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10 juin 2016 5 10 /06 /juin /2016 09:05

10 Juin 2016
Le réseau électrique Européen interconnecté synchrone fonctionne sur le principe de l’adaptation de la production à la demande.
(Il en est ainsi aujourd’hui, mais demain il sera probablement nécessaire d’introduire un certain niveau de contrôle de la demande).
La puissance fournie par le réseau à un moment donné doit donc être modulable pour s’adapter à la demande du moment.
En plus de cette capacité de modulation, il est impératif de disposer d’une réserve de puissance active permettant de faire face à la défaillance d’une ou plusieurs sources d’énergie.
Cette réserve permet de mettre en œuvre les mécanismes d’ajustement.
Le graphique suivant, publié par la CRE, montre le principe de ce mécanisme. Trois groupes de réserves de puissance active sont successivement mis en œuvre.

Les STEP : Que d’eau, que d’eau…

On demande à la réserve primaire d’intervenir très rapidement, en termes de secondes ou de minutes. Par contre son intervention sera de courte durée, le temps de passer le relais à la réserve secondaire dont le rôle est de rétablir la fréquence à sa valeur nominale.
La réserve tertiaire doit être en mesure d’intervenir sur la durée.
Tout cela est parfaitement règlementé:
Voici un extrait de la règlementation sur le dimensionnement des réserves:
(CRE)
« La réserve primaire.

La constitution de la réserve primaire est assurée par l’ensemble des producteurs européens interconnectés aux réseaux de transport de la plaque continentale européenne synchrone.
Pour dimensionner cette réserve, on considère qu’elle doit pouvoir répondre à la perte simultanée des deux plus gros groupes de production présents sur cette plaque, soit une puissance de 3000 MW.
(Le système français contribue à hauteur d’environ 600 MW : tous les nouveaux groupes de production de plus de 40 MW et tous les anciens groupes de production de plus de 120 MW connectés au réseau de transport français ont l’obligation de réserver une partie de leur puissance pour la réserve primaire).

La réserve secondaire

Tous les producteurs de la zone France possédant des groupes de production de plus de 120 MW ont l’obligation d’affecter une partie de leur puissance à la réserve secondaire. Cette dernière est comprise entre 500 MW et 1000 MW, selon la plage horaire et la période de l’année. De fait, elle peut ne pas être suffisante pour compenser toutes les perturbations, comme par exemple la perte du plus gros groupe couplé (1500 MW). Dans ce cas, la réserve primaire reste entamée - voire intégralement utilisée - et la réserve secondaire est épuisée : il faut donc mobiliser la réserve tertiaire.

La réserve tertiaire ou mécanisme d’ajustement.

Tous les producteurs et consommateurs français, ainsi que certains acteurs étrangers peuvent, à condition de disposer de 10 MW, participer au mécanisme d’ajustement. Les modalités de participation au mécanisme d’ajustement sont définies dans les règles relatives à la programmation, au mécanisme d’ajustement et au recouvrement des charges . »

Fin de citation.
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Panique à bord.
A force de planter des éoliennes partout on avait fini par oublier qu’avant de débloquer les ailes du moulin à vent, le meunier doit s’assurer que l’on a mis un sac sous la trémie pour stocker la farine.
Nous avons ainsi beaucoup d’éoliennes, qui fournissent parfois beaucoup de farine, en sorte que l’on commence à manquer de sacs.
Le problème avec l’électricité, c’est qu’il faut des grands sacs, de très grands sacs.
Or, si l’on trouve sans difficulté des fabricants d’éoliennes, de toutes sortes et de toutes puissances, terrestres ou marines, flottantes ou ancrées au fond, par contre les fabricants de grands sacs sont extrêmement rares, voire inexistants.
Certes on trouve des petits sacs, à base de batteries, d’air comprimé, de volants d’inertie, mais aucun fabricant de grands sacs.
Or il y a urgence.
Le réseau électrique Européen étant une mécanique parfaitement réglée et sous contrôle, il n’est pas question d’y connecter des installations dont la production serait aléatoire et sporadique, sans prendre quelques précautions pour éviter le syndrome de l’éléphant dans le magasin de porcelaines.
La première précaution est déjà d’équiper ces nouvelles installations d’un système absorbeur de fluctuations. En électrotechnique on parle d’un filtre, qui utilise des condensateurs et des bobines de très forte valeur.
Lorsque les fréquences à filtrer sont vraiment très basses, les composants habituels (Condensateurs et bobines) ne suffisent plus et il faut recourir à un autre système basé sur l’électromécanique.
On l’utilise pour pomper de l’eau que l’on stocke dans des réservoirs situés en altitude, car on sait stocker de l’eau, il suffit de faire un trou. C’est le « stockage gravitaire ».
Système jadis utilisé par les Shadocks avec plus ou moins de bonheur, et remis au goût du jour grâce à des pompes électriques .
Nous appelons çà le pompage-turbinage, qui se pratique dans des STEP (Station de Transfert d’Energie par Pompage).
Il n’y a de nouveau que ce qui est oublié…

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L’Europe va donc devoir se couvrir de STEP.
Mais, si les STEP sont une solution « élégante » pour stocker l’électricité, elles sont aussi très encombrantes.
Les lois de la Physique étant incontournables, l’énergie potentielle d’une chute d’eau est toujours égale au produit de la masse d’eau par la hauteur de chute.
1 m3 d’eau, avec une hauteur de chute de 1 m, possède une énergie potentielle de 2,7 Wh, ce qui est fort peu.
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Quelle STEP, et pour quel usage ?
Considérons un cas concret, celui des six parcs éoliens offshore de la côte Atlantique, dont la construction est lancée et qui doivent commencer à produire du courant en 2018.
Avec une puissance nominale cumulée de 3000 MW, et un facteur de charge de 35%, la puissance moyenne délivrée sera de 1050 MW et la production annuelle d’énergie sera de 9 TWh, ce qui représente 1,8 % de la production nationale actuelle de courant, l’équivalent de la production d’un seul réacteur de Cattenom.
Pour une puissance moyenne d’environ 1000 MW, la puissance instantanée, qui dépend de la vitesse du vent, pourra varier entre des limites technologiques fixées par les seuils minimal et maximal du vent supportable par les machines.
Entre ces deux seuils, et selon les caractéristiques météorologiques régionales, des relevés locaux de mesures sur de longues périodes permettent d’établir les courbes de probabilités d’écart de vitesse de vent par rapport à une vitesse moyenne.
Ces courbes permettent d’obtenir une prédiction de l’évolution de la production en fonction des prévisions météorologiques.
Les données de prévision sont affinées par le retour d’expérience.
(Cette science, qui nécessite une approche stochastique, doit beaucoup à la météorologie, laquelle ne doit pas être confondue avec les pratiques de Madame Irma, quoique…).
Compte tenu du caractère aléatoire des vents, il paraît raisonnable d’envisager de stocker de l’électricité pour suppléer aux faiblesses sporadiques des éoliennes.
Il est logique de disposer ces installations à proximité des lieux de production d’électricité.
(Ceci pour éviter de faire transiter inutilement sur le réseau de grande quantités d’énergie entre les lieux de production et les lieux de stockage).
Un stock représentant 24 h de production moyenne du parc devrait suffire dans un premier temps. Bien sûr on préfèrerait davantage, mais vous allez voir que l’affaire est assez énorme.
La puissance moyenne étant de 1000 MW, la réserve pour 24 h sera donc de 24 GWh.
C’est déjà une quantité respectable.
Les falaises de la côte Normande et/ou Bretonne se prêtent à la construction d’une ou plusieurs STEP marine(s), dont le réservoir inférieur sera l’Océan lui-même ( Quelle économie !).
Une hauteur de chute de 80 m est possible dans ces contrées.
Le volume d’eau nécessaire sera donc de 110 Millions de m3.
(Sachant que 1 m3 d’eau à 1 m de hauteur donne 2,7 Wh, etc…).
Si l’on adopte une profondeur « utile » de 10 m, la superficie du réservoir nécessaire sera de 11 km2, soit un rectangle de 4 km x 3 km environ.
(1100 hectares tout de même, bonjour l’emprise foncière !).
Avec une turbine de 1000 MW, il sera donc possible de « remplacer » le parc durant 24 h.
Dans la réalité on répartira le stock en plusieurs STEP de superficies plus réduites et avec des turbines moins puissantes.
Par exemple une dizaine de STEP de chacune 11 Millions de m3, que les Bretons et les Normands vont adorer…
(Les côtes charentaises ne se prêtent pas à ce genre de sport ).
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On trouvera une étude très détaillée d’un projet de STEP marine sur les falaises de la côte normande, sur le site suivant:
http://hmf.enseeiht.fr/travaux/bei/beiere/book/export/html/997
Un réservoir de 34 Millions de m3 permet de stocker 10 GWh. Il est présenté avec 4 turbines de 200 MW chacune.
Ya plus qu’à…attendre les sous et convaincre les habitants de l’intérêt d’un tel ouvrage.
(Lecture recommandé pour connaître tous les aspects du projet, techniques, règlementaire, environnementaux, écologiques, financiers, etc…).
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Pour le moment EDF procède à une remise à neuf de la STEP de Revin, qui est une STEP « pure » de 800 MW ( 4 turbines de 200 MW) située dans l’Est de la France (C’est la plus grosse du secteur).
Le réservoir supérieur contient un volume utile de 8,5 Millions de m3.
Avec une hauteur moyenne de chute de 232 m, il peut stocker 5,3 GWh.
Il pourra entrer en service dans un délai de deux minutes, et fonctionner environ 7 heures à pleine puissance, avant que le réservoir ne soit vide.
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Un bonne partie des investissements dans les renouvelables sera consacrée à la construction de tels ouvrages dont nous n’avons pas fini d’entendre parler dans les gazettes, à la rubrique défense de l’environnement, protection des sites touristiques et des espèces en voie de disparition.
Bien sûr ces dépenses impacteront le coût des énergies renouvelables…
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Les STEP : Que d’eau, que d’eau…
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