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8 octobre 2014 3 08 /10 /octobre /2014 17:13

8 Octobre 2014

L’économie allemande demeure la référence pour de nombreux commentateurs, et le toujours (encore) solide couple franco-allemand est une raison supplémentaire pour la France de s’intéresser de près à la « recette » de nos voisins afin, pourquoi pas, de tenter de l’accommoder chez nous notamment pour réaliser notre transition énergétique dont l’accouchement semble si difficile en Gaule.

Cet intérêt se trouve renforcé par le constat du volontarisme allemand en matière d’énergies renouvelables et de politique nucléaire, dans le droit fil de la revendication écologique qui a tant de peine à se faire entendre chez nous.

Comment ne pas être tentés de prendre les mêmes ingrédients et de touiller la même tambouille, la magie imitative est un moteur puissant qui peut tenter plus d’un responsable politique.

L’effort allemand en matière d’énergie éolienne a frappé les esprits de ce côté-ci du Rhin et est souvent mis en avant comme symbole de la réussite d’une transition énergétique réussie, ou du moins en passe de l’être.

Essayons d’y voir plus clair.

( Tous nos chiffres sont extraits des données SOeS et du Document de travail de la Direction Générale du Trésor, N° 2013/05 de Novembre 2013: « Comparaison des prix de l’électricité en France et en Allemagne. » ).

L’Allemagne produit 675 TWh d’électricité annuellement. La production éolienne, qui repose sur une puissance installée de 35 GW, contribue à hauteur de 53,4 TWh, soit 7,9 % du total.

Le facteur de charge moyen est donc de 17,4%, valeur classique pour un parc essentiellement terrestre jusqu’à présent.

Cette part modeste d’éolien est de nature à tempérer quelques enthousiasmes, et rappeler qu’il ne faut jamais prendre la partie pour le tout. Ce résultat peu glorieux est inhérent au procédé dont les performances dépendent directement du régime des vents.

Malgré une contribution énergétique encore peu significative, l’éolien allemand pèse lourdement sur le marché de l’énergie pour plusieurs raisons déjà en partie évoquées dans l’article précédent. Il induit notamment des dépenses de soutien aux énergies renouvelables, des dépenses de restructuration du réseau, des dépenses liées au maintien de moyens de « backup » en relève de l’intermittence, ces dépenses étant chargées sur la facture du consommateur.

De plus le marché est perturbé par la priorité à l’injection concédée à l’éolien, qui décale le « merit order » et compromet la rentabilité des centrales à gaz dont ils ont pourtant grand besoin pour soutenir les éoliennes lorsqu’elles manquent d’air.

Le tarif domestique moyen TTC en Allemagne est de 26 cent/kWh:

Décomposition:

- Fourniture ( l’énergie reçue): 8,22 cent

- Taxe d’accès au réseau: 6,04 cent

- Contribution énergies renouvelables: 3,59 cent

- Redevance de concession: 1,79 cent

- Contribution cogénération: 0,6 cent

- Taxe écologique sur l’électricité: 2,05 cent

- TVA: 4,13 cent

TOTAL: 26 cent.

contre 14,1 en France (TTC)…

Quel consommateur français, même admirateur du système économique allemand, serait prêt à accepter une augmentation de tarif de 84% en échange de 7,9 % d’énergie éolienne ?

Mais rassurons-nous, les allemands eux-mêmes ont conscience que ce modèle de transition est intenable et doit être amendé. Est-il acceptable de devoir revenir au charbon pour atténuer les coûts induits par les renouvelables ?

Côté français, nous avons un kWh offert à un prix de braderie qui arrange bien tout le monde. Il y en a même qui se chauffent à l’électricité !

Pourvu que ça dure…

Mais au fait, quel est le truc ?

Bon sang mais c’est bien sûr, c’est le nucléaire, qui fournit 75% de nos besoins électriques, et l’hydraulique qui en fournit 10%.

Ce mix, singulier en Europe, offre plusieurs avantages:

- Le parc nucléaire déjà ancien est quasiment amorti et le coût marginal est faible. Le prix ARENH ( Accès Règlementé à l’Electricité Nucléaire Historique) fixé à 42 euro/MWh reflète assez bien le prix de revient. Bien sûr ce prix de revient peut être contesté car les provisions pour démantèlement sont approximatives particulièrement pour le stockage long terme des déchets de très haute activité, et le coût d’une éventuelle catastrophe nucléaire n’est pas pris en compte.

- Le niveau encore très bas de notre parc d’énergies renouvelables intermittentes nous évite d’avoir à supporter les dépenses afférentes que les allemands doivent assumer plein pot, les taxes chargées sur les factures françaises sont beaucoup plus faibles qu’en Allemagne.

Cette situation est évidemment provisoire.

La nécessaire transition énergétique nous met en demeure de choisir entre deux stratégies:

Soit nous continuons dans le nucléaire, et il nous faudra renouveler les installations en remplaçant les REP par des EPR à 8 Milliards la pièce.

Soit nous décidons un retrait progressif du nucléaire, et il nous faudra investir massivement dans les énergies renouvelables tout en assumant les dépenses de démantèlement et de stockage des déchets radioactifs. De plus il sera nécessaire de construire un parc de relève de l’intermittence des renouvelables ( centrales à Gaz ).

Quelle que soit la voie choisie elle conduira à un modèle économique dans lequel le prix de l’électricité sera très supérieur au prix actuel. On comprend dès lors le peu d’empressement des Gouvernements successifs à aborder de front l’échéance de la transition énergétique, et leur préférence pour des solutions conservatives.

Hâtons-nous lentement…Et laissons les Allemands essuyer les plâtres.

Mais ne rêvons pas, l’époque du kWh à trois sous est bien révolue.

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