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9 février 2014 7 09 /02 /février /2014 19:31

Fessenheim, la vieille dame a des fuites.

9 Février 2014

Pour ceux qui auraient encore des doutes sur le sérieux et le haut niveau de compétence des services de sécurité de nos centrales nucléaires, il n’est pas inutile de prendre connaissance des faits relatés ci-après:

Rappelons que la centrale nucléaire de Fessenheim est établie sur la nappe phréatique d’Alsace, l’une des plus importantes d’Europe par son étendue géographique et par la population concernée.

Une pollution de ce réservoir aurait des conséquences incalculables sur l’activité de la vallée du Rhin.

Il est donc primordial de prendre des mesures particulières matérielles et humaines afin d’éviter et/ou de contrôler toute contamination par des rejets ou fuites radioactives.

Le risque majeur, mis en avant dans toutes les études de sécurité, est la fusion du cœur d’un des réacteurs avec rupture de cuve et écoulement de corium dans les soubassements vers la nappe phréatique.

Rappelons également que le corium est un amalgame fondu à plusieurs milliers de degrés constitué du combustible nucléaire ( plusieurs dizaines de tonnes) mélangé au Zirconium et aux autres matériaux des structures internes. Cette pâte fluide et de densité très élevée agit comme un chalumeau capable de traverser le béton et de fondre l’acier avant de s’enfoncer dans le sol pour y causer les dégâts que l’on peut imaginer.

Les conséquences de la rupture de cuve peuvent être limitées:

- Si l’installation dispose d’un récupérateur de corium.

- Si le radier sur lequel repose le réacteur est suffisamment épais et résistant.

On peut alors espérer refroidir suffisamment le corium et le solidifier avant qu’il ne traverse le radier.

Au pire, les dégâts à l’environnement peuvent être contenus:

- Si la centrale est construite sur une zone peu vulnérable à la contamination radioactive.

Aucune de ces trois conditions n’est remplie à Fessenheim:

Pas de récupérateur de corium, il n’y en a d’ailleurs dans aucune de nos vieilles centrales.

L’épaisseur du radier n’est que de un mètre cinquante, alors qu’il faudrait au moins cinq mètres.

La proximité de la nappe phréatique crée un risque immédiat de contamination. Le niveau des nappes phréatiques est mesuré en temps réel par des piézomètres. Le piézomètre N08 de la centrale de Fessenheim nous indique que le niveau piézométrique varie entre -8,5 m en période de sécheresse, et -6,5m en période humide. Le risque de contamination est donc évident en cas d’accident majeur.

L’accident majeur est heureusement rarissime ( Tchernobyl et Fukushima nous ont rappelé que rarissime ne signifie pas nul).

La fusion d’un cœur de réacteur peut être l’arbre qui cache la forêt. En effet il existe d’autres causes de contamination dont les conséquences sont moins spectaculaires, mais l’occurrence beaucoup plus probable.

Un rapport d’inspection de l’ASN ( Autorité de Sureté Nucléaire) du 31 Mars 2011, Ref: CODEP-STR-2011-019080, faisant suite à une déclaration d’EIE ( Evènement Intéressant l’Environnement) du site de Fessenheim, relève des anomalies dans la mise en œuvre et la gestion des risques de pollution environnementale:

Une analyse de l’eau au niveau du piézomètre N08 a révélé un niveau de radioactivité anormal ( Tritium) de 500 Bq/L. Il s’agit bien de l’eau de la nappe phréatique sous la centrale, qui est contaminée.

Après inspection il a été constaté que cette contamination provenait du débordement d’un réservoir TEU dans un bac de rétention non étanche.

Des réservoirs TEU (Traitement des Effluents Usés) sont disposés pour stocker les effluents contaminés en attente de leur traitement décontaminant avant rejet. Ces réservoirs sont équipés de déversoirs vers des bacs de rétention également étanches ( puisards).

A Fessenheim le puisard coupable est situé à une profondeur de -9,5m, soit en plein dans la nappe phréatique, au contact de l’eau !

L’étanchéité est « assurée » par un revêtement sur lequel des fissures ont été constatées. Durant l’enquête de l’ASN il a été déclaré que ces fissures étaient connues depuis 2008 !

La liste des anomalies constatées est édifiante:

- Disposition d’un puisard dans la nappe phréatique, précisément là où toute contamination doit être exclue.

- Disfonctionnement du système de détection de débordement du TEU.

- Faiblesse du revêtement d’étanchéité du puisard.

- Négligence dans la chaîne de décision responsable de la protection de l’environnement ( fissures constatées en 2008 et non encore réparées en 2011).

- Absence d’un système automatique de détection de contamination radioactive au sein de la nappe phréatique.

Cette fuite de Tritium est sans conséquence sur la qualité de l’eau de la nappe d’Alsace, mais elle est révélatrice de certaines lacunes dans la chaîne de décision responsable de la protection de l’environnement.

On frémit à l’idée qu’un tel laxisme pourrait exister au sein des équipes chargées de la conduite des réacteurs et donc de la prise en charge des « incidents » de fonctionnement, et de la détection préventive des risques de pannes.

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