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5 novembre 2020 4 05 /11 /novembre /2020 12:28

L’éolien offshore en France, je t’aime, moi non plus...

5 Novembre 2020

Dans la plupart des pays, l’objectif des installations éoliennes offshore est, en principe, de remplacer les installations de production d’électricité à base de combustibles fossiles émettrices de CO2.

En France il en va différemment (toujours l’exception française).

Chez nous la production d’électricité à partir des fossiles est très minoritaire, l’essentiel provient de l’électronucléaire et de l’hydraulique, qui n’émettent pas de CO2.

Notre intérêt pour l’éolien offshore se mesure alors au niveau de crédibilité de notre décision de sortir du nucléaire.

Cette décision de sortie du nucléaire n’a jamais été prise fermement, la fermeture de Fessenheim n’étant qu’un geste technique rendu nécessaire par la vétusté de cette installation dont la modernisation, et surtout la mise en conformité avec les nouvelles règles de sûreté post-Fukushima, étaient impossibles.

La seule décision claire du Gouvernement a été de demander à EDF de présenter pour 2021 (il y a donc urgence) une étude chiffrée sur la réalisation d’une série de six réacteurs nucléaires de type EPR 2 qui « seraient » destinés à remplacer une dizaine de réacteurs du parc existant, parmi les plus anciens.

Par ailleurs, EDF s’emploie à acquérir de nouveau terrains, notamment aux alentours de certaines centrales existantes.

Honni soit qui mal y pense…

Le peu d’intérêt de la France pour l’éolien offshore se lit dans le déroulement du projet des six parcs de la côte Atlantique : appels d’offres lancés en 2011, et toujours pas une seule éolienne en place près de dix ans plus tard…

A la décharge de nos décideurs, il faut reconnaître que le retrait du nucléaire serait un saut non pas dans l’inconnu, mais dans un bourbier dont les pièges sont parfaitement identifiées par les énergéticiens, lesquels ne sont pas pressés d’y choir.

Non pas des pièges financiers, on s’arrange toujours avec les sous, mais des pièges liés à l’acceptabilité des conséquences sociologiques des solutions de remplacement.

Procédons à une petite expérience de pensée :

Remplaçons le parc nucléaire par un ensemble de parcs éoliens offshore modernes :

60 GW nucléaires installés à remplacer = 51 GW utiles ( Fc = 0,85 )

51 GW utiles en éolien offshore = 127 GW installés ( Fc = 0,4 )

127 GW offshore installés = 320 Milliards d’euro ( 2,5 Millions le MW installé )

et plus de 12 700 éoliennes de 10 MW, de la hauteur de la tour Eiffel (nous avons dit modernes).

Par comparaison, l’ensemble des six parcs éoliens de la côte Atlantique ne comportera « que » 300 machines et suscite déjà des protestations vigoureuses.

Où placerions-nous les 12 400 autres ?

Cette invasion de tours Eiffel serait-t-elle suffisante pour résoudre la problème ?

Evidemment non, car une production éolienne sera dépendante du régime des vents, donc inefficace sans de grosses installations de stockage tampon de l’énergie électrique.

Ces installations n’existent pas, il faudra donc les construire ( et comment?), ce qui viendra gonfler la petite note qui passerait de 320 à 400 Milliards voire plus, et à condition de pouvoir les réaliser, ce qui n’est pas évident.

En effet, seul l’hydraulique paraît capable de compenser les fluctuations de la production renouvelable, et la France ne dispose plus de possibilités d’extension pour cette technologie.

Souvenons-nous du barrage de Sevens…

Cette petite expérience de pensée suffit à expliquer les réticences des énergéticiens à se détourner d’un moyen de production existant qui ignore les aléas de la météo, qui assure lui-même son propre stockage stratégique* réglementaire dans les barres de combustible, qui est pilotable, et qui peut assurer son service durant soixante années.

* On l’oublie toujours celui-là...

Quand au coût d’investissement, il faut comparer ce qui est comparable :

Jusqu’à aujourd’hui et selon la Cour des Comptes, le prototype de l’EPR de Flamanville nous a coûté 19 Milliards d’euro, soit 16 Millions d’euro du MW installé ( 1 600 MW ).

Mais ce prix brut doit être nuancé :

Il s’agit d’un prototype dont le développement a été chaotique, et anormalement long. En série un tel objet devrait pouvoir être construit pour 8 Milliards*, soit environ 5 Millions d’euro par MW installé, ou encore 6 Millions par MW utile puisque le facteur de charge est de 0,85 en nucléaire.

* Le coût affiché des deux EPR construits en Chine en collaboration avec EDF est de 11 Milliards, soit 5,5 Milliards l’unité. On devrait pouvoir faire la même chose en France ?

Aujourd’hui le meilleur coût en éolien offshore est d’environ 2,5 Millions / MW installé, soit 6,25 Millions / MW utiles pour un facteur de charge de 0,4.

Dans ces conditions, les CAPEX sont équivalents dans les deux technologies éolienne et nucléaire.

Par contre, la durée d’exploitation en éolien offshore n’est que de 25 à trente ans, alors qu’elle atteint 60 ans pour le nucléaire.

Et n’oublions pas que l’éolien doit être adossé à des moyens de stockage importants pour compenser les fluctuations de production dues aux variations des conditions de vent. Leur coût doit être ajouté à celui des éoliennes.

Ces comparaisons financières ne font certes pas oublier les inconvénients du nucléaire qui demeure une technologie sale, particulièrement dans le stockage des déchets hautement radioactifs à vie longue pour lesquels il n’existe pas encore de solution satisfaisante. Le report du risque de contamination sur les générations futures est une violation des principes de l’écologie bien comprise. Par ailleurs le risque d’accident majeur est aujourd’hui incontestable, Tchernobyl et Fukushima en ont apporté la preuve. L’abandon du principe d’exclusion de rupture de cuve est un progrès dans la conception des nouveaux réacteurs, mais les mesures de mitigation adoptées n’ont pas encore fait leurs preuves.

On pourrait également évoquer l’origine de l’énergie transformée en électricité : du vent gratuit pour l’éolien, alors que l’Uranium doit être obtenu de l’étranger dans des conditions géopolitiques discutables.

Ajoutons que la préparation du combustible nucléaire représente un coût qu’il faut ajouter au coût d’exploitation, de même que le coût de traitements et de stockage des déchets.

Et que dire de la vulnérabilité des installations nucléaires et des transports de matériaux sensibles, exposés aux attaques terroristes à des fins qu’on imagine sans peine…

Les qualités et les défauts de l’une et l’autre technologie sont donc connus. On peut comprendre que le choix est difficile.

D’un côté l’assurance d’une énergie électrique abondante et régulière, mais avec la nécessité d’accepter un niveau de risque à court et long terme pour nous et nos descendants.

De l’autre une énergie propre mais dont la disponibilité ne sera pas toujours au rendez-vous, ce qui demandera une discipline inhabituelle, et l’acceptation de certaines contraintes dans les usages de l’énergie.

 

L’installation des compteurs communicants ( Linky ) touche à son terme ; le réseau intelligent pourra se mettre en place ; nous verrons alors si les usagers sont prêts à accepter les inévitables contraintes imposées par la gestion parcimonieuse de l’énergie électrique que le vent et le Soleil voudront bien nous délivrer.

Le choix entre nucléaire et renouvelables pourra alors être décidé sur des bases citoyennes.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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