La voiture électrique à batterie, et si on arrêtait de rêver ?
21 Mars 2025
La décision de relancer la voiture électrique a été prise sans véritable étude de marketing.
Il n'a été procédé à aucune étude de marché préalable; pas plus sur la définition d'un cahier des charges du véhicule lui-même que sur les exigences du marché en termes de disponibilité du nouveau carburant électrique décarboné, ni sur la disponibilité et le coût des nouveaux matériaux qui seraient nécessaires à la fabrication du nouveau produit.
Cette façon de procéder, contraire aux règles les plus élémentaires, ne pouvait conduire qu'à la plus grande confusion telle que nous la constatons aujourd'hui.
L'idée directrice était déjà dans l'air depuis la crise pétrolière de 1973 : Il s'agissait alors de trouver une solution pour pallier le manque de pétrole et/ou une flambée des prix qui auraient créé une grave crise de l'automobile.
Faut-il rappeler que cette tentative d'électrifier la voiture avorta pour deux raisons majeures : Une fois passée la crise, le pétrole s'est rétabli et les quelques voitures électriques mises sur le marché ont vite rencontré le problème de la batterie, la technologie de l'époque étant largement insuffisante.
Au tournant du présent siècle, le problème est revenu sur le tapis , avec toujours l'argument d'une crise pétrolière imminente, et surtout la nécessité impérieuse de stopper la croissance du taux de CO2 atmosphérique responsable de la catastrophe climatique annoncée.
L'électrification des voitures devint l'étendard de la transition énergétique.
Cette fois, on pensait pouvoir échapper à la malédiction de la batterie grâce à la nouvelle technologie au Lithium capable de permettre à la voiture électrique de faire « jeu égal » avec l'ancêtre à pétrole.
Bien sûr les ingénieurs de l'électrochimie avaient bien conscience que l'état de l'art en matière de batteries au Lithium n'était pas à la hauteur des exigences du cahier des charges automobile, qui est parmi les plus sévères.
Mais on y était presque, et quelques années de travaux supplémentaires devraient suffire à toucher le « Saint Graal » et renvoyer le pétrole dans les enfers du sous-sol, au moins pour ce qui concerne la part consommée par les voitures, qui n'est pas la plus élevée, il s'en faut de beaucoup...
A la décharge des décideurs de cette opération, il faut reconnaître que la chose paraissait relativement simple : Pour faire une voiture électrique, il « suffit » de remplacer le moteur thermique et le réservoir de carburant par un moteur électrique et une batterie.
Et puis l'objectif était noble : il s'agissait à la fois de remplacer le pétrole coresponsable du réchauffement climatique, de diviser par trois la consommation d'énergie, et d'assainir l'Atmosphère de nos villes.
Trois raisons qui ont conduit à investir massivement dans la nouvelle technologie, sous l'aiguillon de la réglementation sur la limitation des émissions de CO2 des véhicules.
( Réglementation qui rend « de facto » les moteurs thermiques non conformes, donc condamnés à terme... Une façon moderne de « brûler ses vaisseaux », qui pourrait nous coûter très cher ).
Mais, la confrontation avec les réalités du terrain a montré que cette ambition se heurte à certaines difficultés techniques, dont la principale est l'autonomie encore notoirement inférieure à celle des modèles thermiques de même catégorie, et surtout très variable selon les conditions d'utilisation.
L'autonomie d'une voiture thermique de gamme moyenne est de 7 à 800 km. Un modèle électrique équivalent, consommant environ 20 L/100 km devrait donc emporter une réserve d'énergie de 150 kWh, soit une batterie de capacité nominale de 170 à 180 kWh pour égaler cette autonomie.
Dans la technologie actuelle, un telle batterie serait beaucoup trop lourde et son coût beaucoup trop élevé.
De plus, pour recharger une telle batterie en moins d'un quart d'heure ( Ce qui est le second but à atteindre, justifiant le premier ), il faudrait des bornes de plus de 600 kW, qui posent un autre problème d'adaptation du réseau de distribution électrique, et de conception de la batterie qui devrait passer à 800 V contre 400 V actuellement.
Dans l'état actuel de la technologie des batteries, il est donc impossible d'offrir une autonomie équivalente à celle du modèle thermique de milieu de gamme.
Mais est-ce bien grave docteur ?
Les bons esprits se demandent quel est l'intérêt d'avoir une autonomie de 700 km alors que le kilométrage journalier moyen d'une voiture ne dépasse pas 33 km ( 12 000 km/an, chiffre officiel ) .
Hélas, la moyenne n'est qu'une partie de l'information, qui cache des disparités considérables entre les cas particuliers.
Certains usagers n'utilisent leur voiture que localement et/ou pour des déplacements de quelques dizaines de km. Une autonomie de 200 km leur convient parfaitement.
D'autres par contre en font un usage intensif, parfois 50 à 100 000 km/an et sur des trajets au long cours. Ceux là n'ont que faire d'une auto qu'il faudra ravitailler souvent et en perdant une heure à chaque fois...
Pour dorer la pilule, les marchands de voitures tentent d'appâter les clients par des valeurs d'autonomie alléchantes, mais sans aucun rapport avec la réalité de l'usage sur autoroute, bien que conformes aux normes WLTP.
( L'acheteur d'un modèle garanti pour 400 km WLTP, qui se trouve à sec au bout de 200 km sur l'autoroute n'apprécie pas la plaisanterie et le fait savoir...).
Le développement du marché de la voiture électrique pure de heurte donc à l'obstacle de la batterie qui sous-tend en fait trois problèmes qui demeurent aujourd'hui sans solution :
- La technologie de batterie au Lithium ne permet pas aujourd'hui d'offrir une capacité énergétique utile de 150 kWh ( Eh oui, c'est ce qu'il faut pour obtenir une autonomie de 700 km, et un régime charge/décharge de 5C ( C'est aussi ce qu'il faut pour recharger en moins d'un quart d'heure ), et le tout pour un poids et un coût acceptables.
- Si cette batterie est disponible un jour ( Quand ? ) son prix la destinera au haut de gamme, ce qui ne résoudra pas le problème du milieu de gamme qui n'aura toujours pas accès à l'autonomie rêvée.
- Par ailleurs, une éventuelle généralisation des batteries à forte capacité entraînerait une augmentation considérable de la demande de matériaux spécifiques, et donc au mieux une hausse des cours et au pire une pénurie.
La volonté d'étendre la solution tout électrique à l'ensemble du parc des véhicules légers ( 1,5 Milliards dans le Monde, avec une demande croissante ) ressemble de plus en plus à une impasse.
La nécessité de recourir à une ou des solutions complémentaires devient de plus en plus prégnante pour plusieurs raisons :
- La limitation durable de l'autonomie réelle des voitures électriques de milieu de gamme, qui font le gros du marché, aura un impact négatif sur l'expansion de ce marché.
( En clair, si les clients n'en veulent pas, il sera difficile de les faire changer d'avis...)
- La tentative d'augmenter cette autonomie par une augmentation de capacité des batteries aura un impact négatif sur les prix et donc sur le marché du milieu de gamme, et également sur le marché mondial des composants des batteries.
- La substitution des voitures thermiques par les seules voitures électriques à batterie n'a de sens que si l'énergie électrique est décarbonée, ce qui est très loin d'être le cas, y compris en Europe.
- De nombreuses régions du Globe disposent d'un réseau électrique suffisant pour les besoins domestiques courants, mais incapable de fournir la puissance nécessaire à la recharge des batteries.
( de la recharge au domicile sur des bornes de 3 à 6 kW, on en est déjà à des bornes routières de 300 kW, voire beaucoup plus...)
La solution complémentaire la plus accessible est déjà en service dans de nombreux pays du Sud et partiellement en Europe. Elle conserve le moteur thermique et remplace le pétrole par des biocarburants et/ou du Biogaz.
( Selon IFP/EN ces biocarburants représentent 4,3% de la consommation mondiale de carburants des transports ).
Cette solution a l'avantage de ne nécessiter aucun investissement coûteux sur la voiture elle-même, ni sur le réseau de distribution des nouveaux carburants.
Même si elle ne permet pas de réduire la demande énergétique, elle a le mérite d'exister et d'assurer une transition sans rupture tout en étant neutre en CO2.
Par contre, si elle est mal contrôlée, elle peut entrer en concurrence avec les cultures vivrières et/ou encourager les déforestations.
L'autre voie est celle des carburants de synthèse, en cours de développement pour l'aviation, et dont l'usage pourra être étendu aux autres moyens de transport pour lesquels la batterie ne convient pas.
Les autres « solutions » complémentaires sont l'Hybride PHEV, et l'électrique à Hydrogène et pile à Hydrogène.
- L'Hybride PHEV, peut être n'importe quoi entre l'électrique pur et le thermique électrifié, selon la répartition entre les deux procédés. C'est un pur produit de la réglementation locale du moment, incluant le malus au poids et les règles des ZFE.
Une variante du PHEV consiste à réserver le moteur thermique à la seule fonction de recharge de la batterie ( REX, Range Extender ), ce qui permet de réduire le poids de la mécanique et d'augmenter (un peu ) la capacité de batterie.
- L'électrique à pile à Hydrogène est une sorte d'usine à gaz exotique qui nécessite de disposer d'un réseau de distribution d'Hydrogène, peu crédible sauf pour usages locaux.
Le seul « avantage » de l'Hydrogène est la possibilité de « faire le plein » en quelques minutes.
Mais tout ceci sera à reconsidérer si les sources d'Hydrogène naturel récemment découvertes sont confirmées en tant que flux, et si leur potentiel énergétique est significatif.
L'industrie automobile est à la croisée des chemins :
Les obstacles à l'électrification à 100% du parc mondial des véhicules légers s'avèrent nombreux et pour la plupart systémiques.
Partant de ce constat, on peut prévoir qu'une part significative de ces véhicules conservera le moteur thermique, mais avec du biocarburant ou du biogaz, éventuellement du carburant de synthèse.
D'autre part, parmi les véhicules électrifiés, une part significative sera constituée d'Hybrides PHEV.
Les trois types de véhicules devront être disponibles sur le marché, ce qui posera un problème de choix pour les constructeurs historiques.