Overblog
Editer l'article Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
17 octobre 2017 2 17 /10 /octobre /2017 18:05

17 Octobre 2017

L’irruption du compteur communicant Linky a braqué les projecteurs sur la technologie CPL qui n’en demandait pas tant.
Les CPL sont dans nos foyers (enfin, certains foyers) depuis une trentaine d’années, et ont participé au développement de la domotique sans donner lieu à un quelconque problème de santé publique.

Le nouveau compteur, qui utilise le même type de CPL que la domotique, a soulevé une bronca dont les échos ont envahi les médias et mobilisé des cohortes protestataires.

C’est que, dans un cas on choisit d’équiper son logement en domotique, dans l’autre cas on subit l’intrusion d’on ne sait pas très bien qui, animé d’on ne sait pas très bien quelles intentions.

On retrouve ici le même conflit que celui qui oppose les utilisateurs de smart phone aux personnes EHS qui ne supportent pas les ondes.
A cette différence près qu’il est toujours possible de se passer de smart phone et d’aller vivre à la campagne, alors que l’électricité reste indispensable partout.
(Sauf à fabriquer son électricité soi-même, ce que certains n’hésitent pas à faire, pour d’autres raisons il est vrai).

Les intentions de ceux qui recueillent les données (du Linky et/ou du smart phone) sont une chose, la technologie en est une autre. Il ne faut pas confondre les deux, même si on peut rencontrer des « patients » qui redoutent à la fois l’influence néfaste des ondes émises par le compteur et les antennes, et l’usage non moins néfaste qui pourrait être fait des données recueillies par ceux-ci et susceptibles d’être transmises non pas à Big Brother, mais au « Big Data », ce qui revient à peu près au même.
__________________

Il n’est donc pas inutile de se pencher sommairement sur la technologie CPL et de tâcher de comprendre en quoi elle pourrait nous nuire.
(Pour le « Big Data » on verra plus tard…)

L’utilisation du réseau de distribution d’énergie électrique pour transmettre des informations par CPL n’est pas nouvelle, c’est une technologie que l’on peut qualifier d’ancienne.

Mais ce réseau ne possède aucune des qualités exigées d’un réseau de communication bien élevé:
Il est impossible de définir une impédance de ligne, elle dépend de la configuration du réseau et elle varie dans le temps en fonction des longueurs de trajets, de la nature des câbles, du type et du nombre des appareils connectés à un moment donné. Toute transmission sur un tel réseau subira des réflexions dues aux désadaptations, des trajets multiples, des affaiblissements incontrôlables.
Le réseau ne possède aucune espèce de protection contre les perturbations électromagnétiques rayonnées reçues ou émises, quelles que soient leurs fréquences et/ou leurs amplitudes.
 Il est par nature l’objet de perturbations conduites liées au fonctionnement des appareils connectés, perturbations qui couvrent un spectre de fréquences très étendu, notamment à cause de la banalisation des alimentations à découpage.
De par son absence totale de blindage, le réseau 230 V est exposé à recevoir toutes sortes de perturbations électromagnétiques de toutes origines.
(sauf pour les réseaux de distribution enterrés, qui sont beaucoup moins vulnérables).
Les fils qui transportent l’énergie électrique, les dispositifs qui assurent les connections, les commutations, la protection des biens et des personnes, les appareils connectés au réseau pour les différents usages, les prises multiples, les boîtes de raccordement, les  disjoncteurs, les parasurtenseurs, etc, ont été conçus selon des cahiers des charges qui n’incluent en aucune façon la possibilité de transmettre des données numériques par courants porteurs ou autrement.

Utiliser un tel réseau en tant que réseau de communication est une tentative « sauvage » de mariage forcé contre nature entre le domaine de l’électrotechnique et le domaine des télécommunications, qui n’ont à priori rien de commun.

Le fait qu’en général on obtient des résultats (à peu près) satisfaisants avec les CPL n’est en aucune façon une validation du procédé, qui constitue en fait une violation des règles de l’art en matière de communications.

Introduire les CPL dans la maison revient à prendre une potion dont on ne connaît pas les effets secondaires.

Et avec les CPL des effets secondaires il y en a…Les médias se chargent de nous les décrire.
________________

Mais les CPL sont tellement commodes d’emploi que même les communications de très haut débit ont abandonné (un peu vite à notre avis) les moyens orthodoxes comme le câble coaxial, la fibre optique ou la paire torsadée Ethernet en RJ45, pour rejoindre le CPL et se mêler aux transmissions bas débit de la domotique, au risque de devoir accepter certains inconvénients dus à un mélange des genres pas toujours très heureux.
Et entre autres de se voir confrontés avec les signaux du Linky, parfois un peu « rudes » car provenant d’un extérieur lui-même hostile .

La connaissance de cet environnement a conduit les ingénieurs à développer une technologie CPL de traitement des données très complexe , afin d’obtenir malgré tout un résultat global satisfaisant, mais non garanti dans n’importe quelle configuration de réseau.
Car à l’impossible nul n’est tenu…

Le signal CPL reste un passager clandestin du signal électrique de puissance, un peu comme le pou est le passager clandestin du singe.
Çà gratte un peu, mais c’est aussi  l’occasion d’établir de bonnes relations sociales.

Dans le cas qui nous intéresse, le pou est le signal d’information transmis sous la forme de modulation d’une ou plusieurs porteuses de fréquences définies permettant la mise en œuvre d’un système efficace de sélection du signal utile et de décodage robuste.
Ce signal modulé est superposé au signal 50 Hz véhiculant l’énergie.

Celui qui est chargé de gratter pour prélever le « pou » est un « adaptateur CPL » . Il en faut au moins deux pour causer (comme les singes).

Chaque « adaptateur » CPL possède un circuit de couplage à la ligne tel que décrit dans le schéma ci-après:

 

CPL Linky, le loup dans la bergerie ?

Le condensateur C2 et le transformateur constituent un diviseur de tension pour le 50 HZ  mais laissent passer les signaux CPL dont la fréquence est beaucoup plus élevée.
C2 et L constituent un circuit résonnant série accordé sur la bande de fréquence CPL utilisée. Son Q est faible ( 2 ou 3).
C2 est un composant haute tension, il protège le coupleur des impulsions  jusqu’à 4 KV.
Le condensateur C1 , de forte valeur, isole le transfo de la composante continue de sortie de l’ampli, qui fonctionne en classe A.
Le rapport de transformation N2/N1 est choisi pour adapter la tension de sortie ligne à la tension crête-crête disponible en sortie de l’ampli.
Cette adaptation est toujours approximative puisque l’impédance de charge est inconnue.

Ceci est valable pour n’importe quel adaptateur CPL, Linky ou tout  autre produit vendu en grande surface.

(Il existe également une possibilité de couplage inductif, mais plus difficile à mettre en œuvre dans le cas des réseaux domestiques).

La tension Vpp crête à crête de sortie max de l’ampli peut atteindre plus de 10 V selon la tension d’alimentation de l’ampli.
Le courant max est généralement de l’ordre de 1 à 1,5 A.

Un tel étage de sortie, alimenté en 12V par exemple,  peut donc délivrer une puissance de l’ordre de 2 à 3 Weff.
De quoi « arroser » un quartier si le transfo de sortie est bien adapté à l’impédance nodale du réseau.

____________________

Lorsqu’un circuit de ce genre est raccordé à un fil conducteur non blindé, ce fil s’appelle une antenne, et l’ensemble est un émetteur radio.
Or, les fils du réseau électrique ne sont pas blindés.
Un adaptateur CPL couplé au réseau électrique constitue donc un émetteur radio, ce qui est en l’occurrence un comportement indésirable puisque sa fonction est de transmettre des signaux le long des fils électriques et non pas de rayonner des ondes électromagnétiques.

On peut donc s’attendre à des problèmes de coexistence avec les applications qui sont par nature du domaine des radio communications.
(Un des effets secondaires dont nous parlions plus haut).

Heureusement, le réseau électrique est une très mauvaise antenne, et en tant que telle son efficacité est très médiocre, sauf à courte distance.
Mais elle reste suffisante pour constituer une pollution des ondes qui a rendu nécessaire la mise en œuvre de dispositions règlementaires exigées par les usagers « légitimes » des ondes radio.

Parmi ces dispositions figure la limitation de l’amplitude du signal CPL injecté.
Définir une telle limite n’est pas chose aisée. Il faut un signal assez fort pour être « entendu » au milieu du bruit électrique ambiant, mais pas trop fort afin de limiter les fameux effets secondaires.
La valeur choisie par les instances internationales est donc forcément une cote mal taillée, avec laquelle il faudra composer dans certains cas difficiles.

Tout constructeur d’un adaptateur CPL doit donc faire en sorte que cette limite soit respectée, dans les conditions de mesures définies par la norme.
(EN 50 065-1)

On a vu que, pour un transfo de couplage donné, et pour un étage de puissance donné, la tension aux bornes de la charge dépend de son impédance, et du gain de l’amplificateur de puissance.

Mais comment définir une impédance* qui, par nature, est n’importe quoi en fonction de la nature du réseau et des appareils raccordés ?
*Il s’agit de l’impédance dans la bande fréquence concernée, et non pas à 50 HZ.

La norme a défini une impédance de réseau type, constituée d’une résistance de 50 ohms en parallèle avec une self de 50 micro henry en série avec une résistance de 5 ohms.

Dans ces conditions de charge, la tension de sortie ne doit pas dépasser 120 dBuVrms, soit 1 Veff.
Dans certains cas cette limite pourra être portée à 134 dBuVrms, soit 5 Veff tout de même.

Or l’impédance du réseau en un point quelconque peut être n’importe quoi entre 0,5  et 50 ohms, selon les circonstances.
(Avec une composante inductive ou capacitive évidemment)
La norme ne précise pas la limite dans ces cas…
_____________________

La maîtrise du niveau de signal CPL injecté dans le réseau n’est donc pas chose facile, compte tenu du caractère aléatoire de l’impédance HF de ligne au point de branchement, et des multiples réflexions du signal entraînant des renforcement et des extinctions imprévisibles.

De nombreux adaptateurs CPL ( y compris certains Linky) sont équipés de circuits comme le processeur TMS 320 F28x couplé au circuit de sortie AFE 031 dont l’ampli de puissance peut recevoir une tension d’alimentation de 26 V max et peut délivrer un courant max de 1,5 A.
Le gain de l’ampli est programmable à travers l’interface série, pour adapter le signal de sortie ligne aux besoins de l’efficacité de la transmission.
Il s’agit de rechercher un rapport signal/bruit compatible avec un Ber (Bit error rate) acceptable, la limite de 10 exp(-3) étant généralement retenue.

Le niveau réel du signal CPL peut, dans des conditions d’impédance de ligne difficile, se trouver occasionnellement supérieur aux valeurs de la norme.
(Un peu comme la consommation d’une voiture en côte se trouve supérieure à la consommation mesurée au cours du test NEDC).
_____________________

Un compteur donné fait partie d’un réseau pouvant comporter une centaine d’autres compteurs identiques, voire davantage.
Ces compteurs sont connectés sur la même dérivation du transformateur BT.
Chacun d’eux examine les signaux CPL « EDF » qui circulent sur cette dérivation, et prélève les trames qui lui sont personnellement adressées.
Si le niveau général des signaux est trop faible, à cause de la distance ou pour tout autre raison, un des compteur peut servir de relais et amplifie le signal afin que les autres puissent le recevoir.

Les données qui circulent sur une section du réseau sont donc « vues » par toutes les habitations qui y sont raccordées à travers leur compteur (compteur à roue, CBE, ou Linky).

On peut donc logiquement s’attendre à constater quelques perturbations d’importance très variable selon les cas, et qui pourront se manifester de différentes façons en fonction du niveau CPL reçu, et des équipements existants dans le domicile: Réseau domotique utilisant déjà les CPL, mais aussi la WiFi, connexions CPL haut débit pour la TV et/ou les liaisons PC à PC, installation radio amateur, etc…
Des mesures de « mitigation* » seront éventuellement nécessaires, le refus du compteur Linky étant évidemment la plus extrême.
*Au sens anglo-saxon du terme.
A charge pour l’usager de négocier ce refus avec qui de droit…

Comme c’est l’usage en général, il faudra trouver le compromis acceptable avant de jeter le bébé avec l’eau du bain.

Un certain nombre de « recettes » sont proposées ici et là, censées permettre une cohabitation avec un réseau devenu un peu agité:
- Contre les signaux du Linky, certains préconisent un filtre passe-bas atténuant la bande A du CENELEC.
Pour être efficace, un tel filtre devra être caractérisé au courant max de l’installation, au moins 60 A, voire plus. Il devra être homologué pour être accepté, et devra être lui-même exempt de perturbations rayonnées.
Ce composant sera lourd, encombrant, et très cher.
De plus il ne devra apporter aucune perturbation  dans le fonctionnement du compteur Linky, notamment par une impédance d’entrée inappropriée.
- Contre les perturbations véhiculées par le réseau domestique, il existe des dispositifs IAC (Interrupteur Automatique de Champ) disponibles pour montage sur rail DIN.
- Contre l’effet d’antenne du réseau électrique, il est possible de réaliser un câblage en fil blindé, genre « Bio Habitat », et établir une mise à la terre performante.
- D’une façon générale, il faudra rationaliser le câblage, éliminer les prises multiples, faire la chasse aux dominos, repenser le câblage électrique dans l’optique d’un réseau de communication.

Le réseau domestique va devoir, bon gré mal gré, d’adapter à sa nouvelle fonction de réseau de communication. Il devra faire cohabiter des applications aussi différentes que la commande de volets roulants et la transmission de programmes de TVHD, dans des domaines de fréquences allant de la bande CENELEC jusqu’à 100 Mhz voire davantage.
Ceci ne se fera pas sans heurts et grincements de dents.

A moins que les problèmes rencontrés n’incitent à un retour à plus de prudence, c’est-à-dire à éviter le mélange des genres.
Laisser au réseau domestique ce qu’il sait faire, gérer l’énergie. Et confier les transmissions aux spécialistes des transmissions, câble coaxial, fibre optique, paire torsadée blindée, radio.
Affaire à suivre…

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Partager cet article
Repost0

commentaires