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22 mai 2020 5 22 /05 /mai /2020 18:42

23 Mai 2020

Le développement du marché de la voiture électrique à batterie (VE) passe par une phase de croissance contrariée susceptible de durer une décennie, voire davantage selon les solutions apportées, ou pas, aux problèmes d'autonomie, de batteries, de réseau de charge, de coût de production, de la concurrence du moteur thermique, de l'évolution de la réglementation, de la taxe carbone, etc.

Donc beaucoup d'obstacles à franchir pour l'épanouissement de cette technologie.

Dans cette phase de transition les constructeurs traditionnels sont confrontés à la nécessité de produire à la fois des véhicules thermiques et des véhicules électriques, en apportant aux uns et aux autres les nécessaires perfectionnements imposés par le durcissement des normes mondiales fixant des limites de plus en plus drastiques aux émissions de CO2, d'Oxydes d'Azote, de particules fines, de nanoparticules, d'hydrocarbures imbrûlés, et autres si affinité.

Ce challenge leur coûte très cher et se complique de la difficulté de promouvoir auprès des clients l'une ou l'autre des deux technologies en utilisant des arguments neutres, donc inefficaces.

En effet, comment promouvoir l'électrique sans mettre en balance les défauts du thermique, et vice-versa ?

La tâche des responsables de la promotion exige une certaine dose de schizophrénie et beaucoup de savoir-faire.

Difficile de marcher avec deux béquilles de longueurs différentes.

Le changement de portage technologique dans l'automobile est un jeu qui se joue à plusieurs :

Les constructeurs bien sûr, les fabricants de batteries, mais aussi l'Etat (les états) à travers leurs politiques de soutien ou de taxation, la Commission Européenne à travers les réglementations antipollution et la limitation des émissions de CO2, la taxe carbone, les Chinois et les asiatiques en général dont les initiatives s'appuient sur un marché intérieur colossal, les cours des produits pétroliers, les tarifs de l'électricité, et les usagers futurs clients qui, jusqu'à présent, ont encore le droit de choisir l'une ou l'autre technologie (Mais peut-être plus pour longtemps).

Durant plus d'un siècle, trois générations d'automobilistes ont pu apprécier les voitures à moteur thermique et en ont fait un marqueur social à qui l'on demande de véhiculer une image de luxe et de puissance.

Le luxe pour madame, la puissance pour monsieur diront les cyniques, qui n'auront pas tout à fait tort.

Il n'est que de souligner les arguments mis en avant pour promouvoir tel modèle de haut de gamme, essentiellement la puissance et les accélérations, pour comprendre que ces critères ne sont pas près de changer puisqu'ils ont été repris pour les modèles électriques de prestige..

Le temps réalisé pour monter de 0 à 100 km/h est devenu LE critère de classement dans le top 10, la puissance et la vitesse max tenant lieu de faire-valoir pour soutenir ce délire.

Cette folie s'est étendue au bas de gamme, toutes proportions gardées bien entendu car il faut bien s'adapter à tous les budgets.

Le graphique suivant en donne un exemple.

 

Vers une « realpolitik » de l'automobile ?

Le graphique présente la relation qui lie la puissance max et la vitesse max pour un modèle donné équipé de différentes motorisations thermiques.

Il s'agit ici de la Peugeot 208 équipée des différentes versions du moteur à essence 3 cyl/ 1,2 PureTech.

Les données sont celles du constructeur.

A, B,C, D, correspondent aux quatre versions de la Peugeot 208 .

On vérifie que, pour les versions à moteurs thermiques, la relation en question est une droite en coordonnées semi-logarithmiques.

La Peugeot 208 est un petit modèle plutôt d'entrée de gamme, qui est un exemple de cette surenchère sur la puissance et donc la vitesse max.

Les moteurs (thermiques) proposés à partir d'une même base fournissent des puissances de 50 à 100 kW, soit de 68 à 136 CV, et permettent des vitesses max de 175 à 200 kmh !

Sur le même graphique le point E est relatif à la 208 électrique en version 100 kW ; on constate qu'il ne suit pas la relation de proportionnalité puissance-vitesse max, il s'agit pourtant de la même voiture, seule la technologie moteur est différente ; nous expliquons plus loin cette anomalie.

Le point F concerne la Renault ZOE version 100 kW, pour comparaison.

Le graphique montre que, pour rouler à 130 km/h sur le plat et à vitesse constante, une puissance de 24 kW suffit pour une 208. Une puissance moteur de l'ordre de 40 à 50 kW serait donc amplement suffisante pour un usage normal du véhicule y compris sur autoroute.

La version 208 de 50 kW ( environ 70 CV) serait donc objectivement suffisante, même sur autoroute, puisqu'elle autorise une vitesse max de 165 km/h.

Et ceci est également vrai pour la même voiture, équipée cette fois d'un moteur électrique.

Or la 208 électrique est équipée d'un moteur de 100 kW, c'est-à-dire le double de ce qui serait réellement nécessaire pour aller sur l'autoroute.

Elle pourrait donc faire jeu égal avec la 208 thermique de 100 kW, et rouler à 200 km/h !

Mais sa vitesse est limitée à 150 km/h.

Les modèles électriques e-208 et Renault ZOE, tous deux équipés de moteurs de 100 kW, sont volontairement bridés à 130 et 150 km/h à la fois pour éviter les surrégimes moteurs dus à l'absence de second rapport de transmission, et pour préserver l'autonomie du véhicule.

La différence de vitesse max annoncée, 130 pour la ZOE, 150 pour la e-208, tient en grande partie à la différence de conception des moteurs :

Le moteur Renault est équipé d'un rotor à induction, c'est-à-dire bobiné, qui doit donc être alimenté par des balais frottant sur des anneaux conducteurs solidaires du rotor. Cette technologie permet d'éviter les aimants permanents qui utilisent des terres rares, mais n'est pas favorables aux régimes élevés du moteur et génère davantage de pertes Joule et de pertes Fer.

Le moteur Peugeot utilise un rotor à aimants permanents, contenant des terres rares, ne nécessitant pas d'alimentation extérieure, et donc permettant des régimes moteur plus élevés.

Or c'est le régime max du moteur* qui limite la vitesse max de la voiture puisqu'il n'y a qu'un seul rapport dans les deux cas.

* également le rapport de transmission et le diamètre des roues, qui permet de trouver le bon compromis entre Couple de démarrage et Vitesse max.

L'adoption d'une boîte de vitesses à deux rapports sur les voitures électriques est évidemment possible ( Voir Porsche Taycan), mais au prix d'une forte augmentation du coût.

On peut penser néanmoins que cette option sera adoptée dans un futur proche, au moins sur les modèles prétendant aller sur autoroute.

Il n'aura échappé à personne, du moins il faut l'espérer, que la vitesse sur les routes ouvertes à la circulation, ne doit en aucun cas dépasser 130 km/h en France et dans la majorité des pays.

(L'exception allemande est une survivance menacée  dont la raison (?) d'être est d'offrir un terrain de jeu aux acheteurs des véhicules de prestige (?) fort lucratifs pour les constructeurs).

Ces vitesse max de 175 à 200 km/h annoncées dans le catalogue pour la 208, ne sont strictement que des arguments destinés à flatter l'égo du futur acheteur.

Mais elles sont flatteuses pour le futur acheteur, jeune ou moins jeune, pour qui la vitesse demeure valorisante, même s'il s'agit d'un sentiment irrationnel.

(Les publicitaires savent que 80% de nos comportements d'achats (et biens d'autres comportements hélas) sont irrationnels; leur « art » consiste à nous persuader du contraire, et ils y réussissent for bien).

Or les moyens techniques mis en œuvre pour construire ces véhicules surpuissants et garantir la sécurité à ce niveau de performances coûtent très cher et plombent le prix final.

(Le coût d'un véhicule conçu pour rouler en sécurité à 180 ou 200 km/h (?) est très supérieur à celui d'un véhicule limité à 130 : il faut assurer la rigidité de la caisse, l'amortissement, le freinage, la tenue de route, la résistance des pneumatiques, et bien entendu la mécanique moteur, boîte et transmission).

D'autre part, le graphique ci-dessus qui reprend les données constructeur de la 208 montre que, pour rouler à 130 km/h avec ce véhicule, il « suffit » d'une puissance de 24 kW, et non pas de 50 ou 100.

(Cette valeur de 24 kW à 130 km/h se retrouve d'ailleurs sur des voitures électriques de classe comparable, notamment la nouvelle ZOE à moteur R 135 de 100 kW, pour laquelle une consommation de plus de 20 kWh/100 km a été mesurée sur autoroute à cette allure).

Une voiture électrique, même d'entrée de gamme comme la ZOE, consommera donc près de 20 kWh aux cent km à vitesse de 130 kmh, sur le plat et sans climatisation.

Avec une batterie 50 kWh utiles, son autonomie pratique* sera donc limitée à 200 km, ce qui est très loin des quasiment 400 km revendiqués au catalogue en référence aux tests sous protocole WLTP.

* Pratique veut dire avec quatre personnes à bord, la clim et éventuellement les feux, et bien sûr sans récupération d'énergie au freinage, et en gardant 5 à 10% de réserve d'énergie pour éviter la panne sèche sur autoroute.

L'indication de la jauge batterie à zéro ne coïncide pas forcément avec la présence d'une station de recharge disponible à proximité, est-il bien nécessaire de le rappeler.

A titre indicatif et sans garantie, voici les consommations rapportées par le magazine « L'automobile » pour la nouvelle ZOE R 135 :

Ville : 22,8 kWh/100 km

Route : 26,6 kWh/100 km

Autoroute : 34,5 kWh/100 km

Notons que 34,5 kWh correspondent à 3,5 Litres de super, ce qui correspond à un rendement remarquable.

Les performances de la ZOE confirment donc l'intérêt de la solution électrique.

Elles confirment également hélas les insuffisances de la technologie actuelle des batteries de traction.

Même si le rendement est excellent, on ne va pas bien loin avec une batterie de 50 kWh en consommant 35 kWh aux cent km ...

La ZOE pourrait rouler plus vite ; il « suffirait » de la doter d'une boîte à deux rapports, et de renforcer le châssis, la suspension, les freins, l'amortissement, et deux ou trois autres choses.

Le moteur R 135 de 100 kW suffirait, car celui de la 208 thermique (1,2 PureTech turbo) n'est pas plus puissant.

Mais lâcher la bride d'une ZOE 100 kW pour lui permettre de rouler à 160 ou 180 km/h comme la 208 thermique réduirait considérablement son autonomie puisque la consommation dépasserait largement 35 kWh aux cent km (voir graphique).

On pourrait certes remplacer la batterie de 50 kWh par une 100 kWh, mais à supposer que la technologie actuelle (et le coût) le permettent, l'autonomie resterait très inférieure à celle de la 208.

La tentative de porter les performances autoroutières de la voiture électrique au niveau de celles des modèles thermiques équivalents se heurte donc à une impossibilité technologique puisqu'il faut choisir entre l'autonomie et la vitesse max.

Le moteur thermique offre à la fois l'autonomie et la vitesse max, avec une bonne marge de sécurité tant sur l'autonomie (plus de 700 km), que sur la vitesse ( 175 à 200 km/h).

Même si la vitesse est un critère subjectif, elle demeure un facteur valorisant.

La devise « Citius, Altius, Fortius » demeure le mot d'ordre de notre société, et il n'est pas près de changer.

Ce « plafond de verre » qui bloque le déploiement de la voiture électrique fait le lit de la voiture hybride rechargeable, qui est une fausse réponse à un vrai problème.

Rappelons que, sur autoroute, l'hybride est essentiellement une voiture à moteur thermique. Il serait dommage que le marché de la mobilité électrique prenne ce chemin de traverse qui nous ramènerait au moteur thermique, celui-là même qu'on prétendait éliminer !!

Cette guerre entre les deux technologies est à court terme préjudiciable à une croissance rapide des ventes de VE, mais elle peut aussi être bénéfique à long terme car elle encourage les efforts de recherche et développement sans remiser le moteur thermique au placard, lui conservant tout son intérêt pour l'époque (?) où les biocarburants de troisième génération seront disponibles.

(On les oublie un peu ceux-là, bien à tort).

Certains constructeurs historiques ont choisi le camp électrique (Volvo, Renault en Chine) et déclarent abandonner le thermique, d'autres annoncent déjà l'abandon du diesel, c'est un premier pas en attendant les annonces décisives d'une réglementation excluant le moteur thermique ( à l'horizon 2040 ?).

Quels que soient les engagements des états sur la réduction des émissions de CO2, des décisions drastiques devront être évitées pour préserver l'économie du secteur déjà durement touché par les événements récents; C'est donc une « realpolitik » qui sera appliquée, et des arrangements avec la réglementation devront être négociés pour ne pas éliminer brutalement certains véhicules qui constituent encore aujourd'hui l'essentiel de la production automobile.

Le recours au forcing pour promouvoir l'électrique à coup de subventions a des limites que nous avons déjà évoquées ; les largesses de Bercy devront être réservées au colmatage des dégâts économiques du covid 19.

On pouvait déjà s'attendre à un certain chamboule-tout dans le secteur auto ; l'arrivée du virus risque de précipiter les choses, les annonces de Renault ne sont que les prémices de cet aggiornamento qui ne fera pas que des heureux.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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