Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
25 septembre 2021 6 25 /09 /septembre /2021 10:57

 

Voitures électriques, le mur de la vitesse.

25 Septembre 2021

La communication sur les VEB ( Voitures électriques à batterie) est axée d'une part sur la multiplicité et la sophistication de leurs équipements de communication et d'aide à la conduite, et d'autre part sur la capacité de la batterie en rapport avec l'autonomie des véhicules, affichée avec plus ou moins de bonne foi, en restant discret sur sa très forte dépendance aux conditions d'utilisation.

Pour les modèles de haut de gamme, on insiste sur la puissance de la motorisation, en rapport avec les capacités d'accélération, le score du 0 à 100 km/h étant paraît-il devenu un marqueur de l'excellence.

(Effectivement très utile pour aller chercher les enfants à l'école ou se rendre au bureau...)

Mais sur les performances autoroutières du VEB on dit très peu de choses, sachant qu'en grattant un peu le client va vite rencontrer le problème d'autonomie à 130-140 km/h qui est, comme chacun sait, la vitesse de croisière généralement pratiquée sur nos autoroutes.

( Les seules « autoroutes » où les usagers de dépassent pas 110-120 km/h sont celles de Bretagne, limitées à 110 km/h, mais gratuites... Ils sont fous ces bretons...Ou peut-être plus malins que les autres...).

Cette discrétion autoroutière tient à la volonté de ne pas aborder le problème de fond de ce type de véhicule, qui est son gros appétit de kWh aux hautes vitesses, défaut lié à la rusticité de la transmission qui ne comporte qu'un seul rapport, ce qui oblige le moteur à tourner à un régime très élevé dans une zone où le rendement est très détérioré.

Petit rappel :

En terrain plat, la résistance à l'avancement d'un véhicule, quel qu'il soit, est le résultat de la résistance de l'air d'une part, et de l'ensemble des forces de frottement d'autre part.

La force de résistance de l'air F1 est proportionnelle au carré de la vitesse relative V du véhicule ( Sa vitesse propre sur la route corrigée de la vitesse du vent), et dépend de la surface S présentée au déplacement ( maître couple), et de son profilage ( Cx). Le poids spécifique de l'air joue également son rôle, selon l'altitude et le taux d'humidité.

Les forces de frottement F2 dépendent des pneumatiques, de leur pression de gonflage, de l'ensemble des pièces mécaniques en mouvement, et bien entendu du revêtement de la route.

Si la route est en pente, il faut évidement ajouter une composante F3 correspondante.

Tout cela est bien connu depuis un siècle et parfaitement documenté.

F1 est proportionnelle à V².

F2 est « relativement » constante.

Les poids relatifs de F1 et de F2 varient donc avec la vitesse, F1 étant prépondérant aux vitesses relativement élevées.

L'énergie E nécessaire au déplacement est par définition le produit de la force par la distance parcourue L.

E = (F1 + F2) . L

Cette énergie E est fournie par la batterie, à travers le convertisseur (onduleur), le moteur, et les câbles de connexion.

A chacune de ces étapes, de l'énergie est perdue sous forme de chaleur :

Effet Joule et pertes chimiques dans la batterie.

Effet Joule, pertes de conduction et pertes de commutation dans l'onduleur.

Pertes aérodynamique de rotation du rotor (Entrefer).

Effet Joule, pertes magnétiques et pertes par courant de Foucault et effet de peau dans les bobinages du moteur.

Auxquels il faut ajouter l'énergie dépensée par les auxiliaires et par l'éclairage, le chauffage de l'habitacle, la pompe à eau de refroidissement du moteur.

Certaines de ces pertes augmentent avec la température et/ou avec la fréquence ( pertes de conduction et de commutation dans les commutateurs à semiconducteurs, pertes joule par effet de peau dans les conducteurs, pertes magnétiques).

L'énergie totale Eo qui est fournie par la batterie est ainsi supérieure à l'énergie E consacrée à la propulsion.

Le rendement global R = E/Eo, est fortement détérioré à haut régime et à fort courant, donc à haute vitesse.

Pour une voiture on s'intéresse à l'énergie consommée aux cent kilomètres, et dans le cas d'une électrique elle est exprimée en kWh/ 100 km.

En première approximation, à vitesse élevée et sur terrains plat, l'énergie de propulsion E consommée aux cent km varie comme le carré de la vitesse, en négligeant le facteur lié aux frottements.

Par exemple, pour un véhicule consommant 15 kWh/100 km* @ 90 km/h, cette consommation passera à 30 kWh @ 130 km/h.

* Cas d'un SUV moyen de gamme.

Mais l'énergie Eo réellement consommée, fournie par la batterie, sera supérieure à cause du rendement.

Si ce rendement est de 0,9* à 90 km/h, il peut tomber à 0,75 à 130 km/h.

La consommation à 90 km/h sera alors de 16,6 kWh, mais elle passera à 40 kWh à 130 km/h.

( *Un rendement de 90% sur la chaîne Batterie -Convertisseur- Moteur nécessite un rendement moyen de 97% sur chacun de ces blocs, ce qui est l'extrême limite de la technologie grand public. Dans les modes de forte sollicitations en courant et en fréquence (régime moteur) ces rendements individuels peuvent descendre à 90%, donnant un rendement global de 73 % qui se traduit par une augmentation de 30%*de la consommation!)

La vraie consommation à 130 km/h sera alors proche de 35 – 40 kWh/100km.

( Ceci est un exemple moyen évidemment ).

Cette consommation, gênante pour la batterie, demeure très inférieure à la consommation d'une voiture à essence équivalente, qui consommerait autour de 10 L /100 km à 130 km/h, soit l'équivalent de 100 kWh d'électricité, ce qui confirme l'intérêt du tout électrique pour l'efficacité énergétique.

On aura compris au passage que la qualité d'une chaîne de transmission de voiture électrique se mesurera à la consommation du véhicule à 130 km/h, et non pas à son autonomie à 90 km/h qui ne signifie rien.

( Le protocole WLTP ne représente ni la consommation en ville, ni la consommation sur autoroute à 130 km/h, c'est une cote mal taillée qui doit être interprêtée).

Cette consommation de 35 à 40 kWh/100 km à 130 km/h est un handicap pour le VEB, même équipé d'une « grosse » batterie de 100 kWh :

Pour préserver la santé de la batterie il faut éviter une décharge complète, et donc ne pas descendre en dessous de 10% de la capacité nominale. D'autre part, lors d'un rechargement sur autoroute, le régime de charge rapide s'interrompt à 80% de la capacité nominale, la suite se déroulerait sur plusieurs heures, ce qui est incompatible avec une recharge « au bord de la route », et d'ailleurs interrompue par la borne de charge elle-même.

La capacité utilisable de la batterie sur autoroute est donc limitée à 70% de sa valeur nominale, soit 70 kWh pour une batterie de 100 kWh.

Sur autoroute à 130 km/h l'autonomie sera donc d'environ 200 km dans le meilleur des cas.

( Selon le rendement à cette vitesse...)

Ce qui nécessitera au moins trois arrêts pour rechargement pour effectuer un trajet de 6 ou 700 km.

Cette autonomie sera encore plus réduite si la voiture est chargée, si elle comporte une galerie, s'il y a du vent de face, et/ou si l'itinéraire comporte des pentes, ce qui n'est pas rare (!) quand on va au ski …).

Nous ne parlons même pas d'une éventuelle remorque, pour ne pas charger la barque...Ni même de l'utilisation d'un système de chauffage électrique en hiver !!!

La durée d'un arrêt pour rechargement d'une batterie de 100 kWh dans une station service autoroutière dépend de nombreux facteurs :

Disponibilité d'une borne en état de marche, et accessibilité (usage public ou réservé abonnés).

Nombre de clients dans la queue.

Compatibilité du câble client avec la ou les prises de la borne.

Système de paiement.

Puissance de charge de cette borne ( 50 kW, 100, 150, plus?)

Limitation, ou non, de la durée de charge en fonction de la gestion de queue ( Phénomène de « queuing »).

La durée de l'arrêt peut varier entre une demi heure sur une borne de 150 kW libre et opérationnelle, jusqu'à deux heures et plus sur une borne de 50 kW dejà occupée.

La durée du voyage peut ainsi se trouver allongée de plusieurs heures, pénalisant les déplacements et posant la question de l'intérêt de choisir l'autoroute payant plutôt qu'un itinéraire gratuit à vitesse inférieure mais plus économe en énergie puisque la consommation peut être divisée par deux.

Cette « particularité » du véhicule électrique à batterie est un obstacle réel à sa diffusion hors de l'usage « local », même avec une batterie de 100 kWh et dans l'hypothèse d'un réseau de recharge efficace, ce qui n'est pas encore le cas, loin s'en faut.

Les progrès* attendus dans le domaine de la traction électrique permettront certes d'améliorer la situation en maintenant un rendement convenable jusqu'aux vitesses autoroutières, mais ne changeront pas les lois de la physique.

*Parmi ces progrès on peut citer la boîte de vitesses, qui permettrait de réduire le régime moteur et donc les pertes de rendement à haute vitesse; l'utilisation de composants au SiC (Carbure de Silicium) pour réduire les pertes de conduction et de commutation dans le convertisseur.

(Les « solutions » exotiques telles que placer un moteur dans chaque roue se heurtent au problème de refroidissement à forte puissance, qui nécessite une circulation d'eau difficilement imaginable dans une roue, et la duplication des onduleurs associés, qui doivent eux aussi être refroidis, tout comme la batterie.

Le mieux est une fois de plus l'ennemi du bien).

Mais la frontière des 30 kWh/100 km à 130 km/h sur terrain plat, sans vent, et sans coffre de toit ne pourra pas être repoussée car c'est une loi physique.

Certains au contraire considèrent que ce « mur de la vitesse » pour la voiture électrique est un point positif puisque, par nécessité, l'usager choisira de réduire sa vitesse à 100-110 km/h pour éviter de perdre son temps à recharger trop souvent. Ce qui serait un gage de sécurité améliorée (?)

L'avenir nous dira la valeur de ce pronostic.

Les VEB coexisteront avec les véhicules thermiques jusqu'en 2040 environ, selon les rumeurs actuelles. Il est difficile d'imaginer une coexistence entre les uns roulant à 130 voire plus, et les autres qui seraient auto-limités à 100-110 ( sur la voie du milieu?), sans voir apparaître de nouveaux problèmes de sécurité.

Peut-être faudra-t-il prévoir une voie réservée aux véhicules électriques ? Et quid des poids lourds ?

Ou bien généraliser la limitation de la vitesse à 110 km/h ?

( L' « autoroute » Bretonne gratuite est limitée à 110 km/h, vitesse radarisée et relativement bien respectée (Nécessité fait loi ). Les usagers en ont pris leur parti *; il est vrai que la longueur des trajets ne dépasse pas 300 km, ce qui est parfaitement compatible avec une consommation de 20 kWh/100 km avec une batterie de 100 KWh.

*De Rennes à Brest la durée du trajet à 110 km/h est augmentée de 13 % ( environ 20 minutes) par rapport à sa durée théorique à 130).

Aujourd'hui les batteries représentent une part très importante du prix de la voiture ; pour les déplacements locaux et journaliers domicile-travail une batterie de 25-30 kWh est largement suffisante, quel intérêt y aurait-il à investir dans une batterie de 100 kWh pour quelques voyages annuels qui devraient être effectués à vitesse réduite pour limiter les arrêts pour recharge?

Le véhicule électrique à batterie est parfait pour les déplacement de l'ordre de 100 km, mais devient un mouton à cinq pattes dès qu'il s'agit d'aborder les déplacements autoroutiers de plusieurs centaines de km.

L'équivalence avec la voiture à moteur thermique pour l'usage autoroutier, ne pourra être obtenu (presque) qu'à trois conditions :

- Disposer d'une batterie de 250 kWh pour une autonomie de 700 km environ à 130 km/h.

- Disposer d'un réseau de bornes de recharge rapide d'une puissance de 350 kW.

-Disposer d'une boîte de vitesse pour éviter la zone de sur régime moteur, afin de ne pas sortir de la zone des 30 kWh @ 130 km/h.

Ces chiffres sont évidemment connus, mais d'une part la technologie actuelle des batteries ne le permet pas ( poids, encombrement, coût), et d'autre part le coût du véhicule ne serait pas compatible avec le marché visé.

La boîte de vitesse, faisable dès aujourd'hui*, représente (encore) un surcoût difficile à supporter aujourd'hui par le marché de masse (il ne faut pas trop charger la mule...).

*Voir Porsche.

Pour la batterie de 250 kWh, çà vient, çà vient...

Quant au réseau de charge avec des bornes rapides de 350 kW, il commence à exister car c'est la condition pour le développement du marché haut de gamme, et pour l'électrification de poids lourds et de bus ( il y aurait déjà quelques centaines de ces bornes en Europe, dont environ 80 en France.

Il est vraisemblable que, à l'horizon 2030, ces problèmes auront été résolus dans des conditions économiques compatibles avec un marché de masse.

D'ici là les catalogues des constructeurs auront intérêt à rester discrets* sur l'autonomie et la consommation de leurs VEB à 130 km/h...

*Ce qu'ils font très bien aujourd'hui.

Partager cet article
Repost0

commentaires