La voiture électrique : la surenchère du plein en cinq minutes.
16 Avril 2025
Le dernier round du combat pour la conquête du marché de la voiture électrique se joue clairement sur la batterie.
( Cette course pathétique à la réduction du temps de recharge démontre, s'il en était besoin, que le problème est bien réel et qu'il ne s'agit pas d'un phantasme ).
Le saint graal de la recharge en cinq minutes et de l'autonomie de 700 km est donc le drapeau à damier qu'il faut franchir le premier pour figurer au podium des constructeurs qui maîtrisent la nouvelle technologie.
Au fait, de quoi parlons-nous exactement ?
La batterie en question n'est pas celle de la seconde voiture utilisée pour les déplacements locaux pour lesquels une réserve de 50 kWh est amplement suffisante, et que l'on peut recharger à la maison ou sur n'importe quelle borne de la station du coin.
Nous parlons ici de la batterie qui doit équiper la berline au long cours capable d'une autonomie de 700 km sur autoroute, celle qui figure sur le catalogue et fait briller les yeux du client fortuné. Celle aussi qui donnera son prestige à la marque, et fera vendre les modèles du milieu de gamme.
Un telle voiture a besoin d'une batterie de l'ordre de 180 kWh, puisque sa consommation sur autoroute est de 20 kWh minimum ( voir articles précédents s'il y a lieu ).
Pour recharger une telle batterie de 10 à 80 % ( procédure classique sur autoroute ) en cinq minutes, il faut une puissance de 1, 5 MW.
C'est la puissance max cumulée de 167 compteurs domestiques de 9 kW !!!
Et ceci pour une seule batterie !
La batterie capable de cette performance devra évidemment être capable de fournir le courant correspondant à cette puissance. Ce courant correspond au régime 12 C .
( 60 minutes divisée par 5 minutes = 12 )
Rappelons que les batteries actuelles de 50 à 70 kWh qui équipent les voitures moyennes vendues aujourd'hui sont spécifiées pour le régime max de 2C.
( Rappelons aussi au passage que le BMS de la voiture enregistre l'historique de la batterie et en particulier le régime auquel elle a été soumise, garantie oblige...)
Cette spécification 2C pour une batterie de 50 kWh signifie plusieurs choses :
D'une part, le régime de charge ne doit pas dépasser 100 kW. Inutile donc de se brancher à une borne de puissance supérieure car elle limitera d'elle-même la puissance fournie à 100 kW et donc la durée d'une recharge sera portée à 30 minutes dans le meilleur des cas.
( C'est le BMS de la voiture qui indique à la borne le régime de charge toléré par « cette » voiture...).
D'autre part, la puissance du moteur associé à cette batterie ne devra pas dépasser 100 kW environ
sous peine d'imposer à la batterie des conditions limites hors du cahier des charges.
( Par exemple le moteur d'une Peugeot 308 électrique est donné pour 115 kW... Avec un moteur plus puissant il faudrait une batterie plus « puissante » capable de supporter le régime 3C ou 4C...)
La recherche de performances supérieures pour le haut de gamme impose donc d'utiliser une batterie d'une capacité supérieure à 50 kWh et avec un régime de charge/décharge notablement supérieur à 2C.
Il s'agit non seulement d'améliorer l'autonomie, mais ( et peut-être surtout ) à permettre de monter des moteurs plus puissants, donc de monter en gamme.
C'est ainsi que l'on arrive à la batterie de 180 kWh (nominal) avec un régime de 12 C qui permet de recharger la batterie en 5 minutes, et de monter des moteurs très puissants dont certains frisent les 1000 kW. ( dans ce cas deux moteurs sont jumelés...). Et accessoirement d'avoir une autonomie de 700 km à 20kWh aux 100 km, ce qui correspond à un « petit » 130 km/h sur autoroute...
Fabriquer des batteries compatible avec le régime 12 C représente un énorme saut technologique que certains fabricants de batteries annoncent avoir déjà réalisé, au moins en bureau d'études..
Par exemple, les plus récentes annonces de BYD portent sur une technologie de batterie LFP capable de recharger 80 kWh environ en 5 minutes, donc avec une puissance de 960 kW, ce qui correspond à peu près au régime de 10 C pour une batterie d'environ 100 kWh .
Mais 80 kWh ne donnent qu'une autonomie de 400 km environ.
Il en faut presque le double pour arriver aux mythiques 700 km...
Ces puissances ne sont pas compatibles avec les tensions habituelles de 370 à 400V.
( Courant trop important, trop de cuivre, trop d'échauffement...)
il faut adopter une tension très supérieure afin de conserver des valeurs de courant « raisonnables ».
On utilise alors une tension de l'ordre de 800 V.
Mais encore faut-il que toute la chaîne de motorisation soit conçue pour travailler à des tensions aussi élevées, particulièrement les semiconducteurs de l'onduleur, le moteur lui-même, et bien entendu les bornes de recharge et les câbles. Un monde nouveau...
Ces batteries appelées à faire transiter des puissances frisant le Mégawatt dissipent elles-mêmes de la chaleur au prorata de leur rendement, lequel dépend du choix des matériaux et de la façon dont ils sont utilisés.
BYD annonce disposer de semiconducteurs capables de travailler à 1000 V, et de participer au développement de bornes de 1 360 kW capables de fournir l'énergie nécessaire pour recharger en cinq minutes une batterie de 180kWh.
Il est évident que le développement d'un réseau de bornes de recharge capable de recharger ces batteries ne sera pas le défi le plus simple à relever...
( Un tel réseau serait évidemment utile également pour les camions électriques...)
Une étape intermédiaire avec la recharge en Dix minutes ( régime 6C ) d'une batterie de 120 kWh serait déjà une avancée de nature à relancer le marché de l'électrique qui en aurait bien besoin.
Bien sûr il faudrait avoir les bornes de 600 ou 700 kW capables de fournir en dix minutes la charge demandée, si possible dans une technologie 800 V, ce qui est une autre paire de manches...
La recherche de l'autonomie de 700 km ET de la recharge en cinq minutes nécessitent un saut technologique considérable, surtout si l'on recherche en même temps une améliorations sensible de la fiabilité, une réduction significative du poids et un coût compatible avec les attentes du marché.
C'est ainsi qu'une infrastructure de recharge commencée historiquement avec des bornes de 50 kW en 400 V ( Dites à l'époque « bornes rapides » ) se retrouve complètement dépassée par ce nouveau besoin de bornes de près de 1 000 kW en 800 V dont on imagine sans peine le coût d'investissement pour les stations de recharge, et surtout pour le « up-grading » du réseau électrique chargé d'alimenter ces bornes.
( Coût qui sera évidemment répercuté sur le coût du kWh vendu au client final ).
Cette course à l'autonomie de 700 km et la recharge en cinq minutes peut conduire à une impasse si la technologie ne permet pas de réduire le poids et le coût de ces batteries, et si le réseau de recharge hyper puissant ne suit pas pour des raisons de saturation des capacités de pointes.
( Comme dirait l'autre, « ça passe ou ça casse...).