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17 juin 2021 4 17 /06 /juin /2021 18:53

 

Fuite de gaz au réacteur EPR de Taishan, so what ?

17 Juin 2021

Les réacteurs EPR sont semblables aux réacteurs déjà en fonctionnement dans le parc français, du moins dans le principe. Les différences résident dans la réalisation, qui est censée introduire davantage de sécurité grâce aux leçons tirées des accidents de Tchernobyl et surtout Fukushima.

On devrait donc s'attendre à une fiabilité irréprochable, et à voir au moins disparaître les défauts identifiés sur les réacteurs de l'ancienne génération.

Rappelons que, sur cette ancienne génération la sûreté était fondée, entre autres, sur le principe des trois barrières de sécurité :

-Le confinement du combustible dans des gaines étanches.

-L'isolement et l'étanchéité du circuit primaire de refroidissement.

-L'enceinte de confinement de l'ensemble des organes sensible d'une tranche.

A l'époque on avait « oublié » une quatrième barrière, ou plus exactement on avait considéré qu'elle était inutile (!) : il s'agit d'un dispositif de récupération du corium en cas de rupture de cuve.

On a vu à Tchernobyl et Fukushima les « désagréments » que pouvait entraîner cet « oubli » en cas de rupture de cuve par LOCA ( Lost Of Cooling Accident ).

Pour l'EPR, on a repris le principe des mêmes barrières, en ajoutant cette fois la quatrième.

On a également renforcé considérablement les dispositions annexes telles que alimentations électriques de secours, protection contre les tsunamis et tout événement météorologique extrême, autonomie complète des différentes tranches d'une centrale, renforcement des équipes de sécurité, durcissement de l'enceinte de confinement, etc.

Avoir quatre barrières, c'est bien, mais encore faut-il qu'elles soient efficaces.

Or ce n'est pas le cas, enfin pas tout à fait.

En effet la première barrière, les gaines de combustible, n'est pas fiable au sens où elle n'est pas efficace pour confiner le combustible en cas d'accident ; elle a plus un rôle d'optimisation du processus de gestion de la combustion et du contrôle de la réaction nucléaire.

Cette barrière doit jouer son rôle pendant la durée de vie du combustible contenu, soit 12 à 18 mois; ensuite le combustible est renouvelé avec de nouvelles gaines.

Elle présente une grande vulnérabilité aux contraintes mécaniques, thermiques, chimiques, qui en font davantage un organe à protéger qu'un organe protecteur.

En fonctionnement normal, les produits de la réaction nucléaire restent confinés dans leur gaine (doivent rester confinés). Il y a plusieurs milliers de crayons combustibles dans un réacteur, donc autant de gaines ; lorsque la gaine de l'un (ou plusieurs) des crayons combustibles présente une fuite, les produits gazeux de fission ( Xénon et Krypton) s'échappent et vont polluer l'eau primaire de refroidissement .

On parle de « crayons fuitards », et la chose est bien connue sur les réacteurs actuels. La plupart des réacteurs de ce type sont affectés par ce défaut, qui n'est pas critique tant que la fuite ne dépasse pas un certain seuil.

L'eau de refroidissement est contrôlée, filtrée, et ces produits (radioactifs) sont mis de côté jusqu'à ce que leur radioactivité soit affaiblie (leur période est faible) ; ils sont alors expulsés dans l'Atmosphère ( !!.).

On conçoit que la détermination d'un seuil critique pour cette pollution est chose difficile. En effet on sait détecter la présence d'une pollution, et on sait éliminer les produits en question ; on pourrait donc accepter un taux relativement élevé de pollution. Mais on ne sait pas déterminer les circonstances de la ou des fuites et leurs emplacements, et surtout leur possible évolution dans le temps. Il est donc prudent d'arrêter avant d'atteindre un état qui pourrait devenir incontrôlable.

Il y a donc des seuils critiques dans le cahier des charges.

Si le taux de pollution de l'eau primaire dépasse le seuil critique, la consigne est d'arrêter le réacteur

et d'enlever le combustible pour procéder à une réparation, ou mettre au rebut l'ensemble du combustible.

Enlever le combustible nécessite évidemment d'arrêter le réacteur, d'attendre le délai requis, et de démonter le couvercle de cuve pour avoir accès au combustible que l'on peut alors extraire. Puis il faut le placer dans la piscine pour le refroidir, avant d'intervenir, ce qui est une opération longue et compliquée.

C'est évidemment un contretemps, mais en aucune façon un risque d'accident, à condition de respecter les consignes d'arrêt.

Sur un réacteur neuf, utilisé selon les règles, la fuite ne peut pas être due à l'usure ou au vieillissement des gaines de combustible*. Elle peut provenir d'un défaut initial, ou d'un accident au cours des manipulations de chargement.

*S'agissant d'un nouveau modèle de réacteur, il peut cependant apparaître des contraintes mécaniques d'un type nouveau...

Si on laisse les choses aller sans intervenir, la ou les fuites peuvent s'aggraver jusqu'à l 'entrée d'eau dans la gaine et une suite d'événements très fâcheux pour le réacteur. (et le personnel...)

Les consignes d'arrêt sont strictes et il est est fâcheux d'envisager un relèvement des taux limites au prétexte que l'on a besoins d'électricité.

Encore un coup dur pour l'EPR qui n'avait pas besoin de cette publicité.

Mais quoi qu'il en soit, s'il ne s'agit pas d'un accident de manipulation, alors il s'agit d'un vrai défaut qui peut compromettre la validité du concept lui-même.

Il faudrait alors concevoir une autre structure de première barrière, des années de travaux...

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