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2 août 2015 7 02 /08 /août /2015 18:39

2 Août 2015

La vie d'une INB ( Installation Nucléaire de Base) n'est pas un long fleuve tranquille. La gestation d'une nouvelle série en particulier est semée d'embûches et beaucoup de plâtres sont à essuyer.

Si l'on tolère à la rigueur les défauts de jeunesse d'un nouveau modèle d'automobile, défauts se traduisant par un rappel en concession sans conséquence dramatique, il n'en est pas de même pour une installation nucléaire.

Le public n'accepte pas l'idée d'une centrale nucléaire dont certains composants présenteraient des défauts de fiabilité connus. L'ampleur des conséquences d'un accident lié à un mauvais fonctionnement et/ou à une erreur d'exploitation est telle qu'on ne saurait tolérer le moindre doute sur la qualité du matériel et des hommes chargés de la conception et de la conduite des installations.

Pour le public un composant est bon ou mauvais.

Hélas l'industrie ne peut se satisfaire de ce manichéisme simpliste car le monde réel n'est jamais blanc ou noir. Il n'existe pas de composant, ou de machine, qui ne tomberait jamais en panne. L'ingénieur doit s'efforcer d'atteindre la meilleure qualité possible afin d'obtenir une probabilité de panne la plus faible possible, sachant qu'elle ne sera jamais nulle.

Un composant, ou un système, est alors caractérisé par son aptitude à remplir sa fonction, avec tel degré de confiance, dans tel environnement et pendant telle durée.

Cela s'appelle la fiabilité prévisionnelle.

Et la fiabilité doit se mesurer et s'exprimer avec des chiffres.

Elle s'exprime par l'indication d'un taux prévisionnel maximum de défaillance par unité de temps.

La conception d'un composant ou d'un système s'effectue en fonction d'un cahier des charges qui inclut la ou les fonctions à remplir, mais aussi l'environnement, les contraintes, les tolérances, la durée de vie souhaitée, etc…Et souvent le prix.

Le design intègre alors toute l'expérience accumulée par le constructeur dans le domaine d'application du composant, et son savoir faire en matière de connaissance des matériaux et de maîtrise des innovations technologiques.

Malgré cela il n'est jamais possible de garantir l'absence totale de risque de dysfonctionnement au cours de la vie d'un composant en particulier.

( Le fournisseur qui prendrait un tel engagement ne serait simplement pas pris au sérieux).

L'industriel utilisateur a donc besoin de connaître le nombre d'heures de fonctionnement au-delà duquel la probabilité de dysfonctionnement dépasse un seuil d'acceptabilité.

La fiabilité se mesure sur une collection de composants identiques, elle est une approche statistique de la qualité qui s'exprime alors en probabilité de dysfonctionnement par unité de temps.

Cette connaissance n'est possible que grâce à l'accumulation de données d'expérience sur une fabrication bien maîtrisée.

Le REX ( Retour d'Expérience) est constitué des données relevées in situ sur une longue série de pièces et permettant d'établir une statistique des incidents ayant affecté cette série en cours d'exploitation.

Dans cet esprit, les soupapes de sécurité des réacteurs nucléaires ( entre autres composants) sont l'objet d'un suivi permanent sur plusieurs décennies et sur l'ensemble du parc. Ce suivi permet d'alimenter le REX afin d'une part de disposer d'éléments chiffrés sur la fiabilité in situ, et d'autre part d'améliorer les designs et donc la qualité globale.

Faute de disposer des données du parc nucléaire français (toujours la culture du secret), nous nous sommes tournés vers les Etats Unis dont la technologie électronucléaire est voisine de la notre.

La NRC ( Nuclear Regulatory Commission) est chargée d'établir et de suivre le SPAR ( Standardized Plant Analysis Risk ) applicable à chacune des 104 installations nucléaires du territoire.

Les données sont fournies par l'EPIX ( Equipement Performance and Information eXchange ) et par les LER ( Licensees Events Reports).

Le rapport NUREG/ CR - 7037 étudie le comportement des soupapes de sureté dans les centrales nucléaires, sur une période qui s'étend de 1987 à 2007 ( Rapport publié en 2010).

Tout les dysfonctionnements y sont analysés avec leurs causes et la façon dont les automatismes et/ou l'opérateur ont réagi pour éviter des conséquences fâcheuses. Car il y a bien entendu des moyens et des procédures prévus pour pallier ce genre d'incidents.

Les dysfonctionnements d'une soupape de sureté relevés en opération sont divers:

- Dérive du point de déclenchement.

- Variation de l'hystérésis ( Ecart entre seuil d'ouverture et seuil de fermeture).

- Point d'ouverture hors spécifications .

- Point de fermeture hors spécifications .

- Retard à l'ouverture ou à la fermeture.

- Fuites.

- Corps étranger.

- Etc…

Les résultats permettent de chiffrer statistiquement le niveau de fiabilité de la fonction et donc d'une part d'améliorer la qualité du matériel et d'autre part d'adapter les processus de contrôle en opération.

Le rapport cité porte sur les 104 réacteurs du parc et concerne environ 1800 soupapes utilisées dans la fonction de sureté.

( Chaque réacteur contient de nombreuses soupapes).

Sur la période 1988 à 2006 il a été relevé 402 cas de dysfonctionnement d'une soupape, soit 0,5 par année réacteur.

Dans l'histoire du parc US un seul dysfonctionnement a eu des suites accidentelles, à la centrale de Tree miles Island. Les conséquences de la fusion partielle du cœur ont été limitées à l'enceinte de confinement, du moins officiellement.

Le rapport NUREG montre que les dysfonctionnements de soupapes de sureté ne sont pas exceptionnels, et qu'ils n'entraînent pas nécessairement une catastrophe nucléaire. Leur possibilité est prise en compte dans l'établissement des procédures d'intervention des opérateurs, et des dispositifs redondants pallient les conséquences de ces troubles.

Ces considérations permettent de nuancer le battage médiatique autour du problème relevé sur les soupapes de l'EPR de Flamanville.

Si toutefois il se révélait un problème de design, il vaut mieux l'avoir découvert avant la mise en service de l'installation.

Il n'en demeure pas moins que cette accumulation de problèmes sur un seul réacteur justifie l'inquiétude du public, en général peu enclin à juger de la qualité d'un produit sur des statistiques de production mais plutôt sur l'exemplaire qu'il vient d'acquérir.

Surtout quand l'exemplaire en question lui a déjà coûté huit milliards…

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