énergétique facilement stockable.
D'autre part, le stockage sur batterie implique l'existence d'un réseau de distribution d'électricité dense et puissant capable d'assurer un accès à la recharge à la hauteur des besoins, et de tels réseaux sont souvent absents, ou insuffisants pour servir de tels besoins.
Il existe donc un besoin de carburants alternatifs au pétrole, mais avec les mêmes possibilités énergétiques, qui sera servi par deux types de produits :
Les Biocarburants et les carburants de synthèse.
Ces carburants seront également utilisés par les VP et VUL qui ne seront pas électrifiés, quelle qu'en soit la raison, ou par les hybrides évidemment.
On peut donc prévoir qu'une partie non négligeable du parc mondial de véhicules légers utilisera ces carburants alternatifs, si toutefois la réglementation le permet, et surtout le prix.
Les premiers utilisateurs seront les transports aériens ).
La mise au point des batteries au Lithium aurait pu laisser penser que la malédiction allait enfin pouvoir être surmontée, et que cette « histoire » d'autonomie des voitures ne serait plus qu'un mauvais souvenir.
Certes, quelques grincheux objectaient bien que, malgré l'excellent rendement énergétique de la propulsion électrique, il fallait quand même au moins 150 kWh utiles pour égaler les commodités d'usage de la voiture à pétrole, et qu'une batterie de 150 kWh, même au Lithium, et même en NMC, c'est extrêmement lourd et extrêmement onéreux, et que la voiture ainsi équipée serait invendable, sauf à quelques clients fortunés, ce qui n'est pas le but du projet.
Ces objections furent rejetées, au motif que les développements en cours dans le domaine des batteries solides laissaient présager une amélioration décisive de la charge spécifique, et que les grandes séries feraient chuter les prix, levant ainsi les deux principaux obstacles.
L'autre motif était la nécessité de trouver un étendard pour la transition énergétique, et quel meilleur étendard que l'électrification de un Milliard et demi de bagnoles pour une croisade universelle ?
Les voitures électriques furent donc lancées sur le marché avec ce handicap assumé d'une autonomie très inférieure à celle des voitures thermiques, mais avec aussi la conviction que ce handicap serait outrepassé rapidement grâce à un réseau de rechargement efficace alimenté par une électricité décarbonée bien entendu.
On sait de qu'il en a été, l'histoire se lit dans les courbes de ventes après dix ans de promotion.
Le handicap est toujours là, il faut effectivement 150 kWh utiles pour égaler l'autonomie des thermiques, et les batteries de 150 kWh utiles sont toujours beaucoup trop lourdes et beaucoup trop chères.
Quand aux réseaux de charge distribuant de l'électricité décarbonée, il faudra attendre encore un peu, sauf dans deux ou trois pays, dont la France.
( La production électrique mondiale repose encore à 60% sur les fossiles...).
Les voitures vendables aujourd'hui, pouvant prétendre à un marché de volume et remplacer les voitures thermiques, sont ainsi équipées de batteries de 50 kWh, qui leur permet une autonomie encore très inférieure à celle d'une thermique, malgré un coût significativement supérieur.
Une apparence de succès a pu être obtenue grâce à un système de subventions qui a dynamisé les ventes. Mais ce procédé, ne correspondant à aucun modèle économique, n'a pu être conservé bien longtemps, les ventes ont accusé sa suppression récente.
Il se confirme ainsi que la batterie est bien encore la pierre d'achoppement de ce beau projet dont l'intérêt n'est pas remis en cause par ailleurs.
A moins de trouver l'enchanteur qui, d'un coup de baguette magique, fera surgir une batterie de 150 kWh d'un poids et d'un coût gérables, et qui puisse se recharger en moins de tente minutes sur des bornes surpuissantes, le marché de la voiture électrique devra se limiter à ce que permet la technologie actuelle, qui est perfectible sur de nombreux points.
Ces problèmes n'ont pas échappé aux clients soucieux d'acquérir un produit qui soit un investissement, et qui se voient proposé un produit de consommation qui sera invendable dans quelques années car complètement dépassé par les nouveaux modèles annoncés dans la presse.
La ruée vers l'électrique ne s'est pas manifestée spontanément, la croissance espérée n'est pas au rendez-vous, comme en témoignent l'évolution de la courbe des ventes.
Les pouvoirs publics ne renoncent cependant pas et tentent d'imposer par la force de la Loi cette nouvelle motorisation.
Trois mesures anti-thermiques sont ainsi mises en place en Europe:
- Le programme ZFE : le bannissement des véhicules trop polluants ( Thermiques évidemment ), en commençant par les centre-villes.
- La sévérisation des limites d'émission de CO2 des flottes constructeurs, dès 2025.
- L'interdiction de commercialiser des voitures thermiques à partir de 2035.
Comme dit l'autre : « ça passe ou çà casse ».
( Le recours à la surtaxation des carburants pétroliers ayant déjà été tentée avec les résultats que l'on sait, ce procédé a été écarté, pour le moment.*..)
*Mais cela pourrait revenir, compte tenu du déficit abyssal du budget de l'Etat...
Compte tenu de l'importance vitale de la voiture dans la marche de notre société moderne et dans l'organisation des territoires, on peut penser que la potion sera dure à avaler si d'importantes mesures d'accompagnement ne sont pas mises en place.
( Le texte de la Commission comporte une clause de revoyure en 2026, et n'exclut pas les modèles thermiques à conditions qu'ils utilisent exclusivement un carburant décarboné...).
Les voitures neuves, quelle qu'en soit la technologie, sont achetées par les ménages aisés* ; les « autres » achètent des voitures d'occasion.
*( A plus de 30 000 euros la pièce, et plus encore en électrique, on peut penser que ce ratio ne va pas s'améliorer spontanément...).
En France, le marché des voitures neuves est d'environ 1,8 Millions par an, en baisse par rapport aux années d'avant covid....).
A ce rythme, et en supposant 1,8 Millions de voitures neuves électriques vendues par an, les quarante millions de bagnoles qui composent le parc actuel français seront toutes électrifiées au mieux aux alentours de 2050, à condition que la part des électriques atteignent rapidement 100% des ventes annuelles ( Aujourd'hui elle est seulement de 20% ).
Nous avons donc devant nous au moins vingt-cinq ans de cohabitation électrique/thermique qu'il nous faudra gérer en fonction de l'efficacité des trois mesures ci-dessus.
Les constructeurs historiques devront donc gérer deux lignes de fabrication dont l'une est en croissance difficile, et l'autre en décroissance programmée en fonction de la croissance de la première...
Cet exercice de trapèze volant, qui doit s'effectuer sans filet, est périlleux et met en danger des pans entiers de ce secteur qui est porteur de millions d'emplois directs ou indirects.
D'autant plus que ce changement de portage industriel est une opportunité pour de nouveaux acteurs qui peuvent en profiter pour prendre des places en partant d'une page blanche, sans avoir à gérer les pesanteurs d'une fabrication historique condamnée, mais dont l'activité doit se poursuivre malgré tout, ce qui est un challenge industriel pour tenter de conserver la clientèle existante.
Les constructeurs historiques européens ( mais pas seulement ) sont directement impactés par cette révolution technologique, caractérisée par le changement de portage qui fait une place prépondérante à l'électrochimie (Batteries) au détriment de la métallurgie, et qui fait appel à des nouveaux matériaux exotiques dont l'approvisionnement pose des problèmes de coût et d'accès aux sources.
D'autre part, trop de précipitation dans l'électrification du parc mondial de voitures pourrait se traduire par un transfert des émissions de CO2 des voitures thermiques vers les centrales de production d'électricité dont la plupart fonctionneront encore avec des fossiles...
Par ailleurs, et c'est peut-être le plus important, la solution à moteur thermique a permis de faire de la voiture un engin multi-usages pouvant servir aux activités journalières comme aux voyages au long cours, alors que la voiture électrique est plombée par son problème d'autonomie qui semble orienter le marché vers deux types de véhicules : l'un consacré aux usages locaux avec une batterie de #30 kWh et l'autre aux déplacements au long cours avec une batterie de 100 ou 150 kWh, beaucoup plus lourde et beaucoup plus chère.
Les consommateurs ne sont évidemment pas prêts à accepter cette contrainte qui serait hors de portée des ménages à revenus moyens.
( Si ce problème de dichotomie entre les deux types de batteries ne pouvait se résoudre autrement qu'en achetant deux voitures, peut-être faudra-t-il reconsidérer la solution hybride*...pour laquelle certains acheteurs ont déjà fait leur choix .)
* Ce qui pérenniserait les biocarburants et/ou les carburants de synthèse...
Une autre contrainte concerne la recharge de la batterie.
Les usagers disposant d'un logement individuel ont la possibilité de recharger la batterie au domicile, alors que ceux qui logent en habitat collectif ne disposent pas de cette facilité.
( en particulier ceux qui stationnent sur les voies publiques …).
Ces quelques exemples de contraintes imposées aux usagers montrent que l'électrification des voitures est un problème multifactoriel qui ne pourra pas se résoudre en ne considérant que quelques-uns des facteurs, et en glissant sous le tapis les autres facteurs gênants....
Cette histoire de batterie, qui ne semble pas devoir s'arranger dans un avenir prévisible, est un obstacle sérieux à l'expansion rapide de la voiture électrique.
Ce qui semblait devoir n'être qu'une innovation technologique dans l'esprit de la transition énergétique, se révèle dans les faits un tsunami industriel dont les répercussions ébranlent de nombreux secteurs et percute les relations internationales.
Il ne s'agit plus de remplacer un moteur thermique par un électrique, mais plutôt de produire une batterie, et construire une voiture autour de cette batterie.
L'industrie européenne semble rencontrer quelques problèmes pour assimiler ce changement de portage qui doit amener à changer de culture.
Apprendre à hurler avec les loups, en quelque sorte...ou mettre les loups en cage...