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9 juin 2016 4 09 /06 /juin /2016 14:37

9 Juin 2016

La décision (Ou l’obligation, diront certains) de principe d’abandon des énergies fossiles au profit des énergies renouvelables engage notre avenir énergétique et implique une véritable révolution, dont l’ampleur n’est pas toujours estimée à sa juste mesure.
C’est un effort considérable qui nous est demandé, sur la durée de ce siècle, y compris sur nos modes de pensée et sur nos modes de vie.
Aujourd’hui, après une ou deux décennies d’annonces tonitruantes et de réalisations diverses incontestables, la transition énergétique est censée avoir démarré et il est devenu nécessaire de dresser un tableau d’avancement des travaux.
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S’agissant d’électricité renouvelable, et surtout du futur des réseaux électriques, la notion de production nationale n’est pas suffisante pour décrire la situation.
Telle région est favorisée par un régime de vents réguliers, telle autre plutôt par l’ensoleillement, et telle autre possède une géographie favorable à l’Hydraulique. Le futur de l’énergie électrique sera fait d’échanges transfrontaliers et de mise en commun des ressources communes.
Aujourd’hui déjà les échanges transfrontaliers sont devenus un élément structurant du grand réseau Européen interconnecté synchrone.
Le futur réseau qui doit irriguer le territoire de l’Europe géographique se prépare au sein de l’ENTSO-E ( European Network of Transmission System Operators for Electricity).
https://www.entsoe.eu/about-entso-e/Pages/default.aspx
Là se retrouvent les représentants des 28 pays de la Communauté Européenne, des 6 pays candidats à l’Union, de la Norvège, avec la Turquie en observateur, pour harmoniser les procédures électriques et les réglementations, et établir les bases de la structure d’un réseau commun de distribution adapté aux changements induits par la transition énergétique.
Cet ensemble de Pays doit être considéré comme une sorte de communauté énergétique dont les intérêts sont liés, mais aussi les réseaux grâce aux connexions transfrontalières.
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En matière de production d’électricité, il y a un « avant » et il y aura un « après » la transition.
Non seulement les moyens de production seront différents, mais aussi la structure des réseaux et leur gestion.
Par exemple, jusqu’à présent les gestionnaires de réseaux se préoccupaient des conditions météo pour tenter de prévoir l’évolution de la demande d’énergie. Ils étaient par ailleurs maîtres de la production.
Dorénavant, cette préoccupation météo sera nécessaire non seulement pour prévoir la demande, mais aussi pour prévoir la production, et surtout tenter d’adapter l’une à l’autre.
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Une installation de production électrique ( Centrale, parc éolien, ferme solaire,…) est caractérisée par sa « Puissance installée », encore appelée « Puissance nominale ». C’est la puissance qu’elle peut fournir de manière continue pourvu qu’elle soit alimentée en combustible.

Aujourd’hui encore pour près de 70% de la production, l’électricité est fournie par des centrales thermiques à combustibles fossiles ou à Uranium.
Leur fonctionnement est continu, les seules interruptions systématiques du fonctionnement sont liées à l’entretien ou aux pannes éventuelles.
Plusieurs centrales constituent un « parc » dont le taux de disponibilité est en général supérieur à 85%.
La quantité d’énergie que ce parc peut fournir annuellement est égale au produit de la puissance installée par le nombre d’heures, corrigée du taux de disponibilité de 85 % environ.
Pour faire face à une défaillance inopinée d’une ou plusieurs installations, il est prévu une « Réserve de puissance active » qui permet de préserver l’intégrité du service.
C’est ce principe général qui constituait la base de la conception des réseaux de distribution jusqu’à l’arrivée des renouvelables.
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Les sources d’énergie éolienne et solaire sont également caractérisées par leur puissance installée. Par exemple un parc de 600 éoliennes de 5 MW aura une puissance installée de 3000 MW.
Comme pour une centrale thermique, c’est la puissance que peuvent délivrer les 600 éoliennes, pourvu que l’alimentation en combustible soit assurée.
Mais dans ce cas le combustible est le vent ou le Soleil, et ils n’ont que rarement leur valeur optimale.
La puissance réelle délivrée à un moment donné par ces installations dépend donc directement de la force du vent (ou de l’ensoleillement pour du solaire).
Les prévisions de production ont donc la précision des conditions météo.
Pour un parc éolien par exemple, la puissance peut évoluer entre zéro en l’absence de vent (ou en présence de vent trop fort) et la puissance installée lorsque le vent est optimum.
Pour des éoliennes offshore la puissance moyenne est d’environ 35% de la puissance installée, dans les meilleures conditions.

Pour une puissance installée donnée, par exemple 1000 MW, une centrale thermique fournira annuellement 7 TWh, avec une puissance constante, alors qu’un parc éolien ne fournira que 3 TWh, avec une puissance fluctuante selon les conditions météo.
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Cette différence entraîne des conséquences sur la conception et l’exploitation du système électrique:
D’une part, pour un même besoin énergétique, il faudra une puissance installée 2,5 fois plus élevée.
D’autre part, les fluctuations « météo » de la puissance disponible compliquent considérablement la gestion du réseau, et rendent indispensables des installations de stockage de masse de l’électricité afin de compenser les variations intempestives.
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Le diagramme suivant présente une vue d’ensemble de la production du parc électrique relatif au pays membres de l’ENTSO-E.
Y figurent la puissance installée, et la production.

Eolien et Solaire, où en est l’Europe ?

Ce tableau appelle plusieurs remarques:
- En 2014, la part des sources fossiles est encore supérieure à 40 % dans la production d’électricité.
Ceci prouve simplement que l’enthousiasme ne suffit pas à déplacer des montagnes. Le Charbon, le Pétrole, le Gaz naturel, continuent d’être exploités, de nouvelles sources sont même mises en service, et les produits sont toujours sur le marché à des prix très attractifs, en tous cas non dissuasifs.
Rien ne permet d’espérer un changement drastique de cette situation, face à laquelle les énergies nouvelles peinent à trouver un modèle économique viable. Dans ce contexte, la transition ne peut être que très lente.

- Le nucléaire, que d’aucuns déclaraient moribond, se porte bien puisqu’il est encore la deuxième source d’électricité.
Malgré une vigoureuse campagne contre son maintien, et malgré Fukushima, la production électronucléaire des pays de l’ENTSO demeure élevée.
Peut-être a-t-il manqué d’un équivalent du GIEC, qui aurait pu fédérer une campagne de refus au niveau des Etats…

- Le Nucléaire de les fossiles, avec une part de 67 % , demeurent en 2014 la base de la production électrique.
Cela tient en grande partie à leur capacité de puissance disponible pour faire face aux pics de la demande. Ils sont en effet capables de délivrer 500 GW de manière continue, grâce à un facteur de disponibilité de 85% , et sans crainte d’interruption intempestive par manque de Soleil ou de vent.
Le pic de la demande a atteint 522 GW en 2014; il a pu être géré essentiellement grâce aux 500 GW des fossiles et du nucléaire. L’hydraulique et les renouvelables n’ont été qu’un complément.
Donc, à la fois pour la puissance disponible, et pour la production de base, Nucléaire et fossiles restent indispensables.
Du moins tant que les renouvelables n’auront pas atteint leur majorité.
« majorité » signifiant capacité à délivrer à la fois de la puissance et de l’énergie de manière continue, ce qui est très loin d’être le cas aujourd’hui.

- La part des énergies nouvelles, essentiellement éolienne et solaire, s’est élevée à 14,4 %.
C’est à la fois peu et beaucoup.
C’est peu en regard du battage médiatique extraordinaire fait autour de ces nouvelles sources d’électricité. On relève à leur sujet dans les gazettes des annonces de performances largement supérieures, qui peuvent laisser penser que les objectifs de 2030 sont déjà pratiquement réalisés !
Si l’on considère d’une part que l’objectif est de réduire la part des fossiles, voire même de les faire disparaître, et d’autre part que la consommation d’électricité doit augmenter selon les prévisions, la tâche de l’éolien et du solaire apparaît colossale à l’horizon 2030 et au-delà.
D’autre part, 14 % C’est beaucoup compte tenu des obstacles et des embûches qui parsèment la route des énergies renouvelables:
Des fossiles qui font plus que de la résistance, un nucléaire qui refuse se laisser mourir, des problèmes d’intermittence difficiles à surmonter, et des réglementations pas toujours en leur faveur.
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Le problème de l’intermittence constitue un obstacle longtemps sous-estimé, mais dont l’importance se révèle à mesure que la part de ces énergies augmente.
Une part de 14 % est gérable avec les moyens existants, mais révèle déjà les limites du système.
La croissance de la part des renouvelables intermittentes est clairement conditionnée par la résolution des problèmes posés par cette intermittence.
La solution passe en partie par le stockage de masse de l’électricité, qui elle-même doit faire appel à l’Hydraulique.

- L’Hydraulique est appelée à voir son rôle considérablement augmenté car elle semble indispensable pour compenser en partie l’intermittence des renouvelables.
Elle est en soi une source de production grâce aux retenues qui reçoivent un apport d’eau saisonnier, aux centrales au fil de l’eau , et aux centrales marémotrices.
Ces installations peuvent également être utilisées pour le stockage de l’électricité. Elles peuvent aussi être équipées partiellement pour du pompage-turbinage.
Des installations dédiées au stockage ( Pompage-turbinage) devront être multipliées, particulièrement sur les façades maritimes.
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Avec une production de 468 TWh, les renouvelables intermittentes participent pour une puissance moyenne de 53 GW, avec des fluctuations horaires, journalières, et saisonnières. Ces fluctuations, qui peuvent atteindre +/- 30% voire beaucoup plus à l’échelon local, sont en partie compensées par l’effet du foisonnement, mais cette compensation a des limites, qui sont imposées par les difficultés à faire faire le va-et-vient à de grosses quantités d’énergie sur un réseau pas prévu pour cela.
Le parc Européen actuel de stations de pompage-turbinage s’élève à 50 GW environ.
C’est une puissance importante, à mettre en regard de la puissance moyenne du parc des renouvelable, 53 GW, correspondant à une part de 14,4%.
Cette puissance moyenne atteindra 100 à 150 GW lorsque l’objectif de la transition sera réalisé.

Mais il ne faut pas confondre puissance et énergie.
Les STEP actuelles ne sont pas conçues pour du stockage de longue durée; leur rôle est d’intervenir très rapidement dans le cadre du service système, en tant que réserve primaire, en attendant qu’une installation de réserve secondaire ou tertiaire se mette en route.
La puissance électrique qu’elles peuvent fournir est limitée dans le temps, en général quelques heures, le temps de vider le réservoir supérieur.
Avec l’arrivée des renouvelables elles devront non seulement continuer à jouer leur rôle actuel, mais aussi servir de stock tampon pour compenser l’intermittence. Il ne s’agira plus alors de fonctionner quelques heures, mais bien quelques jours, voire quelques semaines.
Il faudra donc accroître considérablement leur capacité énergétique, donc augmenter le volume des réservoirs.
On constate aujourd’hui une activité intense dans le développement des stations de pompage-turbinage.
Ces équipements sont devenus indispensables dans les pays où les énergies intermittentes ont un taux de pénétration important, et dans les pays où le relief est favorable à l’hydraulique.
Le pompage-turbinage, l’affaire du siècle ?

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