24 Janvier 2025
Compte tenu du prix des batteries, et des recommandations concernant les précautions d'emploi à respecter pour en obtenir le meilleur service, une certaine inquiétude quant à leur fiabilité et leur durée de vie n'a pas manqué de se répandre parmi les propriétaires de VEB, et surtout parmi les acheteurs potentiels.
D'autant plus que, du moins actuellement, le coût de remplacement d'une telle batterie est plutôt dissuasif.
Pour calmer une rumeur qui « aurait » pu avoir une mauvaise influence sur les ventes, les autorités compétentes de la CE ont adapté la norme Euro 7, qui fixe désormais entre autres des valeurs de durabilité de la batterie avec l'objectif de rassurer les futurs clients.
« La capacité de la batterie devra avoir conservé une valeur supérieure à 72% de sa valeur initiale au bout de 10 ans ou 180 000 km ». ( ces valeurs étant susceptibles d'être aménagées).
De plus, à la voiture devra être associé un PEV ( Passeport Environnemental du Véhicule ), une sorte de carnet de santé ( numérique?) portant, entre autre, diverses informations sur l'état de la batterie.
Tout ceci étant applicable dès 2026, et déjà contenu dans les assurances proposées par les concessionnaires.
Comme tout accumulateur électrochimique, les batteries au Lithium des voitures électriques sont affectées par un processus de détérioration plus ou moins rapide et plus ou moins important selon les conditions d'utilisation, et bien sûr le niveau de qualité.
Parmi les facteurs affectant les performances, puis la santé de la batterie, on peut citer :
- Le nombre élevé de recharges ( Cyclage ) et leur profondeur.
- Le non respect des consignes d'utilisation préconisées par le constructeur.
- La conduite sportive, qui multiplie les appels de courant importants et répétés.
- La conduite sur autoroute, qui sollicite la batterie de manière permanente avec un courant élevé et donc une élévation de température génératrice de dégradations des processus électrochimiques.
- Les recharges rapides, qui correspondent à des régimes de courants très supérieurs ( 2C, 3C...) au régime « normal » < 1C utilisé sur route.
- L'immobilité prolongée ( Vieillissement calendaire ).
- L'utilisation par des températures extrêmes ( Hivernales ou estivales ).
- Etc.
Bref, tout ce qui fait la vie d'une voiture...
Une même batterie pourra ainsi vieillir prématurément, ou rester encore fringante bien au-delà de dix ans, selon le mode d'utilisation pratiqué par le ou les propriétaires.
Les paramètres mesurables principaux qui caractérisent l'état d'une batterie sont le SOC et SOH.
Le SOC ( State Of Charge ) est relatif à la diminution du nombre d'ions Lithium en état de participer activement aux échanges à travers la membrane échangeuse d'ions, et donc à la capacité effective de la batterie.
( La capacité d'une batterie est proportionnelle au nombre d'ions Lithium libres de se déplacer d'un côté à l'autre de l'électrolyte.
Au cours du vieillissement, un certains nombre d'ions sont détournés définitivement de leur vocation première par diverses réactions secondaires qui les immobilisent et donc réduisent la charge électrique globale disponible. Certains de ces ions peuvent même s'accumuler jusqu'à former des « dentrites », sorte de stalactites génératrices de court-circuit...)
Le SOC est une mesure importante de la dégradation du processus d'échange d'ions entre l'anode et la cathode.
Le SOH ( State Of Health ) mesure l'augmentation de la résistance interne de la batterie.
Cette résistance est le résultat de diverses composantes : ohmique, électrochimique, de concentration, dont la valeur globale augmente en fonction de l'utilisation et du temps.
( Il en résulte une perte de puissance disponible et un échauffement de la batterie ).
Le SOC et le SOH sont ainsi complémentaires dans l'appréciation du vieillissement de la batterie.
( On considère qu'une batterie qui a « perdu » plus de 30 % de sa capacité initiale doit être remplacée. Non pas seulement à cause du manque de capacité, mais à cause du risque de détérioration d'une ou plusieurs cellules susceptibles d'être cause d'un accident majeur ).
Le diagramme suivant est un exemple de la répartition statistique de baisse du SOH en fonction de la fréquence des recharges rapides.
Les BMS ( Batterie Management System ) est en principe chargé de mesurer et d'enregistrer (entre autres) périodiquement le SOC et le SOH . Il est ( sera ) possible, toujours en principe, d'accéder à ces valeurs grâce à l' OBD ( On Board Diagnostic ).
Ces valeurs doivent ( devront) figurer dans le PEV du véhicule.
Lors de l'achat d'une voiture électrique en seconde main, il sera donc en principe possible de connaître l'état de sa batterie et ainsi d'éviter les mauvaises surprises.
( Il existe des « kits » à brancher sur le connecteur OBD pour obtenir ces indications...)
Leurs valeurs initiales étant référencées dans le carnet d'entretien ( ou dans le PEV s'il y a lieu ).
Tout cela n'est valable bien entendu que si le BMS n'a pas été reprogrammé ...
( Et c'est là qu'est l'os, comme dirait mon cousin...)
Les voitures électriques sont ainsi vendues avec deux assurances (!) : l'une, classique, pour la voiture ; l'autre pour la batterie.
Concernant la batterie, deux paramètres sont pris en compte pour faire « jouer » l'assurance :
La valeur seuil de baisse du SOC, en général 75% de la valeur nominale, parfois moins..
Le kilométrage, en général 160 000 km, parfois plus.
( D'autres valeurs seuils différentes peuvent être proposées par les marques...)
Les motifs d'exclusion de cette garantie, il y en a, varient d'une marque à l'autre.
Elles portent essentiellement sur les conditions d'utilisation, dont l'historique est normalement enregistré par le BMS.
Par exemple : Abus de la charge rapide*, profondeur de décharge excessive, périodes d'immobilisation trop longues, utilisation inappropriée de la batterie, traces de chocs assimilables à un accident, traces de « bidouillage », etc).
*( On notera qu'un automobiliste qui utilise l'autoroute utilisera également souvent la charge rapide....chercher l'erreur.)
Le propriétaire d'une voiture électrique achetée neuve est ainsi couvert par l'assurance batterie dans les limites indiquées ci-dessus, selon le kilométrage ou le SOH + SOC .
Un fort rouleur sortira de la garantie assez rapidement ( 2 ans pour 80 000 km/an )*.
*( Comme, en plus, il utilise beaucoup l'autoroute, donc la charge rapide pénalisée par le contrat d'assurance, sa garantie aura rapidement fondu au soleil...Chercher la deuxième erreur ).
Il résulte de tout cela que l'avenir de la batterie au-delà des huit années de la garantie, parfois bien avant, n'est pas assuré, au sens propre...
Mais une batterie de bon aloi, utilisée dans les règles de l'art, peut très bien conserver SOC et SOH dans des limites très convenables durant beaucoup plus de dix ans...sans perdre plus de 15% de sa capacité initiale et de son SOH.
Le marché de l'occasion devient, dans cette perspective, la chasse à la perle rare de la voiture de deux ou trois ans d'âge, dont la batterie aura conservé un SOC et un SOH de bonne facture, un kilométrage inférieur à 50 000 km, et un historique ( PEV ) attestant d'un usage en père de famille...et si possible avec prolongation du contrat d'assurance batterie.
Mais la décote sera faible et donc le prix élevé...La voiture ne sera pas bradée.
Tout autre choix devra être pesé par rapport à la décote consentie d'une part et au risque de devoir remplacer la batterie d'autre part.
Aujourd'hui, monter une batterie neuve, au prix exorbitant, sur une voiture déjà âgée, n'est ni rationnel, ni rentable financièrement ; autant acheter du neuf.
Par ailleurs, le reconditionnement d'une batterie est possible, mais dans des limites strictes. On peut changer quelques éléments défectueux, mais on ne rajeunira pas les autres, et il est hasardeux de faire travailler ensemble des éléments neufs et des éléments avec SOC et SOH déjà atteints par l'âge.
Les batteries « reconditionnées » sont réutilisables mais dans des applications de stockage à poste fixe, avec certaines réserves liées à la sécurité .
Le reconditionnement ne supprime pas l'âge des éléments puisqu'il n'intervient pas sur la chimie des modules qui sont conservés..Une « vieille » batterie reconditionnée reste une vieille batterie...
Le marché de la voiture électrique d'occasion demeure donc « terra incognita ». Il faut s'y aventurer avec les plus grandes précautions, du moins tant que la batterie demeurera la pièce la plus chère de la voiture.
( 30% du prix de la voiture neuve, et beaucoup plus s'il faut la remplacer sur une voiture d'occasion, et si elle est encore disponible en magasin... ).
Le succès commercial d'une voiture est conditionné par l'existence d'un marché de l'occasion digne de ce nom. C'est vrai aussi pour la voiture électrique.
Sans un marché de l'occasion solide, le VEB deviendra un objet jetable, une niche sans avenir planétaire.
Il est donc impératif de faire évoluer la batterie vers une technologie permettant à terme de la produire à un coût compatible avec les besoins d'un marché de seconde main.
On aurait tort de sous-estimer les progrès qu'il reste à accomplir pour amener la batterie au niveau technologique nécessaire :
- Atteindre un niveau de capacité spécifique suffisant pour offrir 150 kWh de capacité utilisable pour un poids acceptable.
- Trouver une technologie assurant un fonctionnement à l'abri des emballements thermiques.
- Offrir une plage de température de fonctionnement comparable à celle des autres composants électroniques, soit – 10 °C à + 80 °C.
- Permettre un régime de charge de 5 C en charge rapide sans dépasser la température maximale.
- Avoir une durée de vie compatible avec le marché de l'occasion.
Ce cahier des charges extrêmement sévère, mais souhaitable, ne pourra pas être atteint (s'il l'est un jour ) sans de difficiles, longues, et coûteuses recherches, qui devront s'accompagner de travaux de normalisation permettant un minimum de compatibilité ( matérielle et électrique ) entre des batteries de diverses origines, afin de multiplier les sources d'approvisionnement, créer une concurrence, et faciliter le remplacement de la batterie le moment venu.
Tenter d'imposer et de généraliser par la réglementation une solution encore non adaptée à tous les besoins serait un pari très risqué qui pourrait avoir des conséquences économiques désastreuses, notamment celle de renforcer l'intérêt pour des solutions à moteurs thermiques utilisant des carburants alternatifs décarbonés, ou tout simplement conserver les hydrocarbures pour les besoins des régions ne disposant pas d'électricité décarbonée...