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17 mai 2015 7 17 /05 /mai /2015 14:38

17 Mai 2015

Si le prototype de l’EPR de Flamanville arrive à son terme il aura coûté environ 12 Milliards. Une somme conséquente, mais qu’il y a lieu de replacer dans son contexte.

Le décret d’autorisation de construction a été signé le 11 Avril 2007, et les travaux ont débuté en Décembre de la même année. Il est construit sur la base de la technologie déjà éprouvée sur les réacteurs REP existants ( palier N4 ) dont la fiabilité a été démontrée par un service cumulé de 1700 années-réacteur sans accident majeur. Il intègre évidemment tous les progrès réalisés dans la sureté durant les dernières décennies et répond aux exigences post-Fukushima. Sa puissance nominale sera de 1 650 MW électriques, légèrement supérieure aux derniers réacteurs « classiques » mis en service en 1996/97 à Chooz , qui fournissent 1 450 MW électriques chacun.

Les deux réacteurs de Chooz correspondent à la génération REP-N4 et sont les précurseurs de l’EPR. Leur construction a également duré 12 ans, soit une durée équivalente à celle de l’EPR, qui devrait être mis en service en 2018. ( Etrange similitude entre les deux chantiers, dans la durée et dans l’ampleur des manifestations d’opposition ).

Ce n’est pas seulement la puissance qui distingue l’EPR de Flamanville des anciens modèles, c’est surtout la modernité de la conception axée sur la sureté de fonctionnement.

Avec un facteur de charge de 0,9 l’EPR produira annuellement 13 TWh. Le coût rapporté à la puissance nominale est de 7,2 Millions par MW. Ce réacteur est une « tête de série », et l’expérience ( de EDF) a montré que le coût des exemplaires suivants sera d’au moins 20% inférieur, soit 5,8 Millions par MW .

( Référence: http://www.senat.fr/rap/r11-667-1/r11-667-1_mono.html )

Voyons maintenant ce qu’il en serait si la même capacité de production était confiée à un parc éolien offshore.

L’éolien offshore est une industrie aujourd’hui bien établie. De nombreux parcs sont exploités en Europe du Nord et au Royaume Uni, fournissant des données statistiques fiables car basées sur l’expérience.

Pour les coûts de construction nous prendrons comme référence le programme de parc offshore de la baie de Saint-Brieuc qui sera équipé des machines M 5000-135 de AREVA, déjà utilisées ailleurs en Europe.

Le parc de la baie comprendra 100 machines de 5 MW, soit 500 MW nominal. Le montant de l’investissement, affiché dans la réponse à l’appel d’offre, est de 2 Milliards, soit 4 millions le MW nominal hors raccordements au réseau et hors moyens de relève de l’intermittence.

(Référence: http://www.eolienoffshoresaintbrieuc.com/fr/un-projet-industriel/le-coût-et-le-financement).

Avec ce type de matériel, pour produire annuellement la même énergie que l’EPR, soit 13 TWh, il faudrait installer une puissance nominale de 4,35 GW.

( L’EPR se « contente » de 1,65 GW car son facteur de charge est de 0,9 au lieu de 0,34 ).

Au prix de 4 Millions le MW nominal, la facture éolienne s’élèverait à 17,4 Milliards. A ce coût il faut bien sûr ajouter celui des raccordements au réseau et celui des unités de relève de l’intermittence, puisque le vent ne souffle pas régulièrement. Ces unités peuvent être soit des stations de stockage massif d’électricité, soit des unités de production à base de centrales à gaz, probablement un mix des deux. Le coût total, intégrant la part des moyens de relève de l’intermittence, ne serait pas inférieur à 20 Milliards, contre 12 Milliards « seulement » pour l’EPR.

Rappelons que les coûts en question sont extraits du rapport de la Cour de Comptes d’une part, et de la réponse de la Société AILES MARINES à l’appel d’offre de 2011 sur l’éolien offshore en côte atlantique d’autre part.

La simple comparaison des chiffres oblige à constater que le coût de l’éolien offshore est supérieur de 66% à celui de l’EPR. Du moins pour ce qui concerne le coût de construction des installations.

Par ailleurs, le parc offshore équivalent à l’EPR en production d’énergie comporterait 870 machines de 5 MW nominal. On pourrait réduire ce nombre en montant des machines de 8 MW, mais le coût ne serait pas diminué car ces machines sont fort coûteuses.

Cette comparaison des coûts de construction est instructive pour plusieurs raisons:

- Basée sur des chiffres officiels, elle démontre que malgré les dépassements de budget importants du chantier de l’EPR, celui-ci reste considérablement moins cher que son éventuel équivalent en éolien offshore.

- L’éolien offshore est une technologie chère, il faudra en tenir compte dans la stratégie de transition. D’autant plus que la durée de vie des éoliennes offshore est de trente ans seulement contre 60 voire plus pour une centrale nucléaire.

Le parc nucléaire français comprend 58 réacteurs, dont une vingtaine ne répondent plus aux normes de sécurité récentes et atteindront bientôt leur limite d’âge. C’est donc une puissance nominale de 20 GW qui devra être remplacée d’ici 2025 ( pour commencer ).

Si la solution de remplacement choisie est l’éolien offshore, il faudra construire des parcs à hauteur de 80 GW nominal, soit une facture de l’ordre de 300 Milliards, avec 10 000 ( Dix mille ) grosses machines de 8 MW.

Et ceci ne représente « que » 35% de la capacité actuelle du nucléaire.

Cette analyse, qui n’est que la compilation de chiffres officiels, ne doit pas faire oublier que le nucléaire, dans sa forme actuelle, reste une technologie détestable, pour plusieurs raisons:

- Le risque zéro n’existe pas, l’accident nucléaire majeur reste toujours possible. Les meilleures précautions ne peuvent que réduire la probabilité d’un accident, mais jamais l’annuler.

- Il n’existe pas de procédé satisfaisant pour le traitement et le stockage à long terme des déchets radioactifs.

- Le risque de dissémination et d’usage criminel est de plus en plus prégnant.

- Les sources de combustible Uranium ne sont pas inépuisables, et ne sont donc pas des sources durables.

- La dépendance aux approvisionnements du minerai de l’étranger sont contraires à l’esprit de l’indépendance énergétique.

- Le démantèlement des installations reste une opération difficile et dangereuse par le risque de dissémination. De plus son coût est très mal évalué aujourd’hui.

Malgré tous ces inconvénients, qui sont autant de menaces pour la sécurité publique, le nucléaire demeure attractif du strict point de vue financier, car les menaces en question n’ont jamais été évaluées en terme d’impact sur les bilans comptables, les seules évaluations disponibles étant largement sous-estimées.

De plus il serait probablement très difficile, voire même impossible selon certains, de faire accepter par les populations littorales et les professionnels de la mer l’implantation de dizaines de milliers d’éoliennes hautes comme 2/3 de tour Eiffel.

Notre société est donc placée devant un choix :

- Soit préserver l’environnement littoral en conservant une production électronucléaire importante.

- Soit engager un processus de sortie du nucléaire, en acceptant l’installation de plusieurs dizaines de milliers de grosses éoliennes le long du littoral.

- Soit accepter des restrictions drastiques de consommation électrique sur le réseau pour à la fois sortir du nucléaire et limiter l’invasion du littoral par l’éolien offshore.

Cette dernière solution est évidemment la plus écologique mais elle implique le développement du concept d’autoproduction, l’objectif étant de produire soi-même son électricité sans faire appel au réseau. On peut très bien imaginer des collectivités territoriales autonomes en énergie électrique, mettant en commun des moyens de production solaire, éolien, d’exploitation de la biomasse, de la géothermie, du petit hydroélectrique, soutenus par un programme de rénovation thermique des bâtiments et des installations de stockage de l’énergie.

Le passage d’une économie dispendieuse en énergie vers une économie de parcimonie est la condition à remplir pour se passer à la fois du nucléaire et de l’éolien offshore massif. Il appartient en grande partie au consommateur d’apporter la preuve de son adhésion à ce programme, en participant activement à la campagne d’économies d’énergie promue par le Gouvernement.

Et, comme dit l’autre, le reste vous sera donné par surcroît…

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