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7 février 2013 4 07 /02 /février /2013 11:08

 

7 Février 2013

On se souvient des images spectaculaires de Fukushima, avec le bouquet final du feu d’artifice qui s’achève par une magnifique explosion dispersant dans l’atmosphère la quintessence de l’art nucléaire sous forme de subtils atomes radioactifs dont nos lointains descendants garderont malgré eux le souvenir hélas impérissable.

La réussite de ces pétardements nécessite la conjonction de différents phénomènes qui sont savamment orchestrés grâce à un agencement particulier du système et à un choix de matériaux adéquats.

Le combustible nucléaire, à base d’oxyde d’Uranium, est conditionné en petites pastilles cylindriques de 8 mm de diamètre et 13,5 mm de hauteur.

Ces pastilles sont enfilées dans des gaines (crayons) métalliques d’environ 4 m de longueur, fermées hermétiquement aux extrémités et mises en pression ( 25 à 30 kg). Chaque crayon contient quelques 270 pastilles et il y a environ 46 000 crayons dans la cuve, pour un poids de combustible de l’ordre de 90 tonnes.

Le métal des gaines du combustible est du Zircaloy, alliage de Zirconium et de Niobium essentiellement.

Le Zirconium a été choisi à cause de sa résistance à haute température, et surtout parce qu’il absorbe très peu les neutrons et résiste bien à la corrosion dans les conditions normales.

La cuve est remplie d’eau sous pression (155 kg) pour qu’elle reste liquide à haute température (300 °C); c’est de l’eau « normale » dite « légère » par opposition à l’eau lourde parfois employée dans d’autres types de réacteurs.

Cette eau transporte la chaleur de la réaction vers les générateurs de vapeur, qui actionnent les turbines des alternateurs. Elle est mise en circulation par d’énormes pompes. Elle sert également de ralentisseur de neutrons.

C’est le même principe que dans votre automobile, mais avec des neutrons en plus.

La chaleur infernale générée au sein de la cuve par la réaction de fission doit impérativement être évacuée par l’eau du circuit primaire sous peine de déclencher un emballement thermique initiateur d’un accident nucléaire.

Pour comprendre l’importance de ce circuit d’eau, appelé circuit primaire, il faut savoir que le débit nécessaire au bon fonctionnement d’un réacteur de 900 MWe est de 60 000 m3 par heure, ce qui correspond au débit d’une rivière moyenne.

Tout cela est régulé par des dispositifs automatiques redondants qui contrôlent et ajustent tous les paramètres, et par des dispositifs de sécurité qui interviennent en cas d’anomalie.

Cette belle mécanique est bien entendu sujette à des troubles de fonctionnement, qui sont parfaitement identifiés et qui font l’objet de contre mesures de sécurité soit automatiques, soit manuelles, et dont la mise en œuvre est un aspect essentiel de la formation du personnel.

L’objectif de ces mesures de sécurité est de maîtriser les incidents à leur source pour en maintenir les conséquences à un faible niveau sur l’échelle INES.

Ce qui se produit heureusement dans la très grande majorité des cas.

Mais il peut survenir des évènements exceptionnels dont l’ampleur dépasse les maximas historiques ayant servi à déterminer les marges de sécurité.

L’installation peut alors subir des dégâts susceptibles de déborder le système de gestion de la sécurité, de détruire le système de sécurité lui-même et la catastrophe nucléaire devient alors possible.

L’accident le plus grave et le plus redouté est le manque d’eau du circuit primaire. On parle alors de LOCA ( LOst of Coolant Accident).

Si, par malheur, une partie des gaines de combustible n’est plus refroidie (niveau d’eau trop bas) la température va monter rapidement.

Lorsqu’elle atteint 1 000 °C le Zirconium s’oxyde au contact de l’eau vaporisée, avec un fort dégagement d’Hydrogène:

Zr + 2 H2O --------------- Zr O2 + 2 H2

Dans le même temps, le Zirconium oxydé fragilise la gaine, qui devient poreuse et laisse passer les produits de fission radioactifs qui se mélangent à l’hydrogène.

Au-dessus de 1 200 °C il y a rupture des gaines et très forte contamination des gaz émis.

Ce mélange gazeux se répand dans l’enceinte de confinement, où il finit par se recombiner à l’oxygène présent en une explosion qui peut faire sauter le couvercle de la marmite.

C’est le feu de Zirconium.

Le couvercle ayant sauté, les gaz contenus dans l’enceinte de confinement sont éjectés dans l’atmosphère et contaminent l’environnement car ils sont porteurs de produits de fission hautement radioactifs.

Une telle explosion a été observée à Fukushima. Les photos montrant l’état des couvercle de cuves en dit long sur la puissance du phénomène.

Ce risque est pris en compte dans la conception des enceintes de confinement. Les occurrences de formation d’hydrogène sont analysées et modélisées pour connaître sa distribution à l’intérieur de l’enceinte, et pour disposer des systèmes igniteurs et recombineurs.

En dernier recours il peut être nécessaire de procéder à un largage préventif de gaz à l’extérieur de l’enceinte lorsque c’est le seul moyen d’éviter une explosion destructrice à l’intérieur.

C’est le principe déjà appliqué dans votre cocotte minute.

Sachant que ce gaz est radioactif, il est alors évidemment essentiel de déclencher un plan d’évacuation des populations avant de procéder à ce type de mesure extrême.

C’est à cette occasion que l’importance du facteur humain se manifeste. La chaîne des décisions doit être efficace et rapide, ce qui est une gageure eu égard aux nombreux échelons techniques et administratifs impliqués.

Mais ne perdons pas espoir, le pire n’est jamais certain, les probabilités sont avec nous.

Et pour ceux qui doutent, il reste la possibilité de solliciter la protection de Sainte Barbe, dont la mansuétude s’étend aux artificiers, aux géologues, aux ingénieurs, et aux pompiers.

Cette représentante multicartes est à coup sûr un bon Joker, à condition d’y croire.

Il ne faudra pas oublier également Sainte Lucie de Syracuse, patronne des électriciens, car une des causes principales du fameux LOCA est la défaillance de l’alimentation électrique de la centrale, voir Fukushima.

On se rappellera aussi que le LOCA a été évité de justesse à la centrale du Blayais grâce à un groupe électrogène qui a bien voulu tenir le temps nécessaire. Encore un coup de Sainte Barbe…

 

 

 

 

 

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commentaires

D
Bonsoir,<br /> Il n'est jamais bon d'avoir raison avant tout le monde...
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S
je ne savais pas que les chinois faisaient ce genre de chose.<br /> dans le passé, sur un forum, j'avais évoqué l'idée d'améliorer le rendement des centrales nucléaires en essayant de récuperer une partie de la chaleur pour du chauffage urbain (même 20% de la<br /> chaleur perdue, se serait déjà énorme)... et on m'avait ri au nez
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D
Bonjour,<br /> Le problème de Fukushima est peut-être l’arbre qui cache la forêt. En fait toutes les centrales présentent plus ou moins la même vulnérabilité.<br /> Mais il y a d’autres cadavres dans le placard nucléaire. C’est une bonne chose que la Presse fasse enfin son travail.<br /> Elle devrait aussi aller voir du côté des générateurs de vapeur, dans lesquels l’isolation entre circuit primaire et circuit secondaire laisse à désirer.<br /> J’aime beaucoup le sens pratique des chinois, qui tirent parti de l’eau de refroidissement des piscines pour alimenter un réseau de chauffage urbain, via le circuit secondaire quand même !!!.<br /> On peut se demander si ce genre de « révélations » aura un impact sur les décisions stratégiques du Gouvernement, si tant est qu’il ait encore quelque pouvoir dans ce domaine…
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D
Bonjour,<br /> Le problème de Fukushima est peut-être l’arbre qui cache la forêt. En fait toutes les centrales présentent plus ou moins la même vulnérabilité.<br /> Mais il y a d’autres cadavres dans le placard nucléaire. C’est une bonne chose que la Presse fasse enfin son travail.<br /> Elle devrait aussi aller voir du côté des générateurs de vapeur, dans lesquels l’isolation entre circuit primaire et circuit secondaire laisse à désirer.<br /> J’aime beaucoup le sens pratique des chinois, qui tirent parti de l’eau de refroidissement des piscines pour alimenter un réseau de chauffage urbain, via le circuit secondaire quand même !!!.<br /> On peut se demander si ce genre de « révélations » aura un impact sur les décisions stratégiques du Gouvernement, si tant est qu’il ait encore quelque pouvoir dans ce domaine…
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S
je me permets de mettre un lien vers le blog de Fukushima où une vidéo explique ce phénomène<br /> http://fukushima.over-blog.fr/article-la-piscine-4-de-fukushima-menace-les-terriens-109415172.html
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