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4 novembre 2020 3 04 /11 /novembre /2020 10:37

Eolien offshore, la guerre des prix est commencée.

 

4 Novembre 2020

Il se livre en Europe du Nord un combat à mort pour la conquête du business de l’éolien offshore.

Pourquoi seulement en Europe du Nord ?

Parce que les gisements de vent et les fonds littoraux y sont beaucoup plus favorables qu’ailleurs.

Et pourquoi cet intérêt pour l’éolien offshore ?

Parce que, mis à part le nucléaire et l’hydraulique, l’éolien offshore est le seul moyen économiquement et technologiquement capable de remplacer les fossiles dans la production d’électricité, et qui le vent est gratuit.

Et pourquoi l’offshore ?

Parce l’espace y est disponible, les nuisances sont réduites, on peut y disposer des machines hautes comme la tour Eiffel sans déclencher une révolution, parce que les vents y sont forts et réguliers et donc propices à des facteurs de charge capables d’atteindre le saint graal de 50 %.

Toutes choses indispensables à l’obtention de rendements décents.

Car cette électricité, il va falloir la vendre et aujourd’hui le prix de marché se situe autour de 50 euro/MWh.

Le coût de production doit donc être notablement inférieur à 50 euro pour prendre des places sur ce marché d’une façon pérenne et donc rentable financièrement.

( Une activité fondée durablement sur les aides de l’État ne correspond à aucun modèle économique pérenne en régime libéral ).

La rentabilité d’un investissement industriel dépend d’une multitude de facteurs dont les principaux sont le capital investi, les coûts de production, les coûts d’exploitation, les revenus d’exploitation, les impôts, le loyer de l’argent, la durée d’exploitation, la valeur résiduelle de l’outil de production, etc.

Ces facteurs, et d’autres, sont soumis à des aléas qui impactent les coûts et dont il faut tenir compte dans l’actualisation.

Et des aléas, il y en a beaucoup dans l’éolien offshore qui demeure une technologie non mature et en pleine évolution :

- Les estimations météorologiques sont-elles fiables ? Le facteur de charge retenu sera-t-il au rendez-vous ? Et comment évoluera-t-il dans la durée ( 15 ans, 20 ans, 30 ans ) ?

- La technologie retenue ne sera-t-elle pas obsolète dans cinq ou dix ans ?

- La durée d’exploitation retenue ne sera-t-elle pas abrégée prématurément si l’effet des éléments marins a été sous-estimé ?

- Le coût de l’entretien du parc a-t-il été bien évalué ?

- Et qu’en sera-t-il du coût du démantèlement, ou d’un éventuel re-powering ?

- Etc.

Ces aléas sont d’autant mieux estimés que le REX (Retour d’EXpérience) est important.

L’éolien offshore est une technologie en constante évolution, le REX n’existe pas, ou très peu applicable aux nouveaux projets.

( Voir éolien offshore flottant…).

Les technologies des turbines, des systèmes de régulation, de la fabrication des pales, de la conception des systèmes d’ancrage, du raccordement électrique au réseau, de l’enfouissement, sont très évolutives et n’offrent que peu de connaissances sur le comportement dans la durée ; il y a beaucoup de plâtres à essuyer...

En France, où l’expérience de l’éolien offshore est inexistante, les premiers parcs implantés seront surtout des démonstrateurs pour lesquels les évaluations de coûts ne peuvent qu’être approximatives, ce qui justifie les précautions financières conduisant à des évaluation de coût parfois excessives nécessitant des aides financières de l’État.

Prenons l’exemple du projet de parc offshore de Saint-Nazaire :

480 MW installés, pour un coût affiché de 2,3 Milliards d’euro, soit 4,8 Millions le MW installé.

190 MW « utiles » ( Facteur de charge estimé : 0,4 ).

Production annuelle : 190 MW x 8 760 heures = 1,66 x 10 [exp 6] MWh

Au prix du marché ( 50 euro/MWh ) le chiffre d’affaire annuel serait de 83 Millions d’euro, ce qui correspond à 3,6 % du capital investi, à condition que la totalité de la production soit vendue à ce prix, ce qui n’est pas évident en cas de surproduction en période de faible demande du réseau.

D’autant plus qu’il faut également couvrir les autres dépenses : dépense d’exploitation, impôts, redevances, rémunération du capital investi, etc.

Le coût de 4,8 Millions d’euro le MW installé est donc beaucoup trop élevé par rapport à la production obtenue.

Ce projet n’est donc pas viable dans les conditions normales d’économie de marché. Il n’existe qu’en tant que démonstrateur, soutenu par un tarif de rachat garanti au niveau de 144 euro/MWh sur 17 ans, ce qui remonte le rendement à 10 %.

( le surcoût sera couvert par la taxe CSPE réglée par le consommateur ).

Pour obtenir « naturellement » le même rendement, le coût de construction ne devrait pas dépasser 1,65 Millions /MW installé.

Nous en sommes très loin.

Surtout lorsque l’on compare avec les tendances du marché, qui montrent une chute importante des coûts qui se situent dans une fourchette 2,1 à 2,9 Me / MW installé pour 2020, avec une projection vers 1,8 à 2,5 Me/ MW installé en 2025.

Source :

https://www.lemondedelenergie.com/guerre-prix-eolien-offshore/

 

Autre exemple, le consortium EDF EnR, Innogy SE, Enbridge et RTE a remporté en 2019 l’appel d’offres pour un projet offshore au large de Dunkerque portant sur 600 MW, avec un Capex de 1,4 Milliards et un prix de 50 euros / MWh .

L’investissement de départ affiché est donc de 2,33 Me / MW installé.

Le système de contrat de rachat à un tarif préférentiel a été supprimé et remplacé par un contrat de complément de rémunération ( approuvé par Bruxelles ) dont le montant est déterminé par une formule totalement opaque qui se veut plus respectueuse des deniers publics, mais manque de transparence.

Il est difficile de trouver une cohérence dans le maintien de deux projets aussi différents et contradictoires que Saint-Nazaire et Dunkerque dans leurs modes de financement, alors que les objectifs et les technologies sont les mêmes.

Il faudrait au moins s’interroger sur les raisons d’un tel écart…

On comprend certes que, pour le moment, le Gouvernement est plus préoccupé par la réorganisation du pôle de l’énergie électrique afin de tenter de garder la main sur ce secteur de plus en plus menacé par la concurrence imposée par Bruxelles. Le projet Hercule, le bien nommé, est censé mettre de l’ordre dans ce qui commence à ressembler au souk de Marrakech, mais quel charmeur de serpent saura faire rentrer l’animal dans son panier pour sauver le soldat EDF ?

Et jusqu’à quel point la production d’énergie électrique fait-elle partie des fonctions régaliennes ?

Entre un nucléaire qui bat de l’aile, un parc hydroélectrique menacé de passer à l’ennemi, un dispositif ARENH plus proche du pillage que de l’aide au développement, entre nationalisation et ouverture au marché, garantie de service public et rentabilité financière, entre la main invisible du marché et le paternalisme keynésien, on connaît certains gouvernements qui jetteraient l’éponge et laisseraient le fameux marché se débrouiller avec ce qu’il faut bien appeler un sac de nœuds.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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