24 Février 2013
Voici donc revenu le temps des restrictions.
Après avoir développé une civilisation technologique fondée sur l’utilisation d’une énergie abondante et illimitée, force est de constater que ses fondements sont fissurés et que l’écroulement est proche et à première vue inéluctable.
Durant le présent siècle, nos efforts devront donc être consacrés essentiellement à définir d’autres fondations capables de supporter une nouvelle société privée des vieilles béquilles énergétiques dont il va falloir se débarrasser.
Parmi les diverses sources d’énergie disponibles pour remplacer les sources fossiles et nucléaire, une seule est non intermittente, c’est le bois de nos forêts.
Qu’est-ce que la forêt, sinon, entre autres, un formidable système de stockage de l’énergie solaire ?
La forêt française couvre 30% du territoire, ce qui laisse espérer une abondance de la ressource renouvelable.
Cette ressource est déjà exploitée depuis la nuit des temps et répartie entre diverses utilisations:
- Des utilisations « nobles » , construction, charpentes, planchers, ameublement.
- Des utilisations industrielles, planches, palettes, caisses, bois aggloméré,
- Et enfin le bois énergie, sous forme de bûches, de copeaux, de granulés.
La répartition entre ces différents marchés se fait en fonction de la ressource disponible, et réciproquement. Les exploitants forestiers favorisent tel ou tel type de gestion et d’essences, selon la demande des marché et les bénéfices escomptés.
On distingue trois types de forêts:
Les forêts de futaies, gérées pour conduire les sujets à leur maturité d’exploitation, qui survient au bout de 100 à 200 ans selon les espèces de feuillus; des coupes d’éclaircissement sont pratiquées tous les dix ou quinze ans. La futaie produit des grumes pour les bois d’œuvre et d’industrie, les houppiers donnent du bois de chauffe. Le temps de cycle est de l’ordre du siècle, moins pour les résineux.
Les forêts de taillis, appartenant souvent à des particuliers, qui pratiquent les coupes tous les huit à dix ans et récoltent du bois de chauffe en général. Le taillis ne produit pas de grumes pour le bois d’œuvre, il produit surtout du bois de chauffe et de trituration. Le temps de cycle est court, la dizaine d’années.
Les forêts mixtes futaies et taillis, qui mélangent des deux types de gestion.
La forêt française est généralement considérée comme sous-exploitée.
Sur les 16 Mha de couverture forestière, 12 Mha appartiennent à des propriétaires privés peu soucieux d’industrialiser leurs méthodes de gestion.
L’ONF exploite environ 4 Mha, surtout en futaies.
Selon l’ADEME 5,75 Millions de logements utilisaient du bois en 2006 comme chauffage unique ou d’appoint, pour un total de 7 400 ktep.
L’objectif pour 2012 était de 7,3 M de logement, et de 9 M en 2020 pour une quantité d’énergie constante à 7 400 ktep.
(La stabilité de la consommation est due à l’amélioration des rendements des appareils de chauffe, et de l’isolation thermique des bâtiments).
Cette consommation représente 86 TWh, soit près de 25% de la consommation totale d’énergie pour le chauffage, ou encore l’équivalent de 14 réacteurs nucléaires de 900 MW.
Chacun des 7,3 M logements de 2012 chauffés au bois utilisent 11,8 MWh par an en moyenne, pour une grande part en chauffage d’appoint.
Le chauffage au bois est donc une réalité et son développement fait partie de la stratégie énergétique de la France.
L’installation d’un appareil de chauffage au bois bénéficie d’un crédit d’impôt et de la TVA à taux réduit, a condition que le matériel respecte les normes du label «Flamme verte » .
Le calcul du coût prévisionnel du chauffage au bois est un véritable casse-tête.
D’abord, le bois ne se vend pas au kg, mais au stère.
Qu’est-ce qu’un stère ?
C’est la quantité de bois contenue dans un cube de 1 m3, le bois étant constitué de rondins identiques de 1m de longueur.
C’est une unité archaïque dont la définition est relative ( dans le sens de non absolue) et inadaptée à la mesure du bois-énergie.
Bien qu’en principe interdite dans les transactions commerciales:
Décret N° 75-1200 du 4 Décembre 1975:
« l’emploi du Stère devra cesser avant le 31 Décembre 1977 »
Elle reste largement utilisée et tolérée pour le bois de chauffage.
(En pratique l’unité doit être le mètre cube ou la tonne selon l’usage).
Dans un stère de bois constitué de rondins identiques de 1 mètre, il y a 0,785 m3 de matière, pour un poids d’environ 500 kg de bois.
Ensuite intervient le poids spécifique du bois sec, qui varie de 0,7 à 0,8 pour les bois « durs » ( Chêne, Hêtre, Charme, Châtaignier,..).
Déjà à ce stade on constate donc que dans un stère de bois sec on peut avoir entre 500 et 650 kg de bois.
Mais qu’est-ce qu’un bois sec ?
Il n’existe pas de bois totalement sec dans la nature.
Un bois « vert » peut contenir plus de 50% de son poids en eau ( H=50%). Un bois raisonnablement sec ( 2 à 3 ans de séchage dans des conditions correctes) possède un taux d’humidité inférieur à 20% ( 20% de son poids en eau).
Donc un certain volume V de bois contiendra une quantité de matière combustible égale à V ( 1 - H ).
Le pouvoir calorifique ( PCI ) de ce bois sera donc diminué en proportion de la quantité d’eau contenue puisque l’eau n’est pas un combustible.
De plus une partie de l’énergie de la combustion sera perdue en chaleur latente de vaporisation de l’eau.
Le pouvoir calorifique dépend donc fortement du taux d’humidité:
Pour un bois très sec ( H = 10%) le pourvoir calorifique est de 4,5 kWh/kg quel que soit le type de bois ( PCI).
Il peut descendre à 2,5 ou moins lorsque le taux d’humidité augmente.
Le bois vendu est labellisé et son taux d’humidité est indiqué, généralement < 20%, pour un PCI de 4 kWh/kg.
Pour les puristes voici la formule permettant de calcul du PCI en fonction du taux d’humidité:
Q = Qo [ ( 100 - H )/ 100 - 0,02443 H ]
( Source ADEME )
Le second terme correspond à la chaleur de vaporisation de l’eau contenue dans le bois.
Voici quelques valeurs courantes:
H = 0 PCI = 5 kWh/kg
H = 10% PCI = 4,5 kWh/kg
H = 20% PCI = 3,9 kWh/kg
H = 30% PCI = 3,3 kWh/kg
H = 40% PCI = 2,8 kWh/kg
Ce tableau met en évidence l’importance primordiale du taux d’humidité sur la valeur énergétique du bois.
Enfin il faut faire intervenir le rendement de l’installation ( poêle ou insert, voire chaudière).
Dans les catalogues d’appareils le rendement indiqué correspond aux conditions d’utilisation nominales, en général voisines de la puissance max.
En pratique l’appareil est rarement utilisé à puissance nominale, mais plutôt à mi-régime, et parfois moins surtout la nuit pour conserver du feu jusqu’au matin.
Le rendement est alors très inférieur à la valeur catalogue.
Les appareils labellisés « Flamme verte » ont un rendement nominal supérieur à 70%. Ce rendement peut tomber à 40% voire moins lorsque l’appareil est au ralenti.
Pour l’usager qui achète un stère de bois, il est donc pratiquement impossible de connaître précisément la valeur énergétique (PCI) de son produit et l’énergie qu’il pourra en retirer pratiquement.
L’usage du Stère introduit une ambigüité car il est défini pour des rondins de 1 mètre, alors que la livraison porte sur des bûches fendues de 50 cm ou 33 cm, donc aucune comparaison n’est possible.
Le rapport entre le nombre de Stères livrés et le poids du bois reçu demeure toujours assez mystérieux.
Selon le CTBA ( Centre Technique du Bois et de l’Ameublement) on constate que un stère de bois @ H = 20% correspond environ à 500 kg de bois.
Mais cela dépend beaucoup des essences, du taux d’humidité, de la longueur des bûches ( 100, 50, ou 33 cm), et bien sûr du marchand de bois!
Ensuite le taux d’humidité est certes en principe indiqué sur la facture, quand il y a une facture ! Mais qui mesure ce taux à la livraison ?
Enfin le rendement de l’appareil de chauffage est impossible à connaître pour les conditions de fonctionnement intermédiaires.
On considère en général, par expérience, que la chaleur récupérée à partir de 1 kg de bois @ 20% d’humidité est d’environ 1,5 kWh, ce qui correspond à un rendement global de 40% .
Le rendement sera meilleur si l’on utilise l’appareil au voisinage de sa puissance nominale.
Bien sûr ces considérations valent pour le bois en bûches. Pour les plaquettes forestières ou les granulés, les données sont différentes et les rendements plus élevés.
Nous parlons ici essentiellement de l’utilisation du bois rond en poêle ou en insert.
Si, malgré toutes ces incertitudes et ce flou, l’usager désire quand même faire un calcul prévisionnel du coût, il reste à préciser une donnée très fluctuante qui est le prix d’achat du bois.
Et là on trouve d’énormes disparités selon les quantités commandées, la taille des bûches, le séchage, le coût de la livraison, le lieu géographique, l’essence du bois, la saison, le circuit d’approvisionnement, et bien sûr le marchand de bois !
( Un particulier peut exploiter lui-même son bois s’il possède un ou deux hectares de taillis, il peut également acquérir une concession ou procéder à des achats groupés).
Le prix du Stère peut ainsi varier entre 0 et 80 euros voire plus.
Sur une base de 30 euros le Stère et d’une énergie finale de 2 kWh/kg, soit 1 MWh par Stère de 500 kg, cela nous fait le kWh à 3 centimes, c’est-à-dire deux fois moins cher que le tarif public du Gaz.
Mais pour un Stère à 80 euros, et/ou un appareil peu performant ou mal utilisé, le coût du kWh peut grimper à 12 ou 13 centimes, soit plus cher que l’électricité !!
C’est donc l’usager lui-même qui détient les clés d’un bon usage du chauffage au bois, à condition de bien soigner deux démarches essentielles:
- Bien choisir l’appareil de chauffage.
- Bien acheter son bois.
Moyennant ces deux précautions, le bois est une énergie d’avenir qui possède des avantages indéniables:
- Il est la seule énergie réellement libre d’accès dont le consommateur peut négocier le prix sur un marché concurrentiel , voire le produire lui-même.
- Il peut être utilisé directement après coupe et donc échapper aux étapes de transformation génératrices de surcoûts ( Briquettes, granulés).
- Il bénéficie encore de la TVA à taux réduit de 7% ( peut-être porté à 10% en 2014 ).
- Il échappe ( pour le moment ) aux taxes complémentaires sur les produits énergétiques et notamment la CSPE.
- Il échappe à l’indexation sur le pétrole.
- Il ne nécessite aucun abonnement.
- Il échappe au contraintes de la tarification progressive de l’énergie.
- En tant qu’énergie renouvelable à carbone recyclable il doit logiquement conserver ces avantages.
Pour l’avenir, il est même possible d’atteindre l’autonomie complète en fabricant son électricité à l’aide d’une mini turbine à vapeur et chaudière bois. De telles installations sont déjà disponibles pour des puissances électriques jusqu’à 50 KW avec des rendements très supérieurs à ceux des panneaux photovoltaïques. De plus ces installations ne souffrent pas de l’intermittence du solaire ou de l’éolien.
Le bois est décidément un atout majeur pour la transition énergétique…