18 Septembre 2010
En dépit des exhortations des organismes intéressés à la survie de l’humanité, et/ou de la planète ( ce qui n’est pas la même chose…), la consommation mondiale de pétrole ne cesse de croître
linéairement au rythme de 1,7% par an. L’AIE prévoit 88 millions de barils par jour en 2011, malgré la crise dont les retombées ne semblent pas affecter les appétits de croissance.
Oserions-nous en déduire que les victimes de la crise ne sont pas forcément les gros consommateurs de pétrole ?
Il faut donc se faire une raison, cette croissance ne s’arrêtera que lorsque le robinet ne coulera plus. Le pétrole est le sang de notre civilisation et, à moyen terme, rien ne peut remplacer ce
sang dans les domaines clés que sont les transports par exemple. Ce n’est pas demain la veille que les camions, les voitures, les bateaux, les avions, fonctionneront avec autre chose que des
dérivés du pétrole. Pour les transports l’électricité restera encore longtemps réservée au chemin de fer, malgré une timide percée dans les transports individuels. Ayons une pensée émue pour les
navires à propulsion nucléaire, ils seront peut-être bien utile un jour….
Faute d’une politique mondiale de modération concertée de nos dépenses d’énergie , nous sommes donc condamnés à affronter durement la pénurie de pétrole qui ne manquera pas de survenir à plus ou
moins brève échéance.
Le premier signe avant-coureur de l’orage sera vraisemblablement donné par l’envolée des cours du brut. D’ailleurs le drapeau à damiers est peut-être déjà sous nos yeux. Le graphique ci-dessous
montre l’évolution du cours du brut . Les premier et deuxième chocs pétroliers passés ont été digérés car ils étaient causés par une situation internationale tendue ( Guerre du Kippour, embargo,
puis guerre Iran-Irak ) . Une fois la situation « normalisée » le cours du brut s’est assagi, certes à un niveau plus élevé, mais l‘envolée s‘est calmée.
Le troisième choc pétrolier, dont nous vivons les prémisses, est en grande partie dû à des causes structurelles, internes au système « pétrole » et n’ayant que peu à voir avec quelque bruit de
bottes ( Les gesticulations militaires actuelles du Moyen-Orient peuvent être considérées à première vue comme une composante du système « pétrole » ) .
Les causes structurelles sont toujours difficiles à corriger.
La raison le l’envolée du prix du brut depuis les années 2000 est assez évidente, il suffit de regarder le graphique ci-dessous qui montre la croissance de la consommation de pétrole en Chine.
L’abreuvoir est presque vide et de nouveau troupeaux arrivent pour s’abreuver. Il est vraisemblable que l’envolée actuelle marque le début d’une période d’incertitude qui sera marquée par
l’interaction de nombreux paramètres d’ajustement:
- Rééchelonnement de la date du « Peak Oil » , date qui rappelle un peu les annonces de la fin du monde pour demain matin, et qui doivent être repoussées lorsque demain arrive sans catastrophe.
- Annonces de découverte de nouveaux gisements. On croit voir le fond du seau et hop un nouveau jack-pot arrive à point pour rassurer les marchés.
- Réévaluation permanente des réserves du Moyen-Orient. Réserves élastiques ajustées en fonction de la production désirée, et de la valeur capitalisée de la compagnie.
- Mise en œuvre de nouveaux procédés d’extraction. Plus le prix monte et plus il devient rentable d’aller chercher du pétrole difficile à extraire.
- Forages en eau profonde.
- Schistes et sables bitumineux.
- Et pourquoi pas, pétrole abiotique.
Le tout dans un environnement hautement spéculatif, sur un fond de stratégies d’appropriation des ressources disponibles.
On peut donc penser que la courbe du prix du brut subira moult fluctuations , mais qu‘elle a peu de chance de s‘inverser durablement.
Les besoins des pays émergents, Chine en tête bien entendu, outrepasseront les économies réalisées par certains pays vertueux, en sorte que la consommation mondiale va continuer d’augmenter.
Les coûts d’extraction dans les nouveaux gisements seront très supérieurs à ceux des anciens puits, pesant lourdement sur les cours, en dehors de toute spéculation.
On considère généralement que l’exploitation d’un gisement doit être abandonnée lorsque l’énergie dépensée pour extraire le produit est à peine inférieure à l’énergie que peut fournir le produit
extrait. Cela tombe sous le sens , mais lorsque le pétrole est une denrée stratégique cette loi peut ne pas être respectée. Il faut donc s’attendre à voir exploitées toutes les réserves
existantes de la planète. La seule question est de savoir au bout de combien de temps la source sera tarie.
La quantité de pétrole qu’il nous reste à brûler est inconnue. Les évaluations ne peuvent anticiper le résultat des recherches dans les domaines nouveaux comme les forages profonds ou les sables
bitumineux. Les chiffres annoncées doivent donc être considérés comme des estimations très libres.
Si les réserves de pétrole sont inconnues, la consommation l’est tout autant. En effet, l’élévation du prix du brut pèsera sur les structures économiques, induisant de nouvelles habitudes de
consommation. Si par exemple le carburant atteint dix euros le litre, l’organisation des transports routiers devra être reconsidérée, la production se rapprochera des lieux de consommation ( ou
l’inverse), on hésitera à traverser l’Europe avec un camion de fraises, les usagers délaisseront la voiture pour les transports en commun, les voyages en avion seront réservés à des besoins réels
, grand’mère se passera l’aller visiter les pyramides, on ne pourra plus dépenser quarante Mwh pour chauffer un pavillon de banlieue, etc.
Pour peu que le nucléaire reprenne du poil de la bête, la consommation de pétrole pourra diminuer fortement .
Il est donc impossible de dire si le robinet du pétrole sera coupé dans dix ans ou dans cinquante ans. Mais une chose est sûre, c’est à nous qu’il appartient de faire en sorte que l’échéance
arrive le plus tard possible, et de profiter de ce délai pour préparer pour nos enfants un monde vivable sans pétrole.