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16 janvier 2015 5 16 /01 /janvier /2015 18:57

16 Janvier 2015

Les usagers du Gaz Naturel, du moins les plus curieux qui tentent de comprendre leurs factures, éprouve autant de perplexité qu’à la lecture d’une feuille de paye.

C’est que dorénavant l’amoncellement des taxes et contributions fait qu’on ne sait plus très bien si l’on achète du gaz, si l’on subventionne les œuvres sociales de l’Etat, si l’on participe au financement des parcs éoliens, si l’on contribue au rachat du gaz de méthanisation de l’usine d’à côté, ou si l’on s’acquitte d’une pénalité pour cause d’émission abusive de CO2.

Le fournisseur de Gaz est devenu un collecteur d’impôts, pardon, de taxes et contributions. La petite dernière est la taxe Carbone ( TICGN ). Rassurez-vous elle ne sera pas la dernière, d’autres viendront lors de la mise en œuvre de la tarification progressive, ce qui ne saurait tarder ( mon petit doigt me dit qu’en 2017...).

La taxe carbone a été inventée pour inciter, voire contraindre, les émetteurs de GES ( Gaz à Effet de Serre) à faire de réels efforts pour réduire leurs émissions, soit en améliorant l’efficacité énergétique de leurs processus, soit en remplaçant leurs sources d’énergie par des sources décarbonées ou à carbone recyclable, soit les deux. Et bien entendu à réduire également s’il y a lieu leurs émissions d’autres GES, comme le Méthane, les Nox et le protoxyde d’Azote.

Le CO2 n’est hélas pas le seul coupable.

Un système de quotas d’émissions a ainsi été mis en place dans les pays ayant adhéré aux accords internationaux sur la réduction des GES, d’abord sur les entreprises industrielles les plus polluantes. En Europe 11 000 installations industrielles sont concernées en 2014.

Chaque entreprise concernée se voit attribuer un quota d’émission en rapport avec son activité actuelle et ses projets d’amélioration d’efficacité énergétique. Si le quota n’est pas atteint ( entreprise vertueuse) les droits peuvent être revendus. Si le quota est dépassé, l’entreprise doit si c’est possible racheter des droits revendus par des entreprises vertueuses, ou sinon payer une amende. Il s’établit ainsi un marché d’échange des droits d’émission ( Certains disent droits à polluer).

En Europe c’est le SCEQE ( Système Communautaire d’Echanges de Quotas d’Emission), entré dans sa phase III. Ce système n’est plus représentatif des besoins réels qui ont évolué, une réforme est en cours. L’autre moyen ( supposé) de freiner les émissions de Carbone est la taxation.

Dans le cadre de la CCE ( Contribution Climat Energie), le Gouvernement français a décidé d’appliquer la taxe Carbone aux consommateurs domestiques de Gaz ( Cette taxe existait déjà mais les consommateurs domestiques en étaient exemptés). La TICGN est censée donner un signal fort aux consommateurs pour les inciter d’une part à optimiser leur consommation énergétique, et d’autre part à investir dans les énergies nouvelles.

Cet objectif ne peut être atteint que si son montant est suffisamment dissuasif. La pilule sera donc nécessairement dure à avaler. ( C’est çà ou la tarification progressive).

Les montants annoncés pour le court terme pour la tonne de CO2 émise sont les suivants:

7 euros en 2014

14,5 euros en 2015

22 euros en 2016

Pour la suite rien n’est encore annoncé mais on peut se référer aux chiffres qui circulent dans les couloirs:

100 euros en 2030

150 à 300 euros en 2050 ( Dans la mesure où il resterait encore du gaz naturel à cette époque…). Pour l’efficacité de la mesure il est indispensable, pour le consommateur, d’avoir une visibilité à long terme afin d’établir une stratégie d’adaptation: travaux d’isolation thermique, changement d’énergie, déménagement, changement de logement, basculement sur les énergies vertes, etc…

La mesure des émissions de CO2 n’est pas chose aisée, il n’existe pas encore de compteur de CO2 au sortir des cheminées ! Cette lacune n’ayant pas échappé au législateur, et pour des raisons d’homogénéité de la facture, la taxe sera rapportée au KWh consommé.

Mais, contrairement à l’électricité, le compteur à Gaz domestique mesure des mètres cubes, et non des KWh. Il faut donc savoir à combien de KWh correspond le nombre de m3 achetés ( Index du compteur ).

C’est là que les choses se compliquent un peu.

Le paragraphe suivant entre crochets peut être sauté sauf pour les petits curieux:

[Le nombre de KWh que peut fournir la combustion de 1 m3 de gaz s’appelle le PCS/Nm3 ( Pouvoir Calorifique Supérieur par Normo mètre cube).

Le Normo m3 est un mètre cube dans les conditions « normales » de température et de pression: +15°C et 1013 Hecto Pascal ( norme ISO) Il existe une norme DIN légèrement différente. Il existe aussi un Pouvoir calorifique Inférieur ( PCI) qui diffère du précédent par la quantité de chaleur latente contenue dans la vapeur d’eau de combustion.

Le PCS du Gaz Naturel est supérieur d’environ 10% à son PCI .

Le PCS « standard » du Gaz reçu à un moment donné dépend de plusieurs facteurs:

- Sa composition.

Le Gaz naturel est un mélange de divers gaz: Méthane, Ethane, Propane, Butane, Azote, Dioxyde de carbone,…) Le Méthane représente environ 90% du contenu. Les proportions des divers gaz peuvent varier légèrement selon la provenance ( Algérie, Pays bas, Norvège, Russie) .

- Sa pression.

Le PCS dépend directement du nombre de molécules contenues dans 1m3, lui-même dépendant de la pression et/ou de la température. La capacité énergétique du Gaz reçu chez l’usager va donc dépendre de sa provenance, de la pression et de la température. Or la pression dépend de l’altitude. Le fournisseur de gaz, dans un souci de rigueur ( et aussi parce que c’est la LOI) doit donc tenir compte de ces subtilités pour calculer au plus juste le nombre de KWh contenus dans le mètre cube de gaz fourni au client. C’est pourquoi il tient compte, entre autres, de l’altitude du lieu.]

Sur la facture apparaît un « Coefficient de conversion » qui transforme les mètres cubes en KWh. Ce coefficient varie d’une région à l’autre, d’une période à l’autre pour un même lieu, de la température, l’altitude et la composition du gaz étant les principaux paramètres d’ajustement. Les valeurs peuvent aller de 9 à 12,4 KWh/m3 et ne sont donc pas constantes ( Ce coefficient est indiqué sur la facture) .

Pour les factures correspondant à une consommation estimée, pour lesquelles le coefficient de conversion est à priori inconnu, le fournisseur applique le dernier coefficient connu et la rectification est faite s’il y a lieu sur le relevé suivant.

Le calcul des coefficients de conversion est supervisé par la CRE (Commission de Régulation de l’Energie).

Connaissant les KWh correspondant à la consommation de m3, Il reste maintenant à savoir quelle quantité de CO2 est émise par la quantité de Gaz permettant de dégager une énergie de 1 KWh. Encore un paragraphe facultatif:

[L’équation de combustion du Méthane est:

CH4 + 2 O2 = CO2 + 2 H2O

Une molécule CH4 donne une molécule de CO2.

Dans 1 Nm3 de Méthane il y a 44,64 mol de CH4. La combustion de ce m3 donne donc également 44,64 mol de CO2.

Une mole de CO2 pèse 44g , il y aura donc 1,964 kg de CO2 après combustion du m3 de gaz.

Le contenu énergétique de 1 Nm3 de Méthane pur étant de 9,9 KWh PCI , nous avons 1,964 kg de CO2 pour 9,9 KWh PCI d’énergie gaz consommée, soit 198 g de CO2 pour 1 KWh PCI.

En pratique le gaz distribué contient 90% de Méthane et 10% d’autres gaz qui augmentent légèrement le PCI. ]

La valeur retenue, préconisée par l’ADEME, est de 206 g CO2/KWh PCI.

Les valeurs indiquées précédemment pour la taxe carbone à la tonne de CO2 se traduisent donc sur la facture par une taxe au KWh:

0,127 centimes/KWh PCS en 2014

0,264 ----------------------- en 2015

0,401 ----------------------- en 2016 ---------------------------------

1,8 centimes/KWh PCS en 2030 selon certaines prévisions.

En 2016, et pour une consommation annuelle de 500 TWh la taxe rapportera 2 Milliards d’euros. En 2030, et dans l’hypothèse d’une taxe de 100 euro/tonne CO2, le rapport annuel serait de 9 Milliards.

Ces montants significatifs doivent être mis en rapport avec les investissements nécessaires pour améliorer l’efficacité énergétique des logements:

20 millions de logements sont concernés: Isolation de la toiture, isolation des murs, remplacement des fenêtres et des portes, ventilation double flux, remplacement de chaudière, installation d’un chauffe-eau solaire, ces travaux représentent une moyenne de 40 000 euros par logement ( entre 20 000 et 60 000).

Soit un investissement de 800 Milliards sur 20 ans ( 1 million de logements rénovés par an).

40 Milliards par an, c’est exactement l’argent dépensé dans l’achat des voitures particulières ( 2 millions de voitures neuves par an @ 20 000 euros en moyenne).

Le rapprochement est intéressant, sauf que les usagers dont les revenus ne leurs permettent pas d’investir dans la rénovation thermique n’achètent pas de voitures neuves et se contentent d’une vieille guimbarde.

Il n’est pas certain que le fait de ponctionner les petits revenus incitera ces usagers déjà vulnérables financièrement à investir dans quoi que ce soit.

Difficile de demander toujours aux mêmes d’investir sur la rénovation thermique, d’acheter des voitures électriques, de financer le développement des énergies nouvelles, le démantèlement des centrales nucléaires, la construction des centrales nouvelles, le trou de la sécu, et en plus de payer une taxe Carbone !

On ne sortira pas de la nécessité d’instaurer un système de prêts remboursables sur les économies d’énergie réalisées.

Réaliser une transition énergétique depuis une énergie que nous n’avons pas vers une énergie que nous devrons fabriquer de toutes pièces, tout en renonçant à notre seule source nationale qui est le nucléaire, et en s’interdisant d’en exploiter une autre, les gaz de schiste, est un challenge extrêmement ambitieux qui dépasse peut-être les moyens d’un pays en situation économique de détresse.

Peut-être est-il temps de revoir nos objectifs et d’accepter quelques compromis, il n’y a aucun déshonneur à tenir compte du principe de réalité.

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