17 Mai 2010
Dans lequel on tente d’analyser le concept de bibliothèque numérique par rapport aux besoins d’une petite collectivité rurale en passant en revue quelques-uns des avantages et des
inconvénients.
-Accès aux nouveautés.
Dans une petite bibliothèque de village les nouveautés sont généralement achetées à l’unité et sont prêtées pour une durée de quinze jours. Il en résulte que, seulement une douzaine de lecteurs y
ont accès pendant les six premiers mois; au-delà ce n’est plus une nouveauté, surtout s‘il s‘agit d‘ouvrages d‘actualité .
Une petite bibliothèque de village ne peut donc pas offrir l’accès aux nouveautés, c’est une grosse lacune.
Le problème existe d’ailleurs également dans les médiathèques de villes moyennes, où les nouveautés sont généralement aussi achetées à l’unité, sauf exceptions.
La bibliothèque ne sert alors que de relais publicitaire par le bouche à oreille des premiers lecteurs privilégiés vers les autres, qui n’ont plus comme seule ressource que d’aller acheter le
livre chez le plus proche libraire ( qui ne s’en plaindra pas ).
Au contraire, un serveur numérique peut distribuer un fichier quasi simultanément à un très grand nombre de lecteurs. Il est donc la solution (technique) idéale pour donner un large accès aux
nouveautés ,
à condition que le contrat de prêt prévoit un nombre suffisant d’accès simultanés.
- Accès simultané aux ouvrages scolaires , didactiques, et de documentation.
L’accès simultané à certains ouvrages se pose de manière dramatique dans le secteur éducatif. Lorsqu’un sujet proposé à une classe suppose la consultation ou la lecture d’un ouvrage de la
bibliothèque , vingt-cinq élèves ( non, en fait les cinq meilleurs ) se précipitent sur l’unique exemplaire papier disponible, qui profitera à un ou deux élèves , les autres devront se
débrouiller autrement, c’est-à-dire acheter l’ouvrage chez le plus proche libraire ( qui ne s’en plaindra toujours pas).
Il est donc d’un grand intérêt de disposer d’un serveur local dans lequel seraient stockés ce type d’ouvrages à disposition en consultation et/ou téléchargement gratuit pour lecture sur PC ou sur
tablette numérique.
Ce qui suppose bien entendu une collaboration étroite entre la médiathèque et les établissements d’enseignement.
- Service à domicile.
Dans une commune rurale de nombreuses personnes ne peuvent se déplacer facilement:
- Les personnes malades, accidentées, à mobilité réduite ou handicapées.
- Les personnes âgées ne conduisant pas ou n’ayant pas ou plus de véhicule.
- Les personnes n’habitant pas à proximité de la bibliothèque.
- Les personnes actives ne pouvant se libérer aux heures d’ouverture.
L’existence des services de bibliobus sont la preuve de la nécessité d’un service à domicile.
Le livre numérique téléchargeable à la bibliothèque locale peut être une réponse à ce problème.
- Réveiller une bibliothèque qui s’endort.
Une bibliothèque communale classique ne peut guère proposer que cinq à dix-mille ouvrages compte tenu du faible lectorat potentiel ( de l’ordre du millier d’abonnés ), et donc du budget réduit
alloué à l’achat des nouveautés.
Il en résulte automatiquement un vieillissement des collections qui n’encourage pas l’augmentation de la fréquentation. D’autant plus que , comme expliqué par ailleurs, l’accès aux nouveautés est
pratiquement inexistant dans des délais raisonnables au-delà duquel les « nouveautés » n’en sont plus.
Quand on sait que 60 000 nouveautés sortent chaque année des maisons d’éditions en France, on réalise que le maigre choix proposé par une bibliothèque de village ne peut que constituer un
échantillonnage de ce qui est disponible sur le marché.
Une telle bibliothèque est donc condamnée à végéter autour d’un fonds assez ancien , avec quelques rares nouveautés achetées avec parcimonie et à peu près inaccessibles sauf aux quelques
privilégiés habituels ( les membres du fameux club de lecture), les autres devant patienter plus de six mois avant d’accéder à un ouvrage qui a cessé d’être une nouveauté.
Le corollaire de cette situation de demi-sommeil est une grande pauvreté de moyens humains et donc des heures de fonctionnement insuffisantes .
Une offre de raccordement à une bibliothèque numérique est un moyen de réveiller l’établissement en proposant un autre service, susceptible d’intéresser un lectorat beaucoup plus important, et
sans nécessairement procéder à des investissements somptuaires.
-Ouverture sur une bibliothèque de niveau national.
La bibliothèque communale classique offre donc un choix parmi quelques milliers de livres , anciens pour la plupart, et quelques rares nouveautés difficilement accessibles. Autant dire un choix
très limité.
Une bibliothèque numérique offre un choix minimum de cinquante à cent mille ouvrages, et parfois beaucoup plus. Il n’y a donc aucune comparaison sérieuse entre les deux cas.
600 000 ouvrages papier sont disponibles en librairies en France. En supposant même que seulement dix pour cent d’entre eux présentent un intérêt réel , il est aisé de constater que seule une
bibliothèque numérique permet d’y accéder.
- Accès aux métadonnées.
Sauf exceptions, le lecteur vient à la médiathèque un peu comme il va au supermarché. Il sait à peu près quel type d’ouvrage il veut trouver mais il a du mal à faire son choix parmi une offre de
plusieurs milliers de titres et plusieurs centaines d’auteurs. Il apprécierait une présentation ergonomique facilitant la navigation dans le labyrinthe des rayons, et lui évitant la gymnastique
fastidieuse imposée par la disposition des lieux. Je pense surtout aux personnes âgées auxquelles les rayons du bas sont quasiment interdits ( ce n’est pas pour rien que dans un supermarché les
produits les moins chers sont sur le rayon du bas…).
La bibliothèque numérique offre le service des métadonnées, en permettant de consulter sur écran les rayonnages virtuels. Un système de navigation simple ( penser aux personnes âgées) permet de
se promener dans la bibliothèque sans quitter sa chaise, choisir le genre, découvrir les auteurs, lire leur biographie, obtenir la liste de leurs ouvrages, se voir proposer d’autres auteurs , et
même lire un chapitre du livre choisi. On peut également lire les avis des autres lecteurs, et bien d’autres choses encore…
- Donner accès à des ouvrages épuisés en librairie.
Un avantage indéniable du livre numérique sur le livre papier est que l’ouvrage n’est jamais épuisé. Il n’est pas nécessaire d’attendre que l’éditeur procède à une réédition pour avoir accès à
l’ouvrage.
- Donner accès à tout les médias.
Ce qui est vrai pour les livres l’est également pour les autres médias. Il n’est plus nécessaire de rappeler que le numérique c’est du texte bien entendu, mais aussi des images fixes et animées
et des sons, ainsi que l’accès aux journaux et aux magazines.
- Eviter les déplacements.
Une médiathèque moderne est un petit centre culturel qui a pour vocation non seulement le prêt d’ouvrages, mais aussi l’ouverture sur la culture vivante par l’organisation de conférences,
séminaires, ateliers, la projection de films, les salons divers.
Ces évènements permettent des rencontres fructueuses mais n’ont pas lieu tout les jours.
Lorsqu’il s’agit de choisir un ou plusieurs ouvrages il peut être agréable d’effectuer ce choix sans avoir à se déplacer, et réserver les déplacements pour les évènements culturels.
La bibliothèque numérique offre cette facilité et permet en plus la participation à des ateliers de lecture virtuels.
- Economie de moyens.
Dans l’hypothèse d’une bibliothèque entièrement numérisée il n’est même plus nécessaire de disposer d’un local , un simple abonnement à un distributeur suffit. La bibliothèque est alors un
fichier de noms ( adresses IP et codes d’accès ) négociés par la collectivité avec le fournisseur.
La bibliothèque devient alors entièrement virtuelle
Dans la pratique il y aura coexistence des deux systèmes. Le lecteur pourra choisir entre un fond d’ouvrages papier et un accès numérique vers un fournisseur extérieur. Si l’accès numérique est
choisi de manière significative il en résultera une économie de moyens matériels et de personnels.
Pour conclure
Le concept de bibliothèque numérique est particulièrement adapté aux petits établissements n’ayant pas les moyens de stocker plusieurs dizaines de milliers d’ouvrages, ni d’offrir l’accès à
toutes les nouveautés .
Ce concept ne remplace en aucune façon le concept de médiathèque « classique », qui répond parfaitement aux besoins d’une partie des abonnés , qui continueront à préférer le livre papier et ne
souhaitent pas modifier leurs habitudes.
Les obstacles à lever
La mise en application du concept de bibliothèque numérique rencontrera beaucoup d’obstacles.
Passer de l’univers familier du livre papier au monde virtuel des nouvelles technologies représente pour beaucoup une révolution copernicienne. Il sera extrêmement difficile de convaincre le
lectorat traditionnel , on peut même penser que, au moins dans les premières années, seule une clientèle nouvelle adoptera ce nouveau médium. Ce nouveau lectorat sera constitué en majorité de
personnes déjà familiarisées avec les NTIC et donc qui ne sont pas à priori rebutées par la technologie.
On peut compter sur ce noyau de pionniers pour promouvoir le concept auprès des autres usagers et les amener progressivement à accepter la nouveauté.
Rappelons aussi que certaine médiathèques pratiquent déjà le prêt de tablettes de lecture. Initiative à saluer.