La transition énergétique après le black-out espagnol.
5 Mai 2025
Après la sidération causée par « l'impensable » black-out électrique survenu en Espagne, le moment est venu de s'interroger, non pas sur les causes directes qui ne sont pas encore connues, du moins révélées, mais sur la conduite à tenir dans l'avenir pour tâcher de gérer du mieux possible ce type d'événement.
L'histoire se répète.
Il aura fallu Tchernobyl et Fukushima pour admettre enfin que oui, le nucléaire est dangereux et qu'il faudrait « peut-être » se pencher sérieusement sur la sécurité des centrales.
Il est résulté de cet examen de conscience une vaste campagne mondiale de sécurisation des parcs nucléaires existants, et une révision des procédés de sécurisation des programmes en cours et futurs.
( La suite nous dira si cet aggiornamento a été efficace...ou pas ).
Ce rappel à l'ordre des accidents de centrales nucléaires aurait du constituer un « REX » ( Retour d'EXpérience ) pour tout autre manipulation de l'énergie comportant un risque, même si les conséquences d'un black-out électrique demeurent très inférieures à celles d'un accident nucléaire...quoique...
L'événement espagnol nous enseigne que l'impensable peut survenir malgré tout.
Sommes-nous prêts à le gérer ?
La transition énergétique nous impose essentiellement* de remplacer les fossiles par de l'électricité.
Mais encore faut-il que cette électricité soit produite à partir d'énergie renouvelable décarbonée ou à carbone recyclable.
* ( La voie de la biomasse et/ou des combustibles de synthèse a moins la cote, mais n'en demeure pas moins incontournable pour les cas où l'électricité ne peut être utilisée, ou n'est pas disponible en réseau...Et le biogaz alimente déjà quelques centrales électriques )
Le système actuel de production et de distribution de l'électricité est basé sur l'adaptation immédiate de l'offre à la demande, ce qui exige des temps de réponse très courts, qui peuvent ( doivent ) descendre jusqu'à quelques minutes, voire moins.
Ce système ne peut donc tout simplement pas fonctionner si les moyens de production ne sont pas stables et pilotables.
Heureusement, c'est le cas de tous les moyens de production classiques basés sur des centrales thermiques fonctionnant avec des combustibles fossiles ou du combustible nucléaire.
C'est en partie vrai également avec l'hydroélectrique, bien que sa capacité de production soit limitée à proportion de la disponibilité des réserves d'eau.
( L'hydraulique possède l'avantage de pouvoir être mobilisé très rapidement, ce qui en fait un intervenant essentiel dans la régulation du réseau ).
Les réseaux actuels supportent malgré tout une part de renouvelables intermittentes; une part de 30% semble tolérable, au-delà le risque existe sauf à disposer d'une production hydraulique de secours avec une puissance suffisante gardée en réserve pour la circonstance et non « gaspillée »
pour la production courante.
L'hydroélectrique est la clé de la maîtrise de l'éolien et du solaire.
La production de ce parc est donc en permanence adaptable aux variations de la demande du réseau. Un programme prévisionnel permet de prévoir les variations de cette demande afin d'anticiper les adaptations nécessaires de la production.
Pour sécuriser l'ensemble, la somme des puissances installées dans le parc de production est toujours supérieure au maximum historique enregistré par le réseau.
En France, avant l'arrivée des renouvelables, la puissance installée disponible était d'environ 110 MW . La puissance maximale appelée par le réseau a atteint 104 MW .
Les usages de l'électricité sont conçus et organisés en fonction de cette disponibilité 24/24 du précieux fluide.
Depuis l'arrivée des renouvelables éolien et solaire, la puissance max disponible est tout simplement inconnue car elle dépend de la force des vents et de l'ensoleillement...
( Cette puissance de l'éolien et du solaire est en partie prévisible, mais elle n'est pas pilotable.
Il est vital de ne pas confondre les deux termes prévisible et pilotable.
Les liaisons transfrontalières ont été établies en partie pour atténuer ce facteur d'incertitude grâce aux échanges compensatoires d'une région d'Europe à l'autre.
Deux grands réformes ont été appliquées :
- L'ensemble des réseaux électriques des pays européens ont été regroupés en un seul réseau grâce à des connexions transfrontalières à double sens capables d'échanger des puissances importantes.
Ces échanges d'énergie électrique permettent, dans une certaine mesure, de créer un marché commun de l'électricité, et de sécuriser le réseau en compensant le déficit d'énergie dans un pays par des importations, et vice-versa.
( La France dispose de 37 interconnexions transfrontalières avec les pays voisins, et le plan prévoit de doubler ce parc d'ici 2035 . RTE a la charge de la gestion ).
- La deuxième fonction principale de ce réseau est la gestion des énergies éolienne et solaire, dont les variations incontrolables ne peuvent être valorisées efficacement sans un dispositif de compensation de l'intermittence.
( A l'usage, ce dispositif s'est révélé peu efficace pour compenser les variations météorologiques, car ces dernières sont souvent communes aux pays européens...
D'autre part, et afin d'éviter la propagation d'un black-out à toute l'Europe, l'usage est de couper les liaisons transfrontalières en cas de menace constatée...ce qui s'appelle faire la part du feu...).
Le réseau, prévu pour gérer un parc de production stable et pilotable, n'est pas adapté à la gestion des énergies éolienne et solaire dont les variations dépendent des conditions météo et ne sont donc ni stables ni pilotables.
Leur présence est donc un élément perturbateur , mais leur utilité n'est pas contestée.
Il est donc indispensable d'ajouter dans le réseau des moyens de compenser, au moins en partie, les perturbations crées par la variabilité des conditions météo.
Le procédé utilisé consiste à disposer un système d'amortissement des oscillations de production des parcs éoliens et solaires.
Ce dispositif est constitué de stations de pompage-turbinage hydroélectriques ( STEP ).
Ces STEP sont soit des installations dédiées, soit des installations de barrages hydroélectriques dont les turbines fonctionnent dans les deux sens.
( En France, la PPE (Programmation Pluriannuelle de l’Energie) prévoit le développement des STEP pour un potentiel de 1,5 GW identifié en vue des mises en service des installations entre 2030 et 2035 ).
L'autre moyen de compensation de la volatilité de l'éolien et du solaire est le recours aux batteries électrochimiques, qui apportent des temps de réponse très courts, mais dont la réserve d'énergie est très limitée.
Il existe également des moyens de stockage d'énergie plus exotiques, mais dont l'usage est encore très peu répandu ( Stockage par inertie, ou thermiques à changement de phase, …).
Quelles qu'en soient les raisons, le black-out espagnol a montré que ce type d'effondrement du réseau est possible.
Il est donc raisonnable d'envisager la mise en place de mesures de précaution pour en minimiser les conséquences.
Ces mesures existent déjà pour protéger certaines installations sensibles et dont la pérennité doit être assurée : Centrales nucléaires, Hôpitaux, services de secours, signalisation des transports, communications, protection des personnes et des biens, etc.
Les moyens utilisés sont des batteries et/ou des groupes électrogènes.
L'extension de ces mesures à d'autres services doit être envisagée, particulièrement dans les domaines des transports et des communications.
L'analyse des causes du black-out espagnol ne seront pas connues avant plusieurs semaines, toute exégèse serait donc pure spéculation.
Le dernier rapport de RTE :
https://www.rte-france.com/actualites/foire-questions-black-out-28-avril-2025-sur-peninsule-iberique
Dit ce que l'on peut dire de sensé sur la question aujourd'hui.
Il y a du pain sur la planche...