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5 octobre 2014 7 05 /10 /octobre /2014 18:02

5 Octobre 2014

A peine commencée, la transition énergétique commence à jouer au chamboule-tout dans le monde de l’énergie.

C’est que, à tant jouer sur le registre des grands sentiments écologiques, on en a oublié que tout çà c’est quand même de l’industrie et que dans ce secteur on ne fait pas n’importe quoi à n’importe quel prix sans conséquences.

La fabrication et la distribution de l’électricité n’échappe pas à la règle.

Pour encourager le développement de l’éolien plusieurs mesures ont été décidées par les Etats afin de permettre à ce procédé nouveau de se faire une place parmi les anciennes technologies et si possible une place prépondérante.

La première mesure consiste à subventionner l’activité pour lui donner artificiellement une compétitivité sur le marché, ce qui constitue une première distorsion de concurrence puisqu’il s’agit d’une rémunération « hors marché ». On l’appelle « Feed-in Tariff », ou tarif de rachat en France, que le consommateur acquitte avec la CSPE. Des versements directs au producteur sont aussi pratiqués.

Ce petit jeu fonctionnera tant que Bruxelles n’interviendra pas pour distorsion de concurrence.

La seconde mesure consiste à accorder aux énergies renouvelables intermittentes le statut « prioritaire sur le réseau ». Par exemple en Allemagne existe la loi dite « EEG » qui stipule ceci:

« les exploitants de réseau sont tenus d’accepter l’injection de l’ensemble de l’électricité produite à partir de sources d’énergie renouvelable et de gaz de mine qui leur est offerte ainsi que de le transporter et distribuer sans délai et en priorité ».

Cette préférence, jointe au coût marginal artificiellement réduit de l’électricité éolienne, entraîne une baisse des cours qui compromet la rentabilité des centrales à gaz.

La troisième mesure consiste à ne pas faire supporter par les producteurs d’électricité éolienne les conséquences de l’intermittence imprévisible de leur production. Dans leurs bilans cette dépense est « externalisée », en fait elle est reportée sur les concurrents qui sont priés de se débrouiller avec cette histoire d’intermittence !

( Laquelle est prise en charge soit par l’Hydraulique, soit par les centrales à Gaz qui sont les seules à pourvoir réagir assez rapidement). Si l’on ajoute à cela la gratuité des intrants ( Le Soleil et le vent sont gratuits jusqu’à preuve du contraire), il ne reste plus à supporter que les charges d’exploitation, ce qui ouvre une voie royale aux énergies renouvelables intermittentes.

C’était le but recherché à l’origine.

Voyons quelles en sont les conséquences.

Disons tout de suite que la France ne souffre pas encore du syndrome éolien puisque la part de cette énergie dans le mix électrique est encore très faible chez nous, le nucléaire et l’hydraulique assurant l’essentiel de la production.

Il en va tout autrement en Allemagne où l’éolien a le vent en poupe, surtout depuis le moratoire sur le nucléaire.

Dans une économie ouverte à la concurrence, pour satisfaire la demande du marché on commence par faire appel à l’énergie la moins chère, puis les autres interviennent en fonction de leurs coûts respectifs ( c’est le « merit order » ). Mais la loi imposant d’écouler d’abord l’électricité éolienne, le « merit order » se trouve décalé au détriment des autres énergies qui, elles, ne sont pas subventionnées. (Jusqu’à preuve du contraire le fuel, le gaz naturel, le Charbon, le Lignite, ne sont pas gratuits). Et comme par dessus le marché le prix du charbon est en baisse pour cause de Gaz de Schiste aux Etats-Unis, et d’insuffisance du prix des droits à polluer, c’est lui qui vient après l’éolien, au détriment du gaz naturel qui se trouve réduit à la portion congrue, il est appelé en dernier ressort.

Economiquement, c’est le retour en force du Charbon.

Le secteur énergétique se trouve alors en situation de devoir mettre en sommeil des centrales à gaz, voire même de les fermer pour cause de non rentabilité ( et spécialement les plus récentes, qui ont évidemment les coûts les plus élevés).

En effet il n’est pas concevable de conserver en activité des centrales qui ne seront « appelées » qu’une partie du temps, et dont le coût de production est supérieur au prix de marché.

Oui mais, ce sont précisément ces centrales à gaz qui sont appelées à compenser l’intermittence de l’éolien, et particulièrement les centrales modernes CCGT ( A cycles combinés) en raison de leur faible temps de réaction et de leur rendement élevé ( 60% contre 37% pour les centrales classiques).

L’éolien est en passe de tuer les centrales à gaz, alors qu’il en a un impérieux besoin pour la relève de l’intermittence…

Ce pataquès se produit alors que la production éolienne ne représente encore « que » 8% de la production électrique allemande ( 53 TWh sur 640). Le lecteur imaginera aisément la situation lorsque la part éolienne sera de 30% !

Les responsables politiques sont conscients de la non adéquation du modèle économique sur lequel repose la marché de l’énergie européen. Mélanger des objectifs politiques ( lutte contre le réchauffement climatique) avec des objectifs industriels ( rentabilité de toute production) exige une approche globale qui n’a pas été prise en compte jusqu’à présent.

Le mode de soutien aux énergies renouvelables intermittentes est à revoir, de même que le système des crédits carbone. Quant à la relève de l’intermittence des énergies renouvelables ( Backup), il est grand temps qu’elle soit prise au sérieux sous peine d’avoir à gérer des périodes de blackout dès 2015/2016, pour peu que l’on arrête deux ou trois centrales nucléaires de plus en Europe.

Peut-être également est-il temps de cesser de considérer l’éolien comme une danseuse à qui tout est permis, et de lui faire supporter une partie de ses coûts somptuaires, et dans le même temps faire payer les émissions de CO2 à leur juste prix.

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