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10 octobre 2021 7 10 /10 /octobre /2021 10:08

 

 

Tesla M3, jusqu'où pousser les limites de la voiture électrique?

10 Octobre 2021

Lorsqu'une entreprise veut aborder un créneau dans lequel elle ne possède aucune expérience, elle prend évidemment un risque, mais bénéficie d'un avantage qui est son absence des lourdeurs qui plombent le dynamisme d'une ancienne « maison ».

Lourdeurs du management, d'une technologie basée sur une expérience sûre mais ancienne, d'approches commerciales trop traditionnelles, d'une position sur le marché qui lui impose des résultats à la hauteur de son poids, d'une réputation qu'il ne faut surtout pas compromettre, d'une retour d'expérience certes abondant, mais peu adapté à l'innovation.

Le passage à la voiture électrique a fait l'effet d'un coup de pied dans une fourmilière.

Reconstruire la fourmilière sur des bases anciennes, mais qu'il faut quand même conserver tout en faisant une nouvelle fourmilière plus moderne, c'est une tâche ardue .

Mais, là où il n'y avait pas de fourmilière, il y a place pour faire un nouveau bâtiment en partant de zéro.

Mais il faut oser.

Et surtout en l'occurrence, trouver des investisseurs qui acceptent de monter dans le bateau sans avoir de gilet de sauvetage.

S'installer fabricant d'autos, et en plus électriques, sur un marché déjà plus ou moins à la ramasse, c'était prendre un risque certain, sauf si l'on choisit un secteur en dehors du marché de masse, et si l'on est capable de frapper un grand coup, quitte à repousser à plus tard l'entrée dans le marché de Monsieur tout le monde.

Ce fut, plus ou moins, le pari de Tesla, qui a mis sur le marché des véhicules de « derrière les fagots » jugés fort improbables par le tribunal des anciens.

Là où l'ancienne stratégie aurait commencé par électrifier le bas de gamme ( genre Zoé ), Tesla à plutôt visé le marché du haut de gamme.

La Tesla M3 est l'aboutissement de cette démarche, une sorte de vitrine du savoir-faire destinée à placer la barre assez haut pour appâter les amateurs fortunés qui amorceront la pompe à succès de la grande diffusion avec des modèles plus « raisonnables ».

Sur le type de produits susceptibles de tirer l’œil de l'acheteur de la croisette il faut, en dehors du confort et du clinquant habituel, offrir des performances « définitives », en l'occurrence une vitesse max et une accélération à en rester baba. Et justement l'électrique se prête très bien à ce petit jeu.

Pour accélérer « à mort »* sur un véhicule, il faut deux choses :

D'une part un couple très important, en rapport avec la masse de la voiture, et d'autre part des roues et des pneus capables d'encaisser ce couple et d'en faire quelque chose d'utile.

*  « à mort » signifie ici jusqu'à atteindre la limite de l'adhérence des pneus sur la chaussée.

En formule 1 on obtient ces conditions en réduisant le poids de la voiture et en adoptant des roues motrices de grand diamètre équipées de pneus à fort coefficient d'adhérence ( et très courte durée de vie), et on ajoute un aileron pour faire bonne mesure , pour appuyer derrière afin de rester sur la piste.

Astuces impossible à adopter pour un véhicule personnel devant trimballer une énorme batterie de quelque centaines de kilos et quelques passagers...

Ici pas d'aileron arrière, pas de roues « nascar », il ne faut pas effrayer la clientèle ; les roues sont beaucoup plus petites, le poids beaucoup plus élevé, et les pneus sont d'une qualité compatible avec la durée mais avec un coefficient d'adhérence en rapport.

La M3 est une sorte de Légo qui permet de constituer soit une voiture pour épater la croisette, soit la voiture de Monsieur tout le monde, soit celle du rouleur qui cherche une grande autonomie.

Mais avec une exigence : le modèle de Monsieur tout le monde doit offrir des performances que n'ont pas les électriques des « autres », c'est-à-dire une autonomie convenable, une accélération de haut de gamme et surtout une vitesse de pointe suffisante pour aller sans honte sur l'autoroute.

Une autre innovation stratégique du constructeur fut de comprendre dès le départ que l'autonomie serait un point délicat, que seul un réseau de charge rapide pourrait corriger.

Vendre la voiture avec le réseau de charge, il fallait le faire... Ils l'ont fait.

Quant à savoir si ce coup d'éclat aura des suites sur le marché de masse, seul l'avenir nous le dira.

Voyons un peu le modèle de Monsieur tout le monde, la M3 « Standard ».

- Masse : 1 625 kg ( 1800 kg avec deux personnes )

- Un seul moteur, à 'arrière (!)

- Puissance : 240 kW ( 325 CV)

- Couple : 420 Nm

( On comprend mieux pourquoi le moteur est à l'arrière!)

- Vitesse max 225 km/h

( Voilà qui règle le problème des 130 km/h!)

- Accélération : 0 à 100 km/h en 5,6 s

- Roues : Diam 65,8 cm avec pneus 245/35*

*Il y a plusieurs variantes de diamètres de roues et de pneus ( ici 19 pouces).

- Rapport de transmission aux roues : 9,7

( En deux étages : 3,11 de l'axe moteur à la couronne intermédiaire, et 3,11 ver la couronne du différentiel)

- Cx = 0,23 ( Rétroviseurs repliés!)

A 100 km/h, le régime de rotation des roues est de 805 tr/min, pour le régime moteur de

805 x 9,7  = 7833 tr/min,

Ce qui est une valeur « raisonnable » à 100 km/h pour un moteur électrique de bonne facture.

Mais, à 225 km/h, le régime atteint 7833 x 2,25 = 17624 tr/min.

( Puisqu'il n'y a qu'un seul rapport )

Cette valeur très élevée montre que Tesla a utilisé les technologies les plus avancées pour réaliser ce moteur.

( Notamment celles qui sont utilisées en formule E, comme des roulements en céramique et un système de refroidissement perfectionné et rotor avec aimants noyés )

Les roulements du rotor sont l'un des principaux obstacles aux régimes très élevés.

Le fabricant de ces roulements « hors normes » précise que 18 000 tr/min constitue la limite, à condition que le système de refroidissement soit très efficace.

( Heureusement la M3 ne roulera pas souvent à 225 km/h, à part dans le catalogue. La capacité de la batterie mettra rapidement fin à la démonstration...Si le moteur n'a pas explosé avant).

Mais commercialement il fallait afficher des performances au moins aussi « bonnes » que les thermiques de même catégorie.

Note :

A voir ces acrobaties mécaniques coûteuses, on comprend l'intérêt de monter une boîte deux vitesses, pour préserver la vie du moteur dans les conditions autoroutières !

Gageons que Tesla y viendra un jour ou l'autre.

Pour propulser la M3 à 225 km/h, il faut une certaine puissance, pour vaincre la résistance de l'air et les forces de frottement.

La résistance de l'air varie comme le carré de la vitesse, le maître-couple S, et le Cx qui dépend de l'aérodynamisme.

Avec S = 2 m² , Cx = 0,23 et V = 62,5 m/s, on obtient une résistance de l'air de 1800 Newton, auxquels il faut ajouter 30% *environ pour la résistance de roulement, soit en tout 2340 Newton.

donc une puissance de 2340 x 62,5 = 146250 W soit 146 KW.

*Approximatif
A cette valeur « nominale » il faut ajouter 30 à 40% de marge pour tenir compte de la charge et d'une pente éventuelle, ce qui donne plus ou moins 200 à 240 kW.

C'est le cas de la M3 Standard. Au diable l'avarice.

Le couple au démarrage doit correspondre à l'accélération recherchée pour obtenir les performances voulues.

( Cette affirmation emprunte un peu à Monsieur de La Palice )

Pour la M3 standard, on vise 0 à 100 km/h en 5,6 s. ( voir catalogue M3 )

L'accélération nécessaire est donc de 5,1 m/s/s

( Accélération = Vitesse / Temps )

La masse à propulser est d'environ 1 800 kg. ( moyenne entre poids à vide et en charge)

La force de propulsion de base nécessaire est donc de 9 180 Newton

( Force = Masse x Accélération)

A cette force de propulsion de base il faut ajouter la force de compensation de la résistance de l'air et des frottements de roulement, qui sont nuls au départ mais conséquents à 100 km/h.

Nous évaluons cette part à 30%.

( Et davantage si la route est en pente...)

La force totale nécessaire sera donc de 11 930 Newton en conditions moyennes.

Cette force est répartie entre les deux roues motrices et se trouve appliquée au contact des pneus avec la route.

Avec des roues de 65,8/2 = 32,9 cm de rayon*, le couple total nécessaire est de 3 924 Nm.

( Couple = Force x levier )

Avec un rapport de transmission de 9,7 le couple moteur devra donc être de 405 Nm environ.

( Le catalogue indique 420 Nm).

La puissance, le couple, et le régime de rotation sont liés par la formule suivante :

P = 0,1 ( R x C )

P en Watt

R en tours/minute

C en Newton.mètre

A 18 000 tr/min, on obtient 730 kW ! Le moteur aura explosé bien avant.

Le défluxage intervient bien avant pour réduire le couple à haut régime et travailler dans une zone à puissance constante, inférieure au max que peut supporter le moteur.

( Le régime et la puissance du moteur sont évidemment limités par l'électronique de contrôle du convertisseur onduleur).

A partir de la M3 « standard », Tesla a décliné plusieurs versions :

La version « performance » équipée de deux moteurs pour obtenir le 0 à 100 km/h en 3,3 secondes.

( sans grand intérêt pour un usage normal)

la version « Grande autonomie » pour aller plus loin en conservant des performances de bon niveau.

Le cahier des charges qui correspond à la Tesla M3 se retrouve sur la BMW i4 e Drive 40 :

Puissance : 250 kW ( 340 cv )

Couple : 430 Nm

Poids : 2 000 kg

Accélération : 0 à 100 km/h en 5,7 s

Avec une vitesse max de 190 km/h contre 225 km/h pour la M3.

Sans surprise on retrouve les mêmes valeurs de puissance et de couple puisque les buts recherchés sont les mêmes ( 0 à 100 km/h en 5,7 s pour des masses quasi semblables)

Sur la BMW la vitesse max est affichée plus faible ( 190 contre 225 ), mais ceci est probablement dû à la recherche d'une fiabilité en rapport avec le renom de la marque ( le  régime moteur max est affiché à 17000 tr/min, peu différent de la M3)


A l'autre bout de l'éventail on trouve des modèles comme la Renault ZOE 135.

Puissance 100 kW ( 135 CV )

Couple 225 Nm

Accélération 0 à 100 km/h en 9,5 s

Vitesse max 140 km/h

Poids 1500 kg à vide

Rapport de transmission 9,3

Régime moteur max 11 300 tr/min

Coefficient de traînée (Cx) 0,29

Roues de 16 pouces

Pneus 195/55/R16


A partir de ces deux extrémités les constructeurs devront naviguer sur un océan de technologie très évolutive. Les organes principaux ( Moteur, convertisseur, transmission, batterie) sont et resteront longtemps sujets de recherches et d'optimisations se traduisant par un renouvellement fréquent des modèles.

Les changements ne seront pas seulement cosmétiques ( comme c'est souvent les cas aujourd'hui pour les modèles thermiques) mais affecteront profondément les performances, l'autonomie, le rendement énergétique, et la fiabilité.

Pas de quoi rassurer le futur client...Il faudra innover aussi dans l'approche commerciale.

 


 


 


 


 


 


 


 

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