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9 octobre 2023 1 09 /10 /octobre /2023 15:07

 

La transition énergétique, un coup de pied dans une fourmilière...

9 Octobre 2023

Le Monde dit « développé » fonctionne encore essentiellement grâce aux réserves d'énergies fossiles, qui sont limitées par définition.

L'épuisement inéluctable de ces réserves nous impose donc de leur trouver une ou des solutions de remplacement pérennes et/ou renouvelables.

Jusqu'à une date récente, « nous » pensions pouvoir disposer d'un délai confortable ( un siècle ou deux ) pour procéder « tranquillement » à cette substitution, sans urgence particulière.

( Tout au plus y avait-il dans l'air un semblant de préoccupation se traduisant par de molles incitations à réduire nos appétits énergétiques. Mais la courbe de croissance de la consommation mondiale d'énergie a montré, s'il en était besoin, l'inefficacité de ces recommandations ).

Cette insouciante époque a pris fin avec le constat de l'effet pernicieux du dégagement de CO2 fossile sur le climat de la Planète, et a mis un terme à la relative béatitude qui régnait dans le monde de l'énergie.

Après analyse par les experts, il s'est avéré que le délai pour procéder au remplacement de ces fossiles n'est plus de deux siècles, mais de quelques décennies seulement, autant dire demain matin, si l'on veut échapper à un hiroshima climatique.

Et de plus, même dans l'hypothèse d'une transition énergétique rapide et efficace, nous ne pourrons pas échapper aux premières manifestations de ce réchauffement dévastateur...

L'effet de ce constat fut celui d'un coup de pied dans une fourmilière.

La chasse aux émissions de CO2 devenait, toutes affaires cessantes, la condition de notre survie.

( Le « notre » en question concerne, du moins on l'espère, la totalité des espèces vivantes )

Le développement des sociétés humaines est fondé sur le machinisme, donc sur la consommation d'énergie puisque le mouvement perpétuel n'a toujours pas été inventé. Nous utilisons des quantités colossales d'énergie, dont aucun chiffre ne peut donner l'idée.

Aujourd'hui cette énergie est à 80% fossile, donc émettrice de CO2. C'est donc la quasi totalité de la structure machiniste de la Planète qui doit être réformée et convertie à des sources d'énergie « propre » au sens de non perturbatrice du climat.

( Car, en matière de propreté dans les utilisations des différentes sources d'énergie, il y aurait beaucoup à dire...)

Cette conversion doit être réalisée si possible sans abandonner le principe de généralisation de nos modes de vie « occidentaux » au reste du Monde, dans le respect de l'égalité des chances pour les sociétés humaines, et dans la perspective de la croissance démographique portant à 10,5 Milliards la population mondiale en 2100, selon les Nations Unies.

( C'est du moins la doxa prêchée ici et là et non remise en question jusqu'à présent...)

L'énormité de ce challenge est apparue progressivement, à mesure de l'avancement des programmes destinés à l'accomplissement de cette transition.

Contrairement aux apparences, Le problème n'est pas de chercher les nouvelles énergies « propres » qui pourraient remplacer les énergies carbonées.

En effet, nous les connaissons déjà depuis longtemps :

Hydraulique, Solaire, Eolien, Nucléaire, Géothermie, Biomasse solide, liquide ou gazeuse, sont des domaines déjà expérimentés et porteurs d'un potentiel énorme pour la production d'énergie décarbonée ou à carbone recyclable.

Ces sources d'énergie renouvelable sont déjà mises en œuvre et expérimentées depuis des décennies, mais à une échelle encore modeste par rapport aux fossiles.

( On pourrait même en ajouter deux autres, qui pourraient contribuer à moyen et long terme : L'Hydrogène naturel, porteur d'un potentiel énorme, mais encore à confirmer, et la fusion nucléaire qui prendrait la suite de la fission ).

Il n'y a donc pas d'impossibilité technologique majeure susceptible d'empêcher la mise en œuvre de la transition énergétique.

( sinon quelques soucis du côté des sources d'approvisionnement de certains minéraux, mais qui devraient pouvoir se résoudre grâce aux progrès de la recherche ).

Les vrais problèmes sont d'un autre ordre :

- Le premier est évidemment le financement, car des milliers de Milliards devront être investis chaque année pour mettre en œuvre cette transition, alors que le retour sur investissements n'est pas encore tout à fait démontré ( c'est un euphémisme ).

L'attitude du financier et/ou du décideur à l'égard de cette révolution énergétique est celle d'une poule qui aurait couvé un œuf de canard..

( On voit par exemple dans « certains » pays avancés qu'il existe encore des querelles sur le type de renouvelables à développer, sur les mérites respectifs de l'eolien, du solaire, du nucléaire, et où existe la plus grande confusion entre les cinq ou six sortes d'Hydrogène auxquelles on a même attribué des couleurs, sans très bien savoir à quels usages ils seront destinés...Sans parler de la Biomasse à laquelle on accorde un fort potentiel, mais sans très bien savoir si son carbone recyclable autorisait à la classer dans les énergies décarbonées ou bien dans les énergies de substitution des fossiles, ce qui n'est tout à fait la même chose ).

En clair, on sait qu'il faut investir dans la transition énergétique, mais on ne sait pas très bien dans quel domaine, ni où trouver les sous …

Une particularité de notre « civilisation » machiniste est de reposer sur un échafaudage financier dont les ressorts s'appellent taux d'intérêt, taux d'actualisation, valeur boursière, durée d'amortissement, taux d'imposition, retour sur investissement, parts de marché, concurrence, etc, sans qu'il soit à aucun moment question du bien-être des peuples, préservation des valeurs de progrès social, ou autres considérations humanitaires à l'égard des générations actuelles, et encore moins des futures...

Pour passer outre ces blocages, on faisait autrefois appel à l'Etat. Aujourd'hui on cherche plutôt à l'évincer car suspecté d'être un «  empêcheur de financer en rond ».

(A ce sujet il n'est pas inutile de se référer à l'époque ancienne où furent réalisés les grands travaux qui dotèrent la France de parcs nucléaires et hydroélectriques qui n'auraient jamais pu être réalisés par les méthodes de gouvernance financière actuelles).

Il semble que certains penseraient à remette le rôle de l'Etat au premier plan, acceptons-en l'augure..

- Le second problème tient à la multiplicité des axes à développer simultanément pour réaliser la transition :

Jusqu'à présent l'énergie fossile s'obtenait soit en perçant des trous dans le sol pour les pays pourvus de réserves, soit en signant des chèques pour l'acheter ailleurs, et en se faisant livrer par bateau ou par une tuyauterie adéquate, après avoir signé des accords sur un fond géopolitique douteux sans trop regarder l'aspect indépendance énergétique, et dont on constate aujourd'hui les effets néfastes.

Cette époque est révolue. Désormais il faudra « fabriquer » soi-même son énergie, ce qui signifie créer de toutes pièces une industrie dédiée, ce qui n'est pas à la portée du premier pays venu, surtout dans un contexte de désindustrialisation, lubie très à la mode dans certain milieu...y compris chez nous.

- Un autre problème tient à la nature même des énergies renouvelables.

Les fossiles fournissent congénitalement de la chaleur, qui est devenue prépondérante sous diverses formes, notamment les moteurs thermiques aujourd'hui sur la sellette. L'électricité elle-même doit beaucoup aux fossiles grâce aux centrales thermiques. Elle est encore à 70% un sous-produit du charbon, du pétrole et du gaz, et ne représente que moins de 20% de la consommation mondiale d'énergie..

A contrario, les renouvelables, qui constituent le peloton de tête dans les futurs projets, fournissent essentiellement de l'électricité : Eolien, Solaire, Hydraulique, Nucléaire, vont ainsi prendre la place des fossiles, la chaleur devenant un sous-produit de l'électricité.

Il s'agit donc d'un changement de paradigme qui entraînera la nécessité d'adapter à l'électricité les applications qui aujourd'hui utilisent des fossiles.

Ce volet, indispensable, de la transition énergétique, sera au moins aussi coûteux et perturbant que la production de l'électricité elle-même.

( Nous en voyons un premier exemple dans le cas des transports routiers, maritimes, fluviaux, aériens, pour lesquels « l'électrificabilité » n'a pas encore été démontrée, le problème du stockage restant entier, même pour les véhicules légers qui sont pourtant les moins exigeants...)

D'autre part, l'électricité ne peut remplacer les fossiles que dans les zones équipées d'un réseau électrique (!), ou doit être fabriquée sur place en l'absence de réseau. Ceci représente une contrainte dans de nombreuses régions du monde où l'habitat est très dispersé.

- Autre difficulté : certaines sources renouvelables, le solaire, l'éolien, et l'hydraulique, sont intermittentes et/ou non pilotables. Elles ne pourront donc être efficaces que si elles sont couplées à des moyens de production pilotables qui, eux-mêmes, devront être alimentés par des sources décarbonées, et/ou soutenus par des moyens de stockage suffisants. Là aussi les investissements nécessaires sont colossaux, et souvent « oubliés » dans les analyses.

(Aujourd'hui l'intermittence de ces renouvelables est compensée par une production complémentaire obtenue grâce à des centrales thermiques à Gaz fossile, voire même au charbon. Ceci n'est évidemment pas acceptable sur le long terme, mais la solution pérenne décarbonée n'est toujours pas identifiée, au sens industriel du terme ) .

On « parle » de STEP ( Stations de Transfert d'Energie par Pompage ), mais sans programme établi. On évoque également le stockage sous forme d'Hydrogène obtenu par électrolyse et pile à combustible, ou sur batteries, mais tout ceci demeure encore assez théorique .

- Par ailleurs, Le nucléaire est une source d'énergie décarbonée, mais d'une part sa mise en œuvre se heurte souvent à une opposition de principe des opinions, et d'autre part c'est une technologie extrêmement complexe qui ne peut être disséminée n'importe où comme des éoliennes ou des panneaux solaires. Elle ne peut être mise en œuvre et exploitée que par du personnel hautement qualifié, qui n'est évidemment pas disponible n'importe où et que l'on ne peut mobiliser que pour des installations de très forte puissance. Sans parler des problèmes de sécurité liée à l'instabilité politique de certaines régions.

(Le projet de mini réacteurs ( SNR ) est destiné à résoudre une partie de ce problème, mais ce n'est encore qu'un projet).

Quelques autres questions complètent la panoplie des incertitudes et justifient plus ou moins le manque d'enthousiasme des décideurs, peu enclins à entraîner leurs actionnaires dans un voyage financier au long cours sans savoir si au bout se trouve la toison d'or ou le naufrage :

- La biomasse solide, liquide, ou gazeuse, n'est qu'un pis-aller puisqu'elle ne fait que recycler du carbone déjà présent dans l'atmosphère, et sa production massive dédiée est suspectée d'entrer en conflit avec les productions vivrières. Deux raisons suffisantes pour faire reculer les investisseurs.

Sans parler des impacts sur la biodiversité et la déforestation...

- L'Hydraulique n'est utilisable que là où il y a de l'eau ( ! ), ce qui exclut de nombreuses régions du Globe qui sont, ou seront, frappées par la sécheresse. D'autres régions, mieux pourvues en eau, rencontrent des oppositions locales au nom de la préservation de la biodiversité.

A ces problèmes liés à la production des énergies nouvelles vient s'ajouter la nécessité de faire face aux premiers « dégâts » causés par le changement climatique, quelles qu'en soient les causes par ailleurs :

Augmentation des températures, perturbation du régime des précipitations, multiplication des épisodes climatiques violents, montée du niveau des océans, épisodes violents de sécheresses, canicules, stress hydrique, inondations, fonte des glaciers, tarissement de certains cours d'eau, submersion, recul du trait de côte, avec des conséquences sur l'agriculture, les forêts, l'élevage, l'habitabilité de certaines régions, les incendies, les dégâts causés aux constructions, la perturbation des activités humaines, les mouvements de populations, etc.

Toutes ces malédictions doivent faire l'objet d'une prise en compte systématique, les dispositions actuelles n'étant plus à la hauteur de ces sinistres dont l'ampleur ne peut qu'augmenter dans le futur.

La tâche à accomplir ne consiste donc pas « seulement » à remplacer une source d'énergie par une autre, mais véritablement à changer le monde lui-même, ce qui est une autre paire de manche.

Ce bouleversement doit être accompli en tenant compte des enjeux humains, économiques, politiques, financiers, souvent contradictoires, et ceci dans une perspective séculaire puisqu'il s'agit de préserver un cadre de vie pour le prochain siècle, peut-être au détriment de notre « petit » confort d'aujourd'hui, ce qui sera sûrement le plus dur à avaler...

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