14 Avril 2012
La voiture électrique est entrée chez nous par la petite porte. Nous voulons parler de la tout électrique qui ne peut compter que sur sa batterie pour avancer. L’objet qui commence à sillonner nos villes est la « Blue car » mise en location en libre service. Elle n’a pas la prétention de remplacer une berline routière.
Les hybrides déjà commercialisées ne sont que des semi électriques qui vivent leur vie de voitures classiques avec un moteur auxiliaire électrique.
Au contraire, l’engin qui nous intéresse ici est la berline tout électrique, telle que la FLUENCE ZE que Renault doit commercialiser cette année.
Les pratiques marketing ( douteuses) laissent entendre que le client pourra faire le plein d’électricité pour deux euros, ramenant ainsi son budget carburant à quasiment rien.
Voyons ce qu’il en est.
Un calcul simple laisse entrevoir la possibilité de diviser par quatre ou davantage le budget carburant d’un usager moyen.
Selon la technologie, pour parcourir 100 km en auto, il faut environ 5 L de gazole, 7 L de super, ou encore 20 KWh d’électricité, ceci pour une honnête voiture moyenne de cinq places.
Sur cette distance l’usager deva donc dépenser respectivement 7 euros de gazole, 11,2 euros de super, ou 1,8 euros d’électricité ( tarif EDF Bleu ciel, puissance souscrite 9KVA, option HP/HC, charge de batterie à la maison en HC).
Pour 15 000 km par an, son budget carburant annuel sera donc de:
1 050 euros de gazole ou
1 680 euros d’essence ou
268 euros d’électricité.
L’usager se frotte les yeux et refait son calcul, pas d’erreur le jackpot est à sa portée.
Et que dire du gros rouleur qui parcourt beaucoup plus de kilomètres.
Sans hésitation notre homme signe un bon de commande pour la petite merveille.
Le lendemain il rencontre son comptable et ami, qui lui tient un langage de comptable, lequel est rarement désopilant comme l’atteste la liste ci-dessous des surprises qui l’attendent :
L’exemple de la Renault Fluence ZE nous montre que le prix de la voiture ( 26 000 euros) est sensiblement égal à celui du modèle à moteur thermique de même facture, mais sans la batterie, qui est uniquement proposée en location.
Pour un contrat de location de 60 mois et 15 000 km par an, il en coûtera mensuellement 96 euros TTC, sans l’électricité évidemment, que l’usager devra payer par ailleurs.
La location seule de la batterie coûtera donc 1 152 euros TTC par an, soit davantage que le budget gazole équivalent.
Notre usager commence à pâlir.
Il n’est pas au bout de ses surprises:
Les carburants pétroliers supportent la TICPE ( ex TIPP) , qui rapporte 25 Milliards d’euros par an à l’Etat. L’électricité en est exempte, pour le moment. Mais Bercy n’a évidemment pas l’intention de renoncer au produit de cette taxe, et réfléchit à la manière de l’appliquer à l’énergie de recharge des batteries. Dans un premier temps la taxe sera supportée par les bornes publiques, car la mise en œuvre en est simple. Dans un second temps elle sera étendue aux installations particulières selon une méthode à définir, Bercy étudie la question avec EDF ( soit une taxe annuelle fonction du véhicule, soit un circuit séparé géré par un compteur Linky).
Il est plus que probable que le KWh « automobile » coûtera alors nettement plus que 0,0895 euros…
1 litre de gazole permet d’obtenir environ 4 KWh efficaces dans un moteur moderne. On peut alors imaginer que 1 KWh d’énergie électrique de recharge de batterie devrait supporter le quart de la taxe supportée par un litre de gazole, soit une dizaine de centimes d’euro, pour conserver l’intégralité du rapport de la TICPE.
Le prix du courant serait alors multiplié par deux.
Voilà notre usager au bord de l’asphyxie.
Mais le comptable n’a pas fini:
Pour une voiture à moteur thermique la notion d’autonomie est sans signification. Lorsque le réservoir se vide il suffit de le remplir à la première station-service, toujours proche.
Pour une voiture électrique il en va tout autrement, l’autonomie est un paramètre très important, au point que le constructeur lui-même la place en tête des spécifications. Elle sera une cause de stress permanent car il n’existe aucune infrastructure publique de rechargement des batteries. Le conducteur devra à chaque déplacement sortir sa calculette pour évaluer le nombre de KWh nécessaires au trajet prévu en fonction de son chargement, du profil de la route, et de la distance au prochain point de recharge!
Lorsque cette infrastructure existera ( dans cinq ans, dans dix ans ?) il ne faudra pas espérer y trouver de l’électricité à 0,09 euros le KWh. Ce KWh sera devenu un produit commercial sur lequel le distributeur prendra sa marge, et qui supportera la TICPE.
On pourra donc, peut-être, refaire le plein, mais au prix fort.
Notre usager se sent de plus en plus mal.
Hélas le comptable n’en a pas encore fini avec lui:
Si, malgré de savants calculs d’autonomie, la voiture s’arrête faute d’énergie, il est infiniment peu probable que la panne sèche se produise devant une station service. Il sera donc nécessaire de procéder à un remorquage, rarement effectué à titre gracieux, et d’accepter une interruption du voyage de peut-être plusieurs heures selon le lieu et l’heure et la disponibilité d’un poste de recharge rapide .
Pour éviter la panne sèche l’usager devra donc prévoir une recharge de batterie ou un échange standard tout les cent kilomètres. Il ne pourra donc emprunter que les itinéraires comportant ces facilités, lesquelles seront payantes bien entendu.
Notre usager, complètement découragé, commence à se demander si, en guise de voiture, on ne lui a pas vendu une tringle à rideau.
Ce sombre tableau n’est que la liste des aléas auxquels sera exposé l’usager acheteur d’une voiture tout électrique en 2012 et dans les deux ou trois prochaines années, en attendant la mise en place d’un réseau dense de stations de rechargement.
Donc, non seulement la voiture tout électrique n’est pas une bonne affaire financière, mais elle peut s’avérer source d’ennuis sans fin…