La voiture électrique, des compromis oui, mais lesquels ?
7 Avril 2025
La voiture électrique est semblable à ces kaléidoscopes qui offrent une image nouvelle en secouant le tube.
Ici il s'agit non pas de secouer un tube (quoique..), mais de considérer la voiture électrique de différents points de vue :
Du point de vue théorique de la conformité à la transition énergétique, elle offre une solution idéale :
Elle permet de diviser par trois la consommation d'énergie, de remplacer le pétrole par une énergie renouvelable, de supprimer les émissions de CO2 fossile, et de supprimer les émissions de gaz et de microparticules toxiques …..Mais à certaines conditions...
Du point de vue de l'utilisateur potentiel adhérant à la mouvance écologiste, elle est un « cadeau » du Père Noël que l'on s'empressera d'acquérir « dès que son prix sera au niveau du budget du ménage... » ce qui n'est pas demain la veille...
( Les purs écologistes ne sont pas légion dans la tranche de salaire qui permet d'acheter une voiture neuve, même avec la subvention de l'Etat ; alors, sans subvention...).
Du point de vue de l'utilisateur potentiel moyen, mais soucieux de ne pas avaler un remède pire que le mal, le véhicule électrique en lui-même est certes reconnu comme un progrès technologique indéniable, mais quid de l'empreinte carbone de la chaîne de fabrication depuis l'extraction et le raffinage des métaux spéciaux, de la consommation d'eau, du travail des enfants dans les mines, des émissions de CO2 cachées, des pertes d'emplois potentielles, et surtout de la seconde vie de ces voitures et du recyclage de leurs batteries, de l'origine de l'électricité utilisée pour la recharge des batteries, etc...
De quoi s'interroger avant d'ouvrir le carnet de chèques...
Du point de vue du client intéressé ( qui ne l'est pas ? ) par la rentabilité financière tant vantée à propos de l'électrique, quel sera le marché de seconde main pour ces véhicules essentiellement évolutifs et donc rapidement démodables ? Et quel sera de prix de l'électricité de la recharge lorsque la TICPE sera transférée sur l'électricité de recharge, si elle l'est un jour . Il est donc urgent d'attendre et ne pas acheter chat en poche...
Du point de vue du vieux briscard un peu pinailleur, et qui regarde toujours l'envers de la médaille, deux ou trois choses lui posent problème avec l'électrique :
Cette histoire de grande sensibilité de la batterie à la température, et au risque d'emballement thermique ; cette autonomie fantaisiste annoncée à partir d'une batterie chargée à 100 % alors que la recharge rapide est limitée à 80% ( ?! ) ; cette impossibilité de tracter une remorque, ou encore de rouler sereinement à 130 sur l'autoroute sans vider la batterie prématurément, toutes choses qui sentent l'à peu près...Le pas très au point...
Du point de vue du client pour qui la bagnole est ( et doit rester ) un outil sans prise de tête, cette histoire d'autonomie fantaisiste, de recherche de bornes de recharge à travers un outil informatique dont l'écran demande d'y consacrer plus de temps qu'à regarder la route pour assurer la conduite, et cette histoire de câbles à trimballer dans le coffre, est tout simplement une sainte farce qui ne saurait gagner son adhésion. A revoir dans dix ans...
Du point de vue du client qui n'achète que des bagnoles d'occase ( Plus de 80% des transactions tout de même...) pas question d'acheter une électrique de deux ou trois ans, dont la batterie a fait son temps et dont le remplacement coûtera les deux bras, ou ne sera plus disponible en magasin...
Tant que le pétrole coulera à flot, et pour un coût encore gérable, une bonne vieille thermique fera l'affaire...Au besoin convertie à l'E85 ou autre tord boyaux équivalent...
Du point de vue de l'automobiliste qui doit se conformer à la réglementation sans avoir à subir telle ou telle restriction de circulation qui lui interdirait certains secteurs auxquels il doit accéder de par son activité, l'achat d'une électrique devient une obligation administrative qui prend le pas sur les autres considérations, sauf à changer de métier ou déménager... Il faudra donc y passer, mais le plus tard possible...
Du point de vu de l'utilisateur pour lequel la voiture est devenue une prothèse désormais indispensable, remplacer une prothèse par une autre n'est concevable que si la nouvelle apporte des améliorations significatives dans sa fonction de prothèse, ce qui n'est pas le cas de la voiture électrique, qui exige au contraire une attention particulière avec un œil sur l'autonomie restante, un autre œil sur l'indication d'une éventuelle borne de recharge, si elle est disponible, si elle accepte d'accueillir n'importe quel client, et quelle puissance elle peut délivrer, et quel est sont tarif...
En guise de prothèse, la bagnole électrique exige plutôt l'attention que l'on accorde à un malade que l'on doit conduire au centre de secours le plus proche...
Par contre mon voisin, cultivateur-éleveur, déjà possesseur d'un 4x4 pour vaquer à droite et à gauche dans les chemins boueux et tirer une remorque à bestiaux, et d'une thermique classique pour les déplacements longs, vient d'acquérir un VEB de gamme moyenne pour les courses locales, qu'il recharge sur place grâce à la couverture photovoltaïque de sa grange.
Il en est très satisfait ; l'autonomie de 300 km lui convient très bien, la consommation demeure raisonnable car les autoroutes de Bretagne sont limitées à 110...et les parcours courants dépassent rarement cent km. Mais combien de cultivateurs éleveurs en France... ?
On ne fait pas du business avec des pourquoi, des comment, des si, des demain, il faut un peu plus de consistance pour amener les clients à choisir ce produit plutôt qu'un autre.
( Sauf à supprimer « l'autre », le thermique, mais avec le risque de créer un problème insoluble ; le « ça passe ou ça casse » peut très mal se terminer...).
Du point de vue du constructeur historique de voitures, l'électrique est l'éléphant dans le magasin de porcelaine. L'empêcheur de danser en rond, le briseur de rentes de situations.
Le marché d'autrefois, basé sur la seule technologie thermique et sur le pétrole, se diversifie et des choix doivent être faits sachant que le thermique ne sera pas supplanté totalement par l'électrique pour des raisons évidentes de disponibilité de réseaux de distribution d'électricité décarbonée.
Et d'autre part, il faut du temps et de la conviction pour transformer une industrie métallurgique en une entreprise d'électrotechnique spécialisée dans l'électrochimie et l'électronique de puissance.
( Pas grand'chose à voir avec la mécanique de papa...)
Dans une lampe de poche, la valeur ajoutée c'est la pile. Il en va de même pour la voiture électrique.
Il est plus facile de produire une voiture électrique quand on a déjà la batterie ( exemple BYD ) que l'inverse.
Les constructeurs européens ne diront pas le contraire, qui commencent à s'apercevoir qu'une voiture électrique c'est d'abord une batterie...
Mais la pure voiture électrique à batterie n'est pas forcément la seule réponse à la nécessaire transition énergétique.
Les raisons de se planter dans les choix stratégiques sont nombreuses tant sont variés les « concepts » innovants vantés ici et là :
La ceinture et les bretelles avec l'Hybride rechargeable ?
L'électrique avec le « range extender » ?
Le thermique de papa avec du carburant décarboné, mais lequel et à quel prix ?
L'électrique à Hydrogène et pile à combustible ?
Il faudra avoir l'échine souple pour s'adapter à l'air du temps car toutes ces solutions auront leur utilité lorsqu'il s'agira de passer aux choses sérieuses, c'est-à-dire faire face à une pénurie « réelle » de pétrole.
Car ce pétrole, dont ont annonce la disparition imminente depuis vingt ans, se porte encore bien puisque sa production mondiale est encore en augmentation :
48 560 TWh en 2020
51 255 TWh en 2022
Ref :
https://www.connaissancedesenergies.org/fiche-pedagogique/petrole
Comme dirait l'autre : « Il n'y a pas encore le feu au lac ».
Les exhortations vers une modération de la consommation d'énergie fossile n'ont encore qu'une influence toute relative sur le monde réel.
Le passage de la voiture thermique à l'électrique est ainsi beaucoup plus qu'un simple ajustement technologique dans un secteur limité, il est un bouleversement en profondeur de l'ensemble des filières de l'énergie et de la prospection minière au sens large.
( Certains événements actuels sont une des premières manifestations de ce bouleversement )
Il ne s'agit plus de remplacer un modèle de voiture par un autre, mais de changer le modèle de développement du monde.
Nos « petits » problèmes de batteries de voitures ne sont que l'un des aspects du problème général du stockage de l'énergie qui se posera lorsque les fossiles auront disparu...