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9 mars 2016 3 09 /03 /mars /2016 15:07

9 Mars 2016

Parmi les sujets offerts récemment en pâture à l’opinion publique se trouve l’affaire du compteur Linky.

Ce nouveau compteur, qui n'en demandait pas tant, s'est ainsi trouvé promu au rang d'agent au service d'un complot visant à espionner notre vie privée pour le bénéfice d'un "Big brother" dont les menées politiques et surtout commerciales seraient destinées à servir les buts hégémoniques de la "World Company".

Pour faire bonne mesure, ses détracteurs chargent la mule en « dénonçant » un risque de santé publique qui résulterait de l'usage de courants porteurs émetteurs d’ondes électromagnétiques nocives pour les personnes.

Ce procès à charge est accompagné d'un appel à l'opinion afin d'exiger l'abandon du programme.

C'est, à travers cette affaire, tout le projet "Smart Grid" qui est remis en question par les "lanceurs d'alertes" appuyés par les réseaux sociaux.

Essayons d’y voir clair.

Pourquoi un nouveau compteur ?

Le CBE ( Compteur Bleu Electronique) a à peu près complètement remplacé les anciens compteurs électromécaniques. Il apporte des avantages tels que la possibilité du télé relevé, et un certain niveau de communication avec l’usager. On aurait pu penser qu’il apportait une solution moderne et définitive au problème du raccordement client.

Hélas, c’était sans compter avec la transition énergétique, qui nous impose quelques révolutions technologiques.

Historiquement, la distribution de l’énergie électrique est organisée sur le principe de l’adaptation de l’offre à la demande.

ERDF, en tant que grand régulateur du réseau, établit des prévisions de consommation et met en œuvre les moyens de production nécessaires à la satisfaction de cette demande.

Pour cela la production repose sur deux dispositifs:

Le premier, qui est le cœur du système, est chargé de la production de base. Il est constitué d’un parc de 58 réacteurs électronucléaires correspondant à une puissance installée de 63,2 GW, et produisant bon an mal an 470 TWh pour un facteur de charge de 85% ( Ces valeurs peuvent fluctuer d’une année sur l’autre selon les variations du facteur de charge lié aux aléas industriels).

Le volume annuel de cette production est sensiblement égal à la demande intérieure annuelle d’électricité finale.

Ce n’est pas un hasard. En fait l’habitude était prise de construire des installations de production au fur et à mesure de l’augmentation de la demande, un peu à guichet ouvert, sans se demander si on ne ferait pas mieux d’essayer de commencer par réduire cette demande.

Cette course à l’échalote nous a conduits droit dans le mur.

En effet, la demande intérieure de puissance n’est pas constante, elle fluctue entre 40 GW environ et 100 GW selon la saison, la météorologie, le jour de la semaine et l’heure de la journée ou de la nuit, alors que la production nucléaire est continue par vocation, et plafonne à 63,2 GW.

Lorsque la demande est inférieure à 63,2 GW, l’excédent produit par les réacteurs nucléaires est vendu à l’export car on ne sait pas stocker l’électricité en masse.

A l'inverse, lorsque la demande excède 63,2 GW, l’opérateur fait appel à un deuxième dispositif qui comprend des moyens de production supplémentaires constitués de centrales thermiques à flamme, de centrales hydroélectriques, et d’un peu de renouvelables.

En cas de pic de demande au-delà de 85 à 90 GW, il est nécessaire d’importer de l’électricité car les moyens supplémentaires en place ne suffisent plus.

Il en résulte que l’électricité consommée se compose de 400 TWh d’électronucléaire (# 75%) et de 130 TWh du reste.

(Dont environ 30 TWh de consommation énergétique incluant les pertes en lignes, et l’autoconsommation des industries énergétiques).

Si la demande de puissance était constante, le nucléaire pourrait fournir 100% des besoins.

Indépendamment de la transition énergétique, cette demande interne en yo-yo devient insupportable et EDF a tiré le signal d’alarme: Si rien n’est fait pour corriger cette situation, la fourniture du pic de consommation pourra devenir problématique, et ceci dès 2016 si les conditions météo sont défavorables.

(En effet, le retrait du nucléaire, décidé par nos voisins allemands, réduit fortement pour la France les possibilités d’importation en cas de pic de demande dépassant les 100 GW. Des délestages seraient alors nécessaires ).

Il est donc indispensable de ramener les fluctuations du yo-yo dans des limites acceptables, l’objectif étant de 10% autour de la valeur moyenne de 63,2 GW.

Ceci est d’autant plus critique que, malgré les projets de réduction de consommation énergétique, la consommation électrique est toujours en augmentation. Cette accroissement est en rapport avec l’augmentation du nombre des ménages, la demande de confort toujours plus forte, les nouvelles applications comme la domotique, l’informatique, les communications, auxquelles viendront s’ajouter les véhicules électriques dans un proche avenir.

Pour obtenir une réduction des fluctuations de puissance demandée, il est nécessaire d’introduire une part de régulation du profil de la consommation des usagers.

Le but étant d’étaler dans le temps l’utilisation des appareils gros consommateurs comme les radiateurs électriques, les cumulus, les lave-linge, sèche-linge, lave-vaisselle, tables de cuisson, fours électriques, pompes à chaleur, et batterie de véhicules électriques.

Ceci ne peut être réalisé que grâce à un dialogue en temps réel (c’est important) avec l’usager, conduisant à une négociation sur un programme personnalisé d’étalement des consommations en fonction des possibilités de chacun. Des incitations tarifaires sont évidemment prévues, ainsi qu’une aide personnalisée pour optimiser la gestion de l’énergie électrique du domicile.

Ce dialogue nécessite d’établir entre le fournisseur d’énergie et l’usager une liaison bidirectionnelle et de fournir une interface de raccordement compatible avec la mise en œuvre du programme de gestion optimisée.

C’est la fonction du nouveau compteur Linky.

Il est important de préciser que cette démarche, qui vise à obtenir un lissage de la puissance demandée, est incontournable et ne peut faire l’objet d’une discussion. Elle est au cœur de la transition énergétique.

On peut, à la rigueur, discuter sur la manière dont la démarche est mise en œuvre, mais pas sur la démarche elle-même.

L’installation de compteurs communicants est le premier acte d’une série qui doit conduire à la mise en œuvre du réseau intelligent (Smart Grid).

Son utilité est démontrée déjà dans la situation actuelle, puisqu’il permettra d’obtenir une meilleure utilisation de l’énergie électrique.

En effet, comment peut-on justifier, dans la perspective d’une meilleure efficacité énergétique, de maintenir une capacité de puissance installée de plus de 90 GW alors que la puissance moyenne demandée n’est que de 63 GW ?

Dans la transition énergétique, la première démarche est donc bien de faire cesser ce gaspillage.

C’est vrai aujourd’hui, ce le sera encore plus demain dans la perspective d’avoir à renoncer à l’électronucléaire et au thermique fossile, car c’est bien de cela qu’il s’agit.

( N’oublions pas qu’il « suffirait » de quatre ou cinq EPR de plus pour régler le problème. Certains y pensent, les opposants au compteur Linky feraient bien d’y penser aussi…).

La transition énergétique est dans l’air du temps, elle finira bien par se produire un jour.

Cette échéance impose à l’évidence de réfléchir aux dispositifs qui remplaceront le nucléaire et les fossiles.

(Cette réflexion est de la responsabilité des gouvernements et du ou des fournisseurs d’énergie).

Les moyens de production de substitution sont connus:

Eolien, Solaire, Biomasse essentiellement.

L’Eolien et le Solaire sont appelés à prendre en charge une part importante de la demande électrique, certainement plus de 60%.

Ces sources d’électricité sont intermittentes par nature car soumises aux aléas météorologiques et aux alternances jour/nuit.

Les possibilités de stockage d’électricité seront limitées et ne pourront prendre en charge la totalité de l’intermittence.

Il sera donc nécessaire de changer l’approche de la gestion du système de distribution.

Aujourd’hui c’est la production qui s’adapte à la demande.

On a vu que, pour cela, il nous faut maintenir disponibles des installations d’une puissance très supérieure aux besoins moyens.

Demain il sera indispensable de modifier ce concept. Une partie de la demande devra s’adapter à la production disponible.

Ce changement de paradigme n’est évidemment pas perçu par les consommateurs, habitués à la situation d’abondance actuelle.

Mais dès 2020 il leur faudra accepter certaines contraintes et certains aménagements sous peine de devoir en payer le prix sous forme de délestages inopinés et/ou de pénalités tarifaires.

La gestion fine du réseau de distribution imposera des liaisons bidirectionnelles avec l’usager, ce que fait le compteur Linky.

L'aspect positif du déploiement de ce nouveau compteur est compris par la majorité de la population.

Une minorité s'y oppose, arguant d'un manque de sécurité dans la gestion des données personnelles recueillies, et de risques allégués de santé publique liés à certaines radiations. Le principe de précaution est invoqué afin d'obtenir l'interdiction de ce compteur.

Si l'on écarte les réactions misonéistes et de simple néophobie, il demeure une interrogation légitime qui traduit un besoin d'explications.

Les arguments contre ce nouveau compteur sont de deux ordres:

D’une part, une partie des opposants lui reprochent de diffuser dans le logement des radiations électromagnétiques nocives pour la santé et insupportables par les personnes électro sensibles.

D’autre part d’autres opposants (incluant une partie des précédents) n’acceptent pas de voir leurs données personnelles de consommation mises à disposition d’un tiers.

Que peut-on dire sur ces deux problèmes ?

Concernant les radiations électromagnétiques, il faut savoir que les signaux cpl du compteur Linky  diffusent dans le logement puisqu'il n'y a aucun filtrage .Mais ces signaux appartiennent au domaine de la basse fréquence, typiquement similaire aux signaux d'échantillonnage audio numériques. Ils correspondent à la bande A  réservée aux professionnels .

Les problème de radiations EM proviennent plutôt des hautes fréquences utilisées pour les cpl domestiques en transmission très haut débit pour les applications tv numériques et informatique.

Le Linky met à disposition de l’usager une interface de communication lui permettant, s’il le désire, d’y connecter son propre réseau domotique sur lequel il fera circuler les signaux de son choix, avec les moyens de son choix ( filaire blindé ou non, CPL, radio, etc…) et pour commander les appareils de son choix.

La sortie information client standard est prévue sur Bus filaire réalisé avec un câble blindé mis à la Terre.

Ceci pour éviter les perturbations radio qui pourraient être créées par des moyens de transmission non blindés.

Déontologiquement, dès lors que le réseau domestique existe, il doit être isolé de l'extérieur du logement, sinon ce n'est plus un réseau privé (aspect légal). Ce qui devrait être réalisé par un filtre bi directionnel.

Les seuls signaux CPL utilisés par Linky le sont entre le compteur et le transformateur BT de quartier, donc à l’extérieur du logement, et la plupart du temps en lignes enterrées.

A partir de la sortir IC ( Informations Clients) on entre dans le domaine privé.

Il appartient au client (ou à son installateur) de réaliser une installation dans les règles de l’art afin de supprimer tout risque de perturbations EM. ( Electro Magnétiques).

Si le client désire communiquer avec le compteur par une liaison radio ( C'est son droit), il existe un module ERL (Emetteur Radio Linky) fonctionnant dans la bande 2,4 Ghz/Protocole ZigBee ou 858 Mhz/Protocole KNX.

Ce module normalisé peut être fourni sur option avec le compteur.

Si le client est gêné par des radiations, ce seront les siennes propres et il devra s’en prendre à lui-même, ou voir le problème avec son installateur.

Pour ceux qui craignent les ondes EM quelles qu'elles soient, on ne peut que leur conseiller d'éviter d'utiliser l'interface ERL (Emetteur Radio Linky) et de veiller à ce qu'aucun CPL ne soit utilisé dans le logement.

Il leur suffira d'utiliser la sortie communication standard fournie par le Linky, et de câbler leurs liaison domotique en filaire blindé (Comme recommandé dans la notice Linky).

Et bien entendu de couper toute autre installation personnelle qui utiliserait soit un réseau CPL, soit un réseau Wi-Fi, et d'éteindre tous les téléphones cellulaires présents au domicile.

Il va de soi que leurs appareils de puissance compatibles Linky, s'ils en ont, devront être équipés d'une interface filaire, et surtout pas d'interface CPL ou Wi-Fi, ou autre Radio.

Rappelons donc que toutes les communications à l’intérieur du logement sont réalisées à l’initiative du client, sous la responsabilité de son installateur, qui seul peut être tenu responsable d’un mauvais fonctionnement et/ou d’un trouble de jouissance causé par d’éventuelles radiations dues à une installation défectueuse.

Concernant les données personnelles, il s’agit du problème général de la protection des données personnelles sur tous les réseaux, téléphonie mobile, internet, réseaux bancaires, paiements par cartes, positionnement GPS, etc, etc….

Les données recueillies en temps réel par le compteur Linky sont envoyées par courants porteurs en ligne sous forme cryptée à un concentrateur situé dans le poste de distribution publique.

Elles sont ensuite traitées par un système qui a reçu la certification de l'ANSSI ( Agence Nationale de Sécurité des Systèmes Informatiques) et le feu vert de la CNIL.

Ensuite l'usage qui sera fait de ces données comporte un aspect collectif d'information sur le réseau, et un aspect individuel lié à un client particulier.

La connaissance en temps réel, par le gestionnaire de réseau, du profil temporel de consommation d'un particulier, peut être ressentie comme une intrusion dans la vie privée. Quand cette connaissance peut s'étendre à la nature des appareils connectés à un moment donné, on peut comprendre l'inquiétude de certains usagers pour qui le huis clos de la vie privée demeure sacré.

Ceux-là doivent savoir que la connaissance détaillée des appareils connectés ne sera pas obligatoire, elle sera simplement utile pour gérer de manière intelligente un éventuel programme d'effacement auquel on aura souscrit moyennant avantage tarifaire.

(il est toujours plus agréable d'effacer un ou deux radiateurs plutôt qu'un appareil de cuisson au moment du repas !)

Notons que l’importance et la sensibilité des données recueillies par Linky est inférieure de plusieurs ordres de grandeur à celle des données qui circulent dans les autres réseaux dont la protection n’est pas meilleure, ni pire.

Donc, dans un avenir pas très lointain, il sera nécessaire et utile de pouvoir programmer l’utilisation des appareils gros consommateurs d’énergie électrique.

Cette programmation devra s’insérer dans un programme de gestion de l’énergie du logement, dont une partie sera décidée par l’usager lui-même, et l’autre partie sera sur incitation du fournisseur d’énergie.

Chaque appareil de puissance devra donc être muni d’une interface permettant la télécommande, certains le sont déjà.

Cette télécommande pourra reposer sur divers médiums: Réseau filaire, Réseau Wi-Fi, ZigBee, KNX, réseau CPL, selon le choix du client qui raccordera tout çà au compteur Linky par l’intermédiaire d’une petite centrale domotique.

(Pour ceux qui craignent d'être agressés par les ondes, ils leur suffira de travailler en filaire blindé comme expliqué plus haut. Et, pour faire bonne mesure, ils pourront faire installer leur compteur à l'extérieur du logement, dans une armoire métallique munie d'une bonne prise de Terre).

Le principe même du compteur communicant est, à terme, de donner au fournisseur d’énergie électrique le moyen de gérer la distribution d’énergie de manière à réduire les fluctuations de demande de puissance tout en préservant le confort des usagers en évitant les délestages inopinés.

Répartir la demande de puissance pour éviter les pics de consommation préjudiciables à la fiabilité du réseau.

Cette répartition intelligente suppose l’assentiment et la collaboration de l’usager.

Dans cette optique l’usager devient un acteur à part entière.

Il appartiendra au gestionnaire de réseau de procéder avec tact et discernement pour désamorcer les conflits et obtenir l’adhésion la plus large possible.

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commentaires

J
Vous dites "Le compteur Linky n'injecte aucun signal CPL dans le logement." c'est absolument faut<br /> le linky n'a pas de filtre et le CPL est propagé a l'ensemble du logement!!
Répondre
D
Bonjour JMM05,<br /> C'est vrai que le Linky laisse passer les signaux cpl dans les deux sens. Mais je me suis mal exprimé; lui-même n'émet que dans la bande A réservée aux distributeurs d'électricité, donc en dehors des gammes utilisées par les cpl domestiques. Les adaptateurs cpl domestiques sont supposés être sélectifs vis à vis des signaux de la bande A.<br /> D'autre part la bande de travail du Linky est une bande basse fréquence, typiquement celle qui est utilisée pour les fréquences d'échantillonnage audio 44 KHz.<br /> Mais vous avez raison, il faudra probablement utiliser un filtre passe bas pour éliminer les signaux de la bande A à l'entrée du logement.<br /> Mais il subsistera les problèmes des cpl domestiques eux-mêmes, ce sont eux qui rayonnent, surtout en haut débit.<br /> Je vais corriger mon papier.