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14 juin 2012 4 14 /06 /juin /2012 16:49

 

14 Juin 2012

La polémique autour du Nucléaire a eu le mérite de faire remonter à la surface un risque essentiel non maîtrisé, celui de l’interruption accidentelle du refroidissement d’un réacteur.

Le rôle du fluide de refroidissement est d’évacuer la totalité de la puissance thermique développée par le réacteur. Une partie de cette puissance est utilisée pour faire fonctionner une turbine qui entraîne un alternateur, le reste est dissipé dans une tour de réfrigération ou dans la mer .

Les volumes de fluide de refroidissement nécessaires sont colossaux, pour un seul réacteur le débit est comparable à celui d’un fleuve de moyenne importance !

les pompes utilisées sont énormes.

L’interruption du refroidissement entraîne une catastrophe nucléaire majeure, à l’image de Fukushima.

Heureusement des dispositifs de sécurité permettent l’arrêt d’urgence contrôlé du réacteur. Des circuits de secours existent pour pallier les défaillances du circuit principal, des pompes, de l’alimentation électrique, ou de tout autre dispositif de régulation interne.

Mais certains évènements catastrophiques peuvent compromettre le bon fonctionnement de la chaîne de sécurité.

Il peut s’agir d’un évènement naturel dépassant les prévisions les plus pessimistes: Séisme, inondation, glissement de terrain.

Ou d’un évènement provoqué par la chute d’un avion, d’une météorite, voire même d’un attentat.

Si l’évènement neutralise la chaîne de sécurité, le réacteur peut s’emballer et atteindre des températures auxquelles tout ce qu’il y a dans la cuve fond et s’agglomère en un magma de combustible, d’acier, de Zirconium, le tout plus ou moins pâteux et à une température de 2500 à 3000 °C.

( Cette température correspond à un équilibre de la réaction de fission à la limite de criticité. Aucune explosion nucléaire n’est à craindre).

Ce magma est appelé CORIUM.

Sa température est telle que rien ne lui résiste, ni l’acier, ni le béton. Sa densité très élevée l’entraine vers le bas. En peu de temps la cuve d’acier est percée, et le produit se déverse sur le radier en béton, dans lequel il s’enfonce comme ferait un chalumeau dans de la cire.

Plusieurs mètres de béton peuvent être traversés en quelques jours.

On comprend que, lorsque le Corium a traversé le radier, il va contaminer gravement l’environnement et surtout les nappes phréatiques de proximité.

La situation se complique si le Corium entre en contact avec de l’eau. Le craquage de l’eau se produit à 850 °C environ, produisant entre autre de l’Hydrogène dont l’accumulation est cause d’explosions dévastatrices.

Le contrôle de ce Corium est l’un des problèmes majeurs des concepteurs de réacteurs, problème non encore résolu à ce jour de manière satisfaisante.

Pour tenter d’éviter le pire, il est important de prévoir un processus pour arrêter et refroidir ce Corium afin de lui ôter son pouvoir de nuisance.

Un tel dispositif n’existe pas sur les vieilles centrales, qui sont donc vulnérables à ce type d’accident.

Sur les EPR il est prévu tout un système pour canaliser le Corium vers une chambre d’étalement, laquelle chambre est munie de parois réfractaires et d’un réseau de refroidissement. Encore faut-il que ce réseau de refroidissement ne soit pas affecté par l’accident.

On trouvera ci-après un document de l’IRSN relatif à ce problème.

IRSN

AKTIS/ Actualité de la recherche à l’IRSN

N° 5-2, Numéro spécial. Septembre 2011

« Accidents de fusion du cœur - Réacteurs à eau sous pression

La cinétique d'ablation du béton par un corium

De récentes recherches permettent d'améliorer la prédiction de la cinétique d'ablation du béton du radier du réacteur par le corium, magma métallique résultant de la fusion du cœur. La percée du radier peut conduire au relâchement de produits de fission radiotoxiques.

L'interaction du corium avec le béton (ou ICB) peut percer le fond du radier et donc induire un relâchement de radioéléments dans l'environnement par perte du confinement. Pour évaluer le temps nécessaire pour percer le radier, l'IRSN développe un outil de simulation numérique intégré dans le logiciel de simulation des accidents graves . Il modélise les phénomènes mis en jeu dans l'ICB, notamment ceux traduisant l'influence de la composition du béton sur l'orientation privilégiée de son ablation par le corium .

Ces phénomènes, mis en évidence à l'aide d'expériences à échelle réduite et de simulations numériques , ont été modélisés et les modèles intégrés dans le logiciel Astec, ce qui permet d'extrapoler ces observations à l'échelle du réacteur. Les simulations de scénarios accidentels avec Astec tenant compte de l'influence du type de béton ont ainsi permis de réévaluer les délais de percement du radier en l'absence de refroidissement du corium : de l'ordre de quelques jours pour une épaisseur de radier entre 3 et 4 mètres ».

Fin de citation.

Cas particulier de la centrale de Fessenheim:

- Cette centrale ne comporte aucun dispositif de contrôle de Corium.

- L’épaisseur du radier n’est de 1,5 mètres, il serait donc transpercé en moins d’un jour.

- La centrale est construite sur la nappe phréatique Rhénane, dont le niveau est à - 8m à cet endroit, donc très vulnérable à une pollution par le Corium. Cette nappe est la plus importante d’Europe.

La pénétration du Corium et sa rencontre avec l’eau génèrerait un dégagement gazeux considérable qui créerait une surpression favorisant la dissémination des polluants radioactifs dans la nappe.

Un fois refroidi ( un mois, un an, dix ans? ) un Corium demeure très fortement radioactif et constitue une source de pollution de longue durée. De plus, son destin lorsqu’il a atteint le sous-sol, est inconnu.

Le maintient d’un programme nucléaire implique l’acceptation du risque de voir se produire quelques accidents majeurs susceptibles d’empoisonner durablement des régions entières.

La mise au point de mesures de contrôle d’un éventuel Corium est aujourd’hui l’un des problèmes majeurs des concepteurs de centrales. Ces études ne peuvent s’appuyer sur des expérimentations, et pour cause. Elles sont essentiellement basées sur des modélisations informatiques dont on connait l’imprécision lorsqu’elles ne sont pas soutenues par l’expérience de terrain.

Les analyses des catastrophes passées sont effectuées avec soin ( lorsque c’est possible) pour en retirer tout les enseignements utiles permettant d’éviter les mêmes erreurs dans le futur.

Mais ces progrès ne profiteront que très peu aux vieilles centrales dont la vulnérabilité restera entière.

 

 

 

 
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commentaires

R
Décidément, les visites sur votre blog sont toutes plus intéressantes les unes que les autres. Merci pour votre vulgarisation qui permet de mieux comprendre l'ensemble des problématiques de<br /> l’énergie.
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