Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
26 septembre 2013 4 26 /09 /septembre /2013 13:35

26 Septembre 2013

Nous avons vécu pendant près de deux siècles dans l’insouciance énergétique.

Pour se chauffer, s’éclairer, se déplacer, obtenir du travail mécanique, l’énergie était disponible à profusion et pour un coût modique.

La fin de la récréation a sonné lorsqu’il a fallu prendre en compte les menaces de calamités générées par nos abus. L’énergie est alors devenue l’objet de toutes les attentions.

L’inéluctable épuisement des réserves fossiles, le réchauffement de l’atmosphère attribué au CO2 anthropique, les dangers avérés du nucléaire, sont autant de raisons de changer nos comportements.

Désormais il est impératif de rechercher l’efficacité énergétique dans tout les domaines.

La première démarche qui vient à l’esprit est évidemment de prendre toutes dispositions afin de réduire la demande d’énergie.

C’est la première mesure mise en œuvre, initiée par une règlementation toujours plus rigoureuse et des mesures fiscales incitatives.

Reste le second problème qui est de déterminer la meilleure façon de satisfaire la demande restante: quel type d’énergie est la meilleure et comment l’utiliser au mieux dans tel type de besoin et pour quel résultat escompté ?

C’est la recherche de l’efficacité énergétique.

Mais le concept d’efficacité varie selon le point de vue considéré:

Du point de vue de l’économie nationale et du budget, l’efficacité consiste à réduire le déficit du commerce extérieur en réduisant les importations d’énergie. C’est la recherche de l’indépendance énergétique qui, pour la France, débouche sur l’énergie nucléaire, le gaz de schiste, mais aussi sur les énergies renouvelables.

Du point de vue de l’utilisateur final, l’efficacité c’est la recherche du coût le plus faible pour satisfaire son besoin, les autres critères passant au second plan, sauf règlementations contraignantes.

Du point de vue du ministre de l’environnement, l’efficacité est la recherche du plus faible taux d’émission de CO2 et du plus faible impact écologique.

Du point de vue de l’ingénieur, l’efficacité est la recherche du procédé qui

Permettra de tirer le meilleur parti de l’énergie primaire disponible en réduisant les pertes.

Chacun de ces points de vue est respectable, mais ils sont souvent contradictoires et donc difficiles à concilier.

Un exemple de ces contradictions est donné par l’utilisation des pompes à chaleur pour le chauffage des bâtiments.

Une pompe à chaleur ( PAC) est une machine magique qui fabrique de l’énergie à partir de rien, du moins en apparence. Le rien en question étant au choix l’atmosphère, le sous-sol, l’eau d’un puits ou d’un cours d’eau, voire d’une nappe phréatique, qui tous contiennent de la chaleur en quantité importante, mais à une température trop basse pour être exploitée directement .

La PAC permet de récupérer cette chaleur et de la porter (de la pomper) à un niveau « utile » exploitable pour par exemple chauffer un bâtiment ou fournir de l’eau chaude sanitaire.

Pour effectuer cette opération la PAC a besoin d’un peu d’énergie qui est fournie par l’électricité du réseau ( Il faut actionner un compresseur et différentes petites choses).

Le résultat, mis en formule par Monsieur Carnot et autres thermodynamiciens, est que sauf maladresse l’énergie calorifique récupérée est supérieure à l’énergie électrique fournie. Le rapport des deux s’appelle le COP (Coefficient de Performance).

Comme toute machine thermique, la PAC fonctionne entre deux sources à températures différentes:

Une source Tf dite « froide », qui sera l’atmosphère ou l’eau d’un puits ou d’un cours d’eau; une source Tc dite « chaude » qui sera soit l’air chaud fourni par l’appareil, soit l’eau chaude s’il alimente des radiateurs classiques ou un chauffe-eau.

Le COP maximum théorique est égal à Tc / (Tc - Tf)

( La température est en Kelvin)

Par exemple pour Tf = 273 K ( soit 0°C), et Tc = 333 K ( soit 60 °C), le COP théorique max est égal à 5,55.

Remarque importante: Le COP dépend fortement de la différence de température entre les deux sources. Ceci aura un impact considérable sur les performances pratiques de la PAC.

Le COP théorique, comme son nom l’indique, ne correspond pas à la pratique.

Dans le métier on définit plusieurs COP:

Le COP « Machine ».

C’est celui qui est mesuré en Laboratoire, dans les conditions les plus favorables pour l’appareil à tester.

Le COP « Système ».

C’est celui mesuré sur l’installation dans les conditions définies par la norme. On tient compte de la machine et des accessoires comme une pompe à eau, un ventilateur, un circuit de dégivrage, voire même une résistance d’appoint, toutes choses qui consomment de l’énergie et réduisent donc le COP d’autant.

Enfin, Le COP « Annuel ».

C’est celui qui est mesuré in situ ( chez le client final) sur une saison de chauffe complète et en prenant la valeur moyenne. C’est bien entendu cette valeur qui intéresse le client, et qui dépend énormément des conditions locales de température, de climat, et de l’installation, notamment la source froide et la source chaude et le mode de fonctionnement choisi ( Eau-eau, eau-air, air-air).

Le COP annuel n’est évidemment pas donné au catalogue du constructeur puisqu’il est spécifique d’une installation donnée.

La norme, car il y a une norme, définit par exemple les conditions de mesures du COP Système pour une PAC air-eau:

Tf = + 7 °C

Tc = + 30 °C en entrée d’eau dans les radiateurs,

Et + 35 °C en sortie.

( Une telle PAC n’est efficace qu’avec un chauffage par le sol, à basse température. Des radiateurs classiques pénaliseraient exagérément le système).

Quand ont sait comment le COP baisse avec la température de la source froide, on comprend qu’une valeur mesurée à + 7 °C n’a de sens que pour une PAC dont la source froide est de l’eau. Pour une PAC air-air la température de source froide peut descendre notablement en dessous de zéro, et le COP devient ridicule.

Des relevés effectués par l’ADEME sur un nombre significatif de PAC de technologies différentes et in situ ont donné une valeur moyenne du COP annuel d’environ 2,5 .

Cette valeur va nous servir à comparer les performances énergétiques d’une PAC avec celles d’une chaudière à condensation dans l’application chauffage.

Nous partirons d’une quantité d’énergie primaire de 100 kWh ( PCI).

De cette énergie, sous forme de gaz naturel ou de fuel, une chaudière à condensation peut extraire une énergie calorifique de 90 kWh.

( La chaudière à condensation exploite le PCS, supérieur au PCI, ce qui autorise des rendements très élevés).

Si, avec la même source de 100 kWh on produit de l’électricité dans une centrale thermique (ou nucléaire) on obtient 33 kWh d’électricité.

Ces 33 kWh deviennent 30 kWh chez le client à cause des pertes en ligne.

Utilisés pour actionner une PAC, ces 30 kWh permettent de récupérer 75 kWh d’énergie calorifique, en considérant un COP effectif de 2,5 .

Si l’on compare ces 75 kWh aux 90 kWh de la chaudière à condensation, on constate un déficit de 15 kWh à mettre au passif de la PAC.

Le résultat est encore plus décevant sur une PAC air-air à cause de la chute brutale du COP à très basses températures extérieures, chute qui exige de recourir à un chauffage d’appoint ( On parle alors pudiquement de pompe à chaleur en relève de chaudière).

Pour retrouver la même énergie calorifique avec une PAC il faut donc consommer davantage d’énergie primaire ( environ 110 kWh dans notre exemple).

Du point de vue de l’efficacité « nationale » et de la pollution, c’est mauvais puisqu’il faut davantage d’énergie primaire pour obtenir le même résultat qu’avec une chaudière; mais du point de vue du consommateur final c’est tout bon puisqu’il consomme seulement 36 kWh d’électricité là où la chaudière à condensation réclame 100 kWh de combustible.

(Encore faut-il préciser que cet « avantage » ne tient en France que grâce à un tarif public de l’électricité maintenu artificiellement bas par le Gouvernement).

C’est pourquoi les pouvoirs publics, tout en recommandant l’usage des PAC, exigent un COP d’au moins 3,4 pour accorder le bénéfice de l’avantage fiscal.

Malheureusement la valeur de COP retenue est le COP système, mesuré à une température extérieure de + 7 °C pour les PAC air-air, ce qui est bien loin des conditions hivernales de températures négatives.

Le consommateur final est content puisqu’il divise sa facture électrique par 2,5, mais la France doit importer davantage d’énergie primaire.

Sauf si…

Sauf si l’électricité est produite par une centrale nucléaire.

La production d’électricité nucléaire exige certes également l’importation d’un produit de base issu d’une source fossile qui est le minerai d’Uranium.

La prospection, les redevances, l’extraction du minerai, son achat, le transport, le traitement, le raffinage du produit, la préparation des crayons de combustible, leur transport, leur manipulation, leur stockage, le retraitement en tant que déchet, le stockage des déchets, ont un coût très élevé, mais qui n’est pas rendu public. Il n’est donc pas possible de connaître l’équivalent du coût externe de l’énergie primaire*, s’agissant des crayons de combustible, comme on connaît celui du pétrole ou du gaz.

*Coût qui impacte les importations. En fait AREVA le connaît, du moins on l’espère.

D’autant plus que le retraitement du combustible après usage lui redonne une seconde vie, voire même davantage dans un surgénérateur.

Pour contourner cette difficulté il a été décidé que, par convention, l’énergie primaire « comptable » associée à l’électricité nucléaire serait l’énergie calorifique dégagée par la réaction dans la cuve avec un rendement de Carnot de 40%, ce qui conduit à un coefficient multiplicateur de 2,5 appliqué à l’énergie électrique fournie par les alternateurs.

Mais cette énergie primaire « fictive » ne correspond pas à une dépense d’importation.

Le vrai coût des importations françaises de Yellow cake reste confidentiel et ne peut donc être comparé à celui du pétrole ou du gaz. Il n’est donc pas possible de connaître son impact sur le tarif public de l’électricité.

On parle cependant de 20% du coût de production contre 70 à 80% pour les combustibles classiques.

Par ailleurs le vrai coût du démantèlement reste une inconnue, de même donc que son impact éventuel sur le tarif public.

Cette opacité permet de maintenir en France un tarif public de l’électricité artificiellement bas.

Or l’efficacité économique de la pompe à chaleur dépend étroitement de ce tarif, qui ne pourra pas être conservé avec la production par les énergies nouvelles, surtout si dans le même temps on réduit le nucléaire..

Par contre, si l’on se projette dans l’avenir ( Après 2050, ou prochain siècle ?), on peut penser que les énergies nouvelles seront devenues prépondérantes, le nucléaire aura disparu, le gaz et le fuel seront devenus des produits de luxe.

Dans ce contexte la pompe à chaleur deviendra incontournable, ce que l’on observe déjà dans certains pays scandinaves.

Cet exemple simple montre que la notion d’efficacité énergétique est toute relative et doit être manipulée avec précautions, en tenant compte des impératifs du moment.

Telle solution, jugée efficace en 2013, ne sera peut-être plus tolérable ou possible en 2050.

C’est aussi cela la transition énergétique.

Partager cet article
Repost0

commentaires